Un des objectifs de la stratégie Europe 2020 est de réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes à risque de pauvreté et d’exclusion sociale au niveau européen. Le Luxembourg a fixé comme objectif, dans son projet de PNR présenté en novembre 2010, de s’attacher à ce qu'une personne sur 24 cesse d’être confrontée au risque de pauvreté et d’exclusion sociale d’ici à la révision à mi-terme de la stratégie Europe 2020.
Un nouvel indicateur de pauvreté et d’exclusion sociale a été développé dans le cadre de la stratégie Europe 2020 afin de mesurer le risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Jusqu’ici, l’indicateur phare utilisé au niveau européen pour mesurer la pauvreté était le taux de pauvreté relative calculé par rapport au seuil de 60 % du revenu médian.
Comme le souligne Paul Zahlen, du STATEC, dans le numéro 3 de la revue Regards paru le 1er février 2011, il s’agit, plutôt que d’un indicateur de pauvreté, d’un indicateur de distribution des revenus et d’inégalité. Le nouvel indicateur ajoute à la dimension de la pauvreté relative une part de pauvreté absolue en incluant les personnes en état de privation matérielle sévère, note le statisticien. Partant de la prémisse selon laquelle l’emploi protège de la pauvreté, on y ajoute encore les personnes vivant dans des ménages à très faible intensité de travail.
Le nombre de pauvres et d’exclus résulte donc, selon la méthode utilisée pour la stratégie Europe 2020, de la combinaison de trois indicateurs que sont :
Sont considérées comme pauvres et exclues les personnes relevant d’au moins un de ces trois critères.
La prise en compte de la privation matérielle sévère et de la très faible intensité de travail fait que le taux de risque de pauvreté et d’exclusion sociale calculé pour la stratégie Europe 2020 est supérieur au taux de risque de pauvreté relative utilisé auparavant. Ainsi, le taux de pauvreté relative était en 2009 de 14,9 % au Luxembourg alors que le taux de pauvreté et d’exclusion s’élevait la même année à 17,8 % selon les calculs réalisés avec ce nouvel indicateur.
Paul Zahlen relève qu’un différentiel à la hausse peut être observé dans les autres pays européens, et ce notamment dans les pays du Sud et de l’Est de l’Europe où la prise en compte de la privation matérielle sévère explique l’écart entre les deux indicateurs. L’écart moyen entre les deux indicateurs est en moyenne de 13,6 points dans les nouveaux Etats membres de l’UE.
Au Luxembourg en revanche, la privation matérielle sévère est très rare, elle touche en effet 1,1 % de la population, ce qui explique l’écart peu important qui existe entre les deux taux. L’écart est en effet, avec 2,9 %, l’un des plus faibles de l’UE, seule la Suisse, la Suède et l’Islande ayant un écart plus faible en Europe.
De même, si, dans l’UE-15, la part des personnes vivant dans des ménages à très faible intensité de travail atteignait 9,5 % en 2009, et même plus de 12 % en Belgique et 11 % en Allemagne, elle se situe au Luxembourg autour de 6,3 %. Au Luxembourg, ce sont principalement les jeunes de 18 à 24 ans (pour 10,6 % d’entre eux) et les 55-59 ans (pour 23,1 % d’entre eux qui sont concernés. Chez les 25-54 ans, ce taux est de 4,4 %.
Le faible taux de privation matérielle sévère et le taux assez réduit de personnes vivant dans des ménages à très faible intensité de travail ont en toute logique un impact sur la position du pays dans la comparaison européenne. Ainsi, si le Luxembourg se situe en 12e position en termes de pauvreté relative, le Grand-Duché remonte à la 7e place pour ce qui est de l’indicateur utilisé dans le cadre de la stratégie Europe 2020.
Le statisticien observe cependant que l’indicateur utilisé dans le cadre de la stratégie Europe 2020 s’est détérioré dans toutes ses composantes au Luxembourg entre 2008 et 2009.
Ainsi, la part de la population menacée de pauvreté et d’exclusion sociale est passée au Luxembourg de 15,5 % en 2008 à 17,8 % en 2009. Le taux de pauvreté relative est passé de 13,4 % à 14,9 %, le taux de privation matérielle sévère est monté de 0,7 % à 1,1 % et la part de ceux vivant dans des ménages à très faible intensité de travail s’est elle accrue de 4,7 % à 6,3 %. Or, observe Paul Zahlen, une telle tendance à la hausse ne s’observe ni dans la moyenne européenne, ni chez les pays voisins.