"Ce n’est pas la faute aux bureaucrates de Bruxelles s’il faudra payer l’eau au coût réel", a lancé le député vert Camille Gira – qui est aussi bourgmestre de Beckerich - lors d’une conférence de presse convoquée le 20 janvier 2011 pour évoquer les questions de l’eau potable, du prix de l’eau et de la politique sociale. C’était sa manière de faire référence au fait qu’à partir du 1er janvier 2011, les ménages luxembourgeois auraient dû payer le prix réel de la distribution en eau potable et de l'assainissement des eaux usées en application de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau transposée en droit national par la loi du 19 décembre 2008 sur la protection et la gestion des eaux, et que l’application de la loi est loin de faire l’unanimité.
Avec sa collègue, la députée et échevine de la ville de Luxembourg Viviane Loschetter, il a mis l’accent sur le fait que la loi de 2008 se propose d’abord de prévenir toute dégradation supplémentaire, voire de préserver et d’améliorer l’état des eaux du pays, de promouvoir son utilisation durable, de renforcer la protection de l’environnement aquatique, de réduire progressivement la pollution des eaux souterraines et de régénérer le régime des eaux de surface. C’est dans ce cadre que s’inscrivent des principes directeurs régissant la fourniture d’eau destinée à la consommation humaine et à l’utilisation industrielle, artisanale et agricole. Bref, la directive et la loi visent la durabilité de la ressource en eau.
Viviane Loschetter a fait le tour des ressources nationales en eau et dressé le constat suivant : la population augmente, et avec elle la consommation en eau ; la consommation par habitant stagne voire baisse du fait des changements dans le comportement des consommateurs ; dans 60 % des ressources d’eau potable, des traces de nitrates et de pesticides sont détectées ; l’été, le pays frise la pénurie malgré le recours au barrage d’Esch-sur-Sûre, aux forages supplétifs du SEBES et aux sources en eau potable ; la qualité des eaux de surface se dégrade, de sorte que seuls le lac d’Esch-sur-Sûre, celui de Weiswampach et les étangs de Remerschen remplissent les conditions légales d’eaux propres à la baignade.
Les Verts rendent responsables l’inaction des autorités dans six domaines :
Mais maintenant que le coût réel doit être payé selon la loi, les frais cachés pointent à la surface et selon Camille Gira, la nouvelle situation révèle au grand jour que "pendant des années une mauvaise politique de l’eau a été menée". Car "ce n’est pas la nouvelle loi qui renchérit l’eau", mais le traitement et la fourniture des eaux ont toujours été liés à des coûts conséquents.
Le député Gira est ensuite passé à la charge contre le Premier ministre Juncker et le ministre de l’Intérieur Halsdorf. Il leur reproche de verser dans le "populisme" lorsqu’ils prônent un prix unique et un prix très bas pour les agriculteurs et se dit "étonné qu’ils recourent à un moyen digne d’une économie communiste de planification". D’autre part, il reproche au ministre de l’Intérieur d’avoir "semé le chaos" et incité les communes à ne pas respecter la nouvelle loi avec ses circulaires aux communes et ses réponses aux questions parlementaires où il demande de plafonner les prix de l’eau dans les communes, pour éviter un renchérissement trop rapide de l’eau pour les consommateurs ruraux notamment.
Les Verts soupçonnent le ministre de vouloir renoncer à l’idée du coût réel et de se diriger vers le prix unique qui conduira selon eux fatalement à des surcoûts budgétaires pour l’Etat et les communes – car qui dit prix unique dit prix subventionné - et à une dégradation du réseau due à l’inaction des communes qui ne se sentent plus obligées d’agir. D’autre part, un prix subventionné de l’eau conduit selon eux les consommateurs à ne pas veiller à une modération de leur consommation en eau.
Le modèle des Verts suggère aux communes de subventionner de manière sélective par la voie de l’allocation à la vie chère une partie de la consommation en eau des ménages à faible revenu, afin d’éviter des retombées sociales négatives pour cette partie de la population.
Et en ce qui concerne les communes rurales, où le réseau est pour des raisons géographiques souvent plus grand pour un nombre d’habitants moindre que dans les zones urbaines, et donc plus coûteux par tête d’habitant, les Verts sont en faveur d’un prix harmonisé de l’eau. Ce prix harmonisé serait un prix plafonné qui permettrait de subventionner les communes où le coût réel dépasse le prix plafonné pour des raisons géographiques ou de coût du réseau.
Mais les Verts refusent le prix unique qui est un prix subventionné pour tous par la voie des budgets communaux, ruineux à terme selon eux. Même les agriculteurs, "auxquels on a fait miroiter un prix à un euro le mètre cube", pourraient selon Camille Gira vivre avec un tarif différencié, où ils paieraient le même tarif que tout le monde pour les besoins de leur ménage, un tarif adapté pour leurs bâtiments, et un autre pour l’eau utilisée en dehors des zones constructibles.
Bref, les Verts veulent que la nouvelle loi sur l’eau soit appliquée partout, que son application passe par la mise en œuvre d’un prix harmonisé, que le principe du coût réel inspire toute démarche dans la gestion des eaux, que les problèmes sociaux que cette mise en œuvre peut entraîner soient palliés par des mesures sociales, et pas par des subventions du prix qui fausseraient la donne et ne changeraient rien à la politique de subvention de fait d’avant. Il importe à leurs yeux que les citoyens soient mis en condition de comprendre ce qu’ils paient par une politique des prix transparente et que les communes procèdent à des politiques de prix qui rendent attrayant l’usage modéré de l’eau, par exemple en baissant la taxe de connexion au réseau et en augmentant le prix par mètre cube.