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Budget de l'Union européenne - Economie, finances et monnaie
L'eurodéputé Frank Engel plaide pour un nouvel ordre financier européen
Cet ordre serait basé sur une souveraineté budgétaire de l’Union qui permettrait à l’UE à la fois d’agir, d’alléger les budgets nationaux et de faire avancer le désendettement des Etats membres.
08-03-2011


Dans une série d’articles sur "un budget pour l’euro" parue dans le quotidien Luxemburger Wort des 4 et 5 mars 2011, l’eurodéputé CSV Frank Engel plaide pour la mise en place d’un budget européen comme seule manière de mettre fin aux spéculations contre l’euro et à la crise des dettes souveraines dans la zone euro. Pour y arriver, l’UE doit nécessairement dépasser les Etats nationaux et se doter d’une constitution financière.

Une "monnaie unique sans intégration économique n’est pas viable"

Frank EngelPour Frank Engel, le problème essentiel de l’union monétaire est son faible ancrage économique, le manque de discipline budgétaire et le fait qu’une union politique et économique n’existe pas. Depuis le plan Werner, donc depuis 1970, il est clair qu’une "monnaie unique sans intégration économique n’est pas viable". Il n’y ni convergence économique, ni coordination budgétaire, ni harmonisation des systèmes de sécurité sociale dans une zone euro où certains Etats menacés de faillite pourraient entraîner d’autres dans leur chute, chose qui n’est pas le cas selon Engel dans la zone dollar. L’obligation de sauver ces Etats est plus un problème qu’une solution et Frank Engel en conclut que "c’est un mythe qu’il faut démystifier".

Contre le sauvetage des Etats de la faillite, pour un budget de l’UE

Pour Frank Engel, les responsables actuels de l’UE refusent de regarder la réalité en face : "On ne peut pas plus sauver les Etats de manière illimitée que des banques." La crise islandaise de 2008, qui a généré un endettement équivalant à 9 ans de PIB, le montre bien selon Frank Engel. C’est pourquoi l’eurodéputé CSV rejette l’idée d’un sauvetage des Etats menacés de faillite par l’EFSF et le FMI ou par un mécanisme permanent de crise qui ne peuvent être la panacée. Ce qu’il faut à l’Europe, c’est un budget de l’UE qui donne aux Etats menacés de cessation de paiement une marge de manœuvre pour consolider réellement leurs finances publiques. Pour Frank Engel, il faut penser jusqu’au bout l’idée de l’intégration européenne en dépassant l’Etat national par une « Europe souveraine ».  Sinon, pas de sauvetage de l’euro ni de l’Union.

Réduire les dettes souveraines en agissant au niveau européen

L’enjeu n’est pas, selon Frank Engel, de rembourser intégralement, mais de réduire les dettes publiques des Etats de la zone euro, France et Allemagne comprises, à "un niveau raisonnable qui permette de servir la dette et au marché européen des dettes souveraines de fonctionner normalement". Or, cet objectif ne peut être atteint par aucun des Etats nationaux seul. Un pays qui a 100 % d’un PIB annuel de dette publique mettrait au minimum 20 ans à rembourser cette dette tout en soumettant sa population pendant ce temps à des sacrifices intenables. Mais d’un autre côté, les marchés craignent que la dette ne puisse plus être servie, de sorte que leur refinancement à des conditions acceptables devient de plus en plus difficile. Pour que la dette des Etats de la zone euro baisse, il faudra donc recourir à d’autres mesures que des mesures nationales d’austérité budgétaire.

Tous coupables de la crise

Par rapport à la zone euro, Frank Engel dresse plusieurs constats. De nombreux Etats de cette zone sont surendettés. Pendant des années on a vécu à crédit avec l’approbation des "électeurs" (guillemets dans le texte). "Maintenant, la fête est finie", conclut  l’eurodéputé selon son point de vue sur la situation, et "nous sommes tous coupables de cette crise", à cause de "l’avidité et de la démesure de nous tous que les vanités étatiques nationales ont encore aggravées", puisqu’on a laissé courir la dette publique bien avant la crise économique et financière globale. Sans solution européenne, il n’y pour lui pas de solution du tout.

