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Emploi et politique sociale
Le Parlement européen demande une réforme des systèmes de retraite viable, assurant un revenu approprié aux retraités
Les eurodéputés luxembourgeois divisés sur la question
16-02-2011


L'Union européenne et les retraites (c) Commission européenneLe 16 février 2011, le Parlement européen a adopté en séance plénière par 535 voix pour, 85 voix contre et 57 abstentions une résolution sur la réforme des systèmes de retraite intitulée "Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe". Cette résolution répond au Livre vert de la Commission européenne sur le même sujet publié début juillet 2010. La résolution demande que les États membres veillent à ce que les régimes de retraite assurent, dans la durée, un revenu adéquat au nombre croissant de personnes retraitées, malgré la crise économique. La portabilité des droits à pension doit également être examinée, ainsi que les inégalités concernant les femmes et les travailleurs âgés.

L’eurodéputée néerlandaise Ria Oomen-Ruijten (PPE, NL), qui a élaboré la résolution, a fait observer que "même si ce domaine est du ressort des États membres, certains aspects méritent d'être coordonnés au niveau de l'Union européenne. Le vieillissement démographique a un impact important car tous les États membres n'ont pas constitué les réserves nécessaires au financement de leurs retraites. Cette situation pourrait déboucher sur d'énormes dépenses qui auront des conséquences sur le pacte de stabilité et de croissance. L'autorité de supervision devrait surveiller les systèmes de retraite et certains États membres doivent être encouragés à prévoir un système de retraite adéquat et sûr."

Le Livre vert de la Commission avait soulevé un problème fondamental qui se pose en Europe : "Si l'on compte actuellement quatre personnes en âge de travailler pour chaque personne de plus de 65 ans, elles ne seront plus que deux pour une d’ici 2060". La population européenne vieillit. De l’autre côté, l'âge de la retraite varie considérablement dans les pays de l'Union européenne, de même que la proportion du PIB consacrée à la sécurité sociale.

Pression économique

Pour le Parlement européen, la responsabilité des retraites incombe aux États membres, qui procèdent à la réévaluation ou à la réforme de leur régime de retraite à la lumière de la situation actuelle de l'économie et du vieillissement de leur population. Ni le Parlement européen ni le Livre vert de la Commission ne remettent en cause les prérogatives des retraites ni le rôle des partenaires sociaux. Ils ne suggèrent pas qu'il existe une conception idéale d'un système de retraite valable pour tous les Etats membres.

Les députés demandent néanmoins avec insistance aux États membres de garantir des systèmes de retraite "adéquats, viables et sûrs", ainsi qu'un revenu de retraite adéquat pour lutter contre la pauvreté chez les personnes âgées. Ils exigent également qu’une consultation adéquate devrait avoir lieu avant de procéder à des changements, par exemple en cas de modification de l’âge de départ à la retraite. Les principes de solidarité entre les générations et la solidarité nationale sont essentiels à cet égard.

D’autre part, les députés rappellent qu’au niveau de l'UE, les systèmes de pension nationaux sont régis par un cadre d'activités allant des politiques de coordination à des politiques de réglementation. Certains thèmes communs devraient être abordés de manière coordonnée, comme le fonctionnement du marché intérieur, les exigences de stabilité et de croissance, ou encore l'assurance que les réformes des retraites sont compatibles avec la stratégie Europe 2020.

Portabilité des droits à pension

Les citoyens européens travaillent habituellement pour plusieurs employeurs tout au long de leur carrière professionnelle, et pour ce faire, bon nombre d'entre eux séjournent dans différents pays de l'UE. Les députés demandent aux États membres de lever les obstacles à la mobilité des travailleurs et de résoudre les difficultés liées au transfert des droits à pension. Ils indiquent notamment que les plans de retraite ne devraient pas nécessiter de longues périodes de cotisation pour être recevables.

Travailleurs âgés

Les députés attirent l'attention sur le fossé important qui existe entre l'âge obligatoire de départ à la retraite (qui est actuellement revu dans certains pays) et l'âge auquel bon nombre de travailleurs arrêtent de travailler. Les travailleurs âgés devraient bénéficier de conditions et de lieux de travail mieux adaptés, ainsi que d'une protection accrue contre le licenciement, indiquent-ils.

Inégalité de genre

Les députés souhaitent que l'accent soit mis sur l'égalité des genres. Les inégalités sur le marché du travail se traduisent par des retraites moins élevées pour les femmes, chez lesquelles il existe un risque élevé de pauvreté dans la vieillesse. D'une manière générale, les femmes sont moins bien rémunérées que les hommes pour un travail équivalent. Elles sont également plus susceptibles de travailler à temps partiel et d'interrompre plus longtemps leur carrière pour assurer le fonctionnement de la famille. Les députés demandent instamment à la Commission et aux États membres de veiller à l'égalité des genres et de tenir compte de ces éléments dans les prestations de retraite.

