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Economie, finances et monnaie
Le Luxembourg doit prendre selon Yves Mersch à moyen terme la voie de l’excédent budgétaire et des réformes structurelles
14-01-2011


Le président de la Banque centrale du Luxembourg (BCL) et membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a donné le 14 janvier 2011 au quotidien Tageblatt une interview dans laquelle il s’exprime sur l’inflation, les raisons de la crise des dettes souveraines, la position du Luxembourg et de son secteur financier dans la situation actuelle, les objectifs que le pays devrait poursuivre en matière de politique budgétaire, les structures de surveillance du secteur financier.     

tageblattEn ce qui concerne l’inflation, Yves Mersch souligne que c’est un phénomène qui touche avant tout les personnes à revenue fixe, salariés comme pensionnés, les personnes à revenu modeste dans la mesure où celles-ci sont plus touchées dans un tel contexte du fait de l’impôt progressif et les épargnants dont les avoirs se dévaluent. Néanmoins, Yves Mersch est convaincu, en se basant sur les prévisions de la BCE, de l’UE du FMI et de l’OCDE que l’inflation ne dépassera pas à moyen terme les 2 %.

L’origine de la crise et les critères de Maastricht

Dans son interview, Yves Mersch tient à souligner que la crise actuelle "n’est pas une crise de l’euro. Nous nous trouvons dans une crise des dettes souveraines de certains Etats de la zone euro." Les critères de Maastricht – moins de 3 % par rapport au PIB annuel de déficit budgétaire, moins de 60 % de dette publique cumulée - n’ont pas échoué, mais "ils n’ont plutôt pas été respectés".

Les 3 % de déficit budgétaire ont été définis par rapport à une croissance potentielle de 3 % qui était la règle au début des années 90, quand cette règle a été négociée. Or, remarque Mersch, le potentiel de croissance actuel se situe seulement autour de 2 %. Pour le président de la BCE, il serait de ce fait nettement plus important que le critère de des 60 % de dette publique soit respecté, "mais là les grands pays donnent un mauvais exemple aux petits" (la dette publique allemande est de 73,4 %, la française de 78,1 %, l'italienne de 116 %, n.d.l.r.). C’est pourquoi Yves Mersch plaide pour un automatisme des sanctions et plus pour un travail de prévention des crises qu’un travail de gestion des crises.

Pour que l’UE sorte de la crise, sa croissance potentielle doit selon Yves Mersch de nouveau aller vers les 3 %. Cet objectif passe par des réformes structurelles, et des investissements dans la formation et la recherche. Et de ce côté-là, Yves Mersch pense que "le Luxembourg accuse de sérieux retards".

Pour le président de la BCE, les dettes ne sont pas à l’origine de la crise, mais en sont un effet. Il y a pour lui d’un côté les pays où les gouvernements sont responsables pour le fait que l’on y a vécu au-dessus de ses moyens. Or, "ni les gouvernements ni les ménages ne devraient financer la consommation par des dettes". Dans d’autres pays, ce sont les ménages et les secteurs financiers et des services qui ont accumulé trop de dettes.      

Le Luxembourg, les critères de Maastricht et la voie à suivre selon Yves Mersch

Quels dangers pour le Luxembourg, dont la dette publique passera en 2011 de 15 à 19 % et le déficit budgétaire à 3,4 %, mais avec l’objectif d’un rétablissement de l’équilibre budgétaire en 2014 ?

Yves Mersch se refuse de citer un chiffre précis, car un pronostic de ce genre est lié à la diversification d’une économie. Celle du Luxembourg étant faiblement diversifiée et fortement déterminée par le secteur financier, Yves Mersch en conclut que le Luxembourg aurait en cas de crise de ce secteur immédiatement un gros problème économique malgré une faible dette. Mais, ajoute-t-il, "le Luxembourg a toujours été conscient de cette vulnérabilité et a toujours visé un endettement à bas niveau", une politique qu’il approuve.

Mais Mersch va plus loin : "Dans la logique d’une politique durable, le Luxembourg ne devrait plus faire de dettes du tout. Le pays devrait même prendre le chemin de l’excédent budgétaire" pour parer au vieillissement de la population ou à la disparition des revenus fiscaux liés au e-commerce. L’excédent à viser se situerait selon Mersch et la Commission européenne entre 0,75 et 1,5 %. A partir de 2014, le gouvernement se propose un objectif à long terme d’un excédent annuel de 0,5 %, un objectif qui selon Mersch "ne sera probablement pas atteint". Et il ajoute : "En tant que banque centrale, nous pensons qu’à moyen terme, un excédent de 1,15 % serait nécessaire." L’autre alternative étant de trouver de nouvelles sources de revenus, ce qui a jusque là échoué.     

La surveillance du secteur financier au Luxembourg

Yves Mersch n’est pas satisfait avec la surveillance du secteur financier au Luxembourg. La CSSF se fonde selon lui sur "un conflit d’intérêts » dans la mesure où elle représente tant les intérêts des fournisseurs de crédits que des preneurs de crédits. Selon lui, la surveillance du secteur bancaire devrait relever de la banque centrale, et la CSSF devrait "représenter les intérêts des consommateurs". A titre personnel, Yves Mersch se déclare par ailleurs "partisan de plus de surveillance bancaire au niveau européen", tout en admettant qu’une telle option ne suscite guère l’enthousiasme du gouvernement luxembourgeois à cause des frais pour les banques qu’elle impliquerait.