Le 10 décembre 2010, le président de la Banque centrale du Luxembourg (BCL), Yves Mersch, présentait à la presse le troisième bulletin publié par la BCL en 2010, lequel fait le point sur la situation économique et financière du Grand-Duché.
Il ressort de ce bulletin que la croissance du PIB en volume devrait s’établir au Luxembourg entre 3,5 et 4,1 % en 2010. Si ces chiffres sont supérieurs à ceux qui était prévus, les analystes appellent cependant à ne pas se méprendre, dans la mesure où ils prévoient un ralentissement au tournant de l’année 2010/2011. La croissance serait ainsi en repli en 2011 et 2012, pour osciller aux alentours de 3 %.
Pour les analystes de la BCL, il est illusoire de s’attendre au retour à une trajectoire de croissance annuelle de 4 %, qui constitue un seuil minimal à atteindre pour assurer l’équilibre des comptes sociaux. Le Luxembourg a certes connu une croissance moyenne supérieure au seuil des 4 % de 1980 à 2007, rappellent-ils, mais ils soulignent aussi que cette évolution favorable a dans une large mesure reposé sur un secteur financier extrêmement dynamique. Or, notent-ils, "les évolutions récentes incitent pour le moins à douter d’un renouvellement de ce `miracle financier´ au cours des années à venir".
Selon le bulletin de la BCL, les secteurs fortement exposés à la concurrence internationale, tels que l’industrie manufacturière, subiront "l’impact de la dérive de la compétitivité du Grand-Duché". Les analystes de la BCL estiment en effet que "l’appréciable gain de compétitivité" noté pendant la période de forte croissance s’est "volatilisé voire même inversé par la suite". "Cette dérive reflète en partie une productivité peu dynamique", expliquent-ils, ajoutant qu’elle résulte également "d’une inflation systématiquement plus forte que dans les pays limitrophes ou dans la zone euro, en raison notamment d’un mécanisme d’indexation transmettant automatiquement ces dérapages inflationnistes à la grille salariale".
"Seuls une restauration de la compétitivité de notre économie et un redressement de la productivité du facteur travail permettraient d’endiguer la progression tendancielle du chômage", estime Yves Mersch qui insiste, face au chômage structurel croissant que met en lumière la crise au Luxembourg, sur la nécessité d’un meilleur encadrement de l’évolution de l’inflation et des coûts salariaux et d’une politique d’éducation et de formation plus efficace. "Il est regrettable que le gouvernement se soit jusqu’à présent contenté de demi-mesures en la matière", déplore le président de la BCL qui appelle à une "action d’encadrement des coûts autrement plus décisive" dans la mesure où les projections d’inflation de la BCL laissent augurer de nouveaux dérapages inflationnistes dans un futur proche, tant par rapport aux pays limitrophes qu’à l’aune de la zone euro.
Aux yeux d’Yves Mersch, les finances publiques constituent "l’autre grand problème structurel du Luxembourg". Le président de la BCL regrette donc "le démantèlement graduel du programme de consolidation budgétaire présenté par le Premier Ministre en mai 2010". Il est à ses yeux "extrêmement périlleux de baser une politique budgétaire sur des inflexions à court terme, aussi favorables soient-elles". D’une part, le contexte économique est toujours empreint d’incertitudes au présent stade, prévient-il. D’autre part, ajoute le président de la BCL, "le Luxembourg sera plus que tout autre pays européen confronté à des transferts sociaux croissants au cours des prochaines décennies". Yves Mersch ne manque pas de souligner que le Grand-Duché risque qui plus est de faire face à un étiolement graduel de certaines recettes, notamment les recettes liées au tourisme à la pompe, les impôts des sociétés et la TVA électronique. Pour Yves Mersch, le Luxembourg devrait viser, comme objectif budgétaire à moyen terme, un surplus structurel de l’ordre de 1 % du PIB dès 2015. Et le président de la BCL appelle par ailleurs à des réformes structurelles de la sécurité sociale dans les meilleurs délais.
Pour le président de la BCL, qui exclut une hausse de la pression fiscale, l’effort de consolidation budgétaire doit s’opérer sur le versant des dépenses, idéalement sous la forme d’une norme instaurant un plafonnement de ces dernières. Yves Mersch propose ainsi que le suivi du respect de la norme de dépenses soit assuré par une instance budgétaire indépendante, également chargée d’aspects tels que la coordination des projections de recettes publiques. Selon lui, une telle instance s’inscrirait résolument dans le sens des recommandations de la task force présidée par Herman Van Rompuy sur la gouvernance au niveau européen et de la Cour des Comptes luxembourgeoise.
Yves Mersch insiste donc pour que la consolidation budgétaire survienne dans les meilleurs délais, car, insiste-t-il "l’effort d’ajustement sera d’autant plus douloureux qu’il sera tardif". "La situation budgétaire d’une économie ouverte comme celle du Luxembourg peut rapidement se dégrader faute d’une vigilance suffisante, comme l’indique la situation de l’Irlande", a plaidé le président de la BCL, rappelant la croissance économique de l’Irlande qui avait ramené sa dette publique à 25 % du PIB en 2007. "Or le ratio de la dette publique irlandaise s’établirait selon la Commission européenne à 97 % du PIB à la fin de cette année 2010", précise-t-il. S’il se dit convaincu que "l’Irlande parviendra à s’extirper de ces difficultés", Yves Mersch appelle au vu de cet exemple les décideurs politiques luxembourgeois à "prévenir tout risque en la matière, en renforçant au plus vite les fondamentaux de l’économie luxembourgeoise".