Tous sur le chemin européen de la résilience

L’Etat national doit donc être dépassé selon Frank Engel, car dans le monde actuel, "il n’est plus le niveau organisationnel suprême du politique". Pour lui, "la nécessité d’une telle évolution est facile à prouver d’un point de vue monétaire". Sa thèse : "Sans euro, il n’y aurait plus d’UE." Grand fan de l’histoire avec des "si", Frank Engel élabore : Si la zone euro se désagrégeait, on assisterait à des renationalisations de la politique des Etats. Le droit européen serait violé. Les institutions communautaires s’écrouleraient. L’Europe se fragmenterait. La guerre économique et monétaire battrait son plein, prémonitoire d’une guerre réelle. L’antidote à une telle perspective est "l’action commune de l’UE sans tergiversations nationales, sans sommets intérimaires franco-allemands et sur base de la méthode communautaire".

Un budget européen pour des domaines politiques bien précis

Ce que Frank Engel préconise est une Union européenne identique à la zone euro - l’euro étant la monnaie de l’UE - agissant comme puissance économique souveraine dont le budget financerait des domaines politiques bien spécifiques, et allégeant par ce biais la charge budgétaire des Etats nationaux.

Ces domaines politiques seraient

  • la représentation extérieure,
  • la sécurité,
  • la défense et la sécurisation des frontières extérieures,
  • l’aide au développement,
  • l’approvisionnement énergétique,
  • les grandes infrastructures en matière de transports, leur utilisation et
  • une grande partie de la politique de recherche et de développement.

Selon les pays, ces domaines représentent selon l’eurodéputé entre 10 et 20 % du budget national. Une telle approche permettrait de surcroît des économies d’échelle importantes et leur financement coûterait moins à un budget unique qu’à 27 budgets nationaux. Enfin, l’auteur est clair sur un point essentiel, tous les Etats membres n’ayant pas encore adhéré à la zone euro, les Etats membres qui refuseraient d’adopter l’euro devraient quitter l’UE.

Du côté social, Frank Engel dévoile ses batteries libérales : "Il faudrait aussi réfléchir au niveau européen sur les systèmes de sécurité sociale et les prestations sociales, dans le sens d’une couverture de base pour tous et d’une couverture supplémentaire volontaire de ceux qui peuvent se le permettre ou le veulent."

Une nouvelle marge de manœuvre pour la réduction des dettes souveraines

Avec de telles mesures, le budget européen capterait selon Frank Engel entre 5 et 10 % du PIB annuel de l’UE, un chiffre qui est avancé depuis une quarantaine d’années par les partisans du fédéralisme fiscal, et délesterait les budgets nationaux de 10 à 20 % de leurs dépenses, ce qui leur permettrait d’aborder le désendettement national avec une perspective de succès. Ceux qui enfreindraient les règles de stabilité subiraient une seule sanction : la suppression de subventions européennes, surtout de celles venant des fonds structurels.

Dans un tel ordre financier européen, les euro-obligations permettraient aux Etats membres de refinancer leurs dettes nationales à un taux favorable et à l’UE de financer une partie de ses grands investissements et de se doter de moyens adéquats pour affronter la concurrence globale. Les écarts de taux par rapport à ceux pratiqués envers les pays notés avec un triple A seraient dérisoires et en fin de compte, une telle opération serait de loin moins chère pour ces pays que de devoir débourser en cas de faillite d’Etats membres en vertu des garanties engagées dans les mécanismes de stabilisation actuels ou en gestation. Pour Frank Engel, il n’y a pas d’alternative : soit l’Europe opte pour la souveraineté européenne pour agir au lieu de réagir, soit elle ne pourra éviter "la descente dans une pauvre insignifiance".