Travailler plus longtemps

Une des propositions de la résolution pour rendre les systèmes de retraite plus sains est d'allonger de manière concertée entre partenaires sociaux l'âge de départ à la retraite.

Le rapporteur Ria Oomen-Ruijten souligne à ce sujet qu'il est important de discuter de la modification de l'âge de la retraite avec le public. "Il est primordial de dialoguer avec les partenaires sociaux dans le cadre d'une décision de ce genre", souligne-t-elle.

Selon elle, les États membres doivent prendre les tendances démographiques en considération. "Si nous voulons nous assurer des retraites pour l'avenir, il est nécessaire que davantage de gens soient présents sur le marché du travail, plus longtemps. De nombreux États membres avec des systèmes de retraite à répartition sont confrontés à de fortes augmentations des coûts, ce qui signifie une pression croissante sur la solidarité et une lourde charge sur les jeunes générations." ajoute Ria Oomen-Ruijten. "Nous sommes confrontés à d'énormes défis démographiques, et nous devons agir maintenant pour éviter des problèmes dans l'avenir. Il est également nécessaire de limiter les départs à la retraite anticipés et d'aménager le marché du travail afin que les seniors ne soient pas discriminés, en particulier par des conditions d'emplois précaires" ajoute-t-elle.

Le vote des eurodéputés luxembourgeois

Le vote des eurodéputés luxembourgeois a été partagé. Georges Bach, Frank Engel, Robert Goebbels et Charles Goerens ont voté en faveur du rapport, Astrid Lulling et Claude Turmes se sont abstenus.

L’eurodéputé socialiste Robert Goebbels a voté en faveur du rapport Oomen-Ruijten. Dans un communiqué, il a fait savoir que "le rapport est plein de bonnes intentions, mais tout comme le Livre vert de la Commission, il laisse le doute sur les vrais buts politiques du débat." Robert Goebbels craint néanmoins que "le sens profond de ce débat est de préparer les opinions publiques à une privatisation progressive de régimes de retraites. Quand on voit les pertes enregistrées par les fonds de pension privés en Europe et aux Etats-Unis pendant la crise financière, je préfère m'en tenir à la solidarité intergénérationnelle des régimes de répartition."

L’eurodéputé chrétien-social Georges Bach a également voté en faveur du rapport, parce qu’il « reconnaît le premier pilier des systèmes de retraite européens, le système par répartition, comme le plus important. 

L’eurodéputé Frank Engel, affilié au groupe PPE comme Georges Bach, a vote pour le rapport parce qu’il "montre que si rien ne bouge dans le domaine des retraites, il ne sera pas possible dans le future de mobiliser du potentiel pour plus de croissance économique".

Astrid Lulling, elle aussi eurodéputée du PPE, s’est par contre abstenue. "Je ne puis soutenir un rapport qui s'avère être un exercice vain, puisqu'il méconnaît la réalité des choses", a-t-elle déclaré dans un communiqué plus désapprobateur que son vote. "Travailler des mois sur la durabilité des régimes de pensions en Europe, établir un rapport ambitieux, négocier des compromis durant des heures sans vouloir établir un constat qui tient de l'évidence, à savoir que de nombreux gouvernements de l'Union européenne se sont engagés dans des réformes de systèmes de pension, en privilégiant la piste de l'allongement de la durée de cotisation est pour moi un acte d'une légèreté inqualifiable. Ce déni de réalité est une faute lourde. Le Parlement européen n'aborde pas l'essentiel, parce que c'est là un sujet qui divise! Je réprouve cette façon de faire de la politique: plutôt que de rechercher l'unanimisme à tout prix, le Parlement européen se trompe fondamentalement de méthode. (..) En conséquence, je ne puis soutenir un rapport qui s'avère être un exercice vain, puisqu'il méconnaît la réalité des choses".

Abstention également du côté de l’eurodéputé vert Claude Turmes, parce que le rapport contient selon lui des aspects positifs, mais aussi négatifs.

Claude Turmes juge positivement les signaux émis pour lutter contre la pauvreté des personnes âgées et la priorité donnée au premier pilier des systèmes de retraite, le système par répartition. « Avec une telle option, le système des retraites luxembourgeois n’est pas mis en danger ». Claude Turmes salue également l’insistance du rapport sur l’intégration des salariés âgés dans les entreprises, la mise en évidence des limites des compétences de l’UE en la matière et que le rapport ne se fixe pas sur un âge de départ à la retraite.

Mais de l’autre côté, Claude Turmes n’apprécie guère le fait que le rapport exige en général que les salariés travaillent plus longtemps, que les pensions sont considérées dans le rapport comme des "charges financières" et que l’on tente de miser sur les retraites complémentaires privées. Pour Claude Turmes, il ne faut pas rendre le système de retraites, "un des piliers importants de l’Etat social", dépendant des marchés financiers. Car pour lui, l’expérience dans de nombreux Etats membres de l’UE montre que" le démantèlement du système de retraite classique conduit souvent à la pauvreté des personnes âgées".