Les ONG Caritas et Greenpeace et le Secrétariat européen commun de l’OGBL et du LCGB, le SECEC, se sont mis ensemble pour livrer une analyse critique commune de la stratégie Europe 2020 du point de vue de la société civile.
La stratégie Europe 2020, qui a été dernièrement l’objet d’un débat d’orientation à la Chambre dans le cadre de la préparation du plan national de réforme (PNR), se compose, comme le rappellent les trois organisations, de cinq objectifs chiffrés à mettre en œuvre de façon décentralisée :
Les 3 % de PIB annuel d’investissement dans les R&D n’ont pas été pris en considération par Caritas, Greenpeace et le SECEC.
Les trois organisations se sont partagé la tâche de façon originale, chacune s’exprimant dans un communiqué commun sur le domaine d’intervention politique pour lequel elle a la légitimité de sa pratique et de son expérience.
L’inclusion sociale relève plus du domaine de compétences de l’ONG catholique Caritas Luxembourg, qui dit elle-même, quand elle définit sa mission, "qu’elle s'engage pour le bien-être des hommes et des femmes, et en particulier des personnes exclues, désemparées ou démunies, quels que soient leur origine, âge, nationalité ou leur opinion philosophique ou religieuse."
Son coordinateur, Robert Urbé, explique de manière critique que "l’appréciation annuelle de l’avancement de la stratégie 2020 se fait par un rapport sur la croissance (tout court!)" et que "dans la première édition de 2011, la croissance inclusive a été oubliée." Comme cette approche se concentre exclusivement sur les initiatives tournées vers la consolidation budgétaire, elle fait pression sur les Etats membres pour qu’ils prennent des mesures d’austérité. "Cela ne fera qu’augmenter la pauvreté et affaiblir dangereusement la cohésion sociale dans l’UE, alors que la stratégie Europe 2020 se veut une stratégie intégrée pour obtenir une croissance intelligente, verte et inclusive", dit le communiqué.
Par ailleurs, Robert Urbé critique le fait "qu’en Europe tout comme au Luxembourg, les Programmes de réformes nationaux, les PNR, se présentent comme une juxtaposition de différents chapitres plutôt que comme une logique holistique où chaque domaine peut enrichir l’autre". A ses yeux, ceci vaut surtout pour l’objectif "inclusion sociale", qui est souvent présenté comme "un ajout totalement distinct du reste". "Et pourtant, ajoute-t-il, "tous les autres objectifs pourraient très bien contribuer ou renforcer, voir même rendre possible la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale."
Autre point de critique : la participation. "Les lignes directrices de la Commission européenne disent explicitement que « la stratégie Europe 2020 doit être mise en œuvre en y associant étroitement les partenaires sociaux et les représentants de la société civile, qui contribueront à l’élaboration des programmes nationaux de réforme, à leur mise en œuvre et à la communication globale sur la stratégie". Or, constate Robert Urbé, "nos collègues européens nous apprennent que dans beaucoup de cas, tout comme au Luxembourg, les consultations des partenaires sociaux et de la société civile ont été extrêmement limitées, voire inexistantes. Ce processus européen qui revendique une adhésion des citoyens doit être conduit de manière beaucoup plus inclusive !"
Greenpeace Luxembourg fait partie d’une organisation mondiale qui dit d’elle-même qu’elle "s'occupe avant tout des problèmes écologiques les plus critiques à l'échelle planétaire comme la protection des océans et des forêts anciennes, l'abandon des combustibles fossiles et la promotion des énergies renouvelables pour arrêter la perturbation du climat planétaire, le désarmement nucléaire et la fin des contaminations radioactives, l'élimination des substances chimiques toxiques et la prévention de la dissémination des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans la nature."
Greenpeace explique dans le communiqué commun "qu’en matière de préservation de l’environnement et de protection du climat, la stratégie Europe 2020 est bien trop timorée pour éviter un réchauffement global au-delà de 2°C et dynamiser l’économie verte."
C’est pourquoi Greenpeace se prononce en faveur d’objectifs de réduction de CO2 plus ambitieux: "L'Union Européenne doit s'engager dans une réduction domestique des gaz à effet de serre d'au moins 30 % pour 2020. La Commission européenne estime d’ailleurs que la réalisation de l´objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre admis actuellement de -20 % d´ici 2020 coûtera un tiers en moins (22 milliards d’euros) que les montants calculés en 2008. Selon la Commission, la hausse de l’objectif à -30% d´ici 2020 pourrait permettre d‘économiser jusqu'à 40 milliards d‘euros en importations de combustibles fossiles et créer des centaines de milliers d'emplois verts."
Autre point soulevé, les objectifs connus sous l’appellation 20/20/20 qui devraient, selon le communiqué, "être revus globalement". Selon Greenpeace, les impacts négatifs des agrocarburants n’ont pas été suffisamment évalués, tout comme les moyens à mettre en œuvre pour réduire la consommation en énergie. Par ailleurs, souligne encore le communiqué, "le débat sur le nucléaire qui vient de s’ouvrir suite à la crise nipponne ne peut en aucun cas servir de prétexte à un ralentissement de l’effort européen en matière de protection du climat".
Paul Delaunois, directeur de Greenpeace Luxembourg, conclut : "L’Union européenne ne peut se contenter de belles paroles et de déclarations, il est urgent que nos dirigeants prennent toute la mesure du défi climatique et apportent des réponses ambitieuses qui se traduiront par un réel effort en vue de protéger le climat et favoriser un accord mondial à Durban, tout en corrigeant les décisions déjà prises."
L’emploi est au centre des préoccupations des syndicats OGBL et LCGB.
Les deux syndicats insistent sur le fait que "l’élément central qui est censé contribuer à la réalisation des objectifs d’Europe 2020 est une gouvernance économique européenne renforcée".
Mais la conception de gouvernance économique qui est proposée par la Commission européenne, et sur laquelle il y a également eu récemment un débat d'orientation à la Chambre des députés, inquiète les syndicats. "Elle est synonyme de régression sociale puisqu’elle menace les standards sociaux et exerce une pression à la baisse sur les salaires." Dans le feu de leur critique, la nouvelle procédure proposée par la Commission européenne pour corriger les déséquilibres macro-économiques et qui, selon l’OGBL et le LCGB, lui permettrait "de prendre à l’échelle européenne des décisions concernant les salaires et les «dépenses sociales en lieu et place des Etats membres".
Le SECEC pense également que "les propositions actuelles menacent les acquis sociaux, notamment en matière de retraite, avec l’augmentation de l’âge et du niveau de revenu des futurs pensionnés."
Néanmoins, le SECEC "soutient l’objectif visant à instaurer une gouvernance économique au sein de l’UE, basée sur la coordination économique des Etats Membres", mais à condition qu’il y ait une "convergence sociale vers le haut et surtout une vraie solidarité entre les membres de l’Union européenne".
Pour cette raison, il s’oppose fermement à la méthode employée et aux actuelles propositions de la Commission et des membres du Conseil. "Gouverner l’Europe ne doit pas signifier la faire régresser socialement mais au contraire mettre en place des politiques actives en faveur de l’emploi et de la justice sociale", plaident les deux syndicats qui déplorent que le paquet législatif sur la gouvernance économique, qui devrait être adopté cet été, le sera "en l’absence quasi-complète de débats critiques et de vraies consultations de la société civile".
Le SECEC salue l’objectif européen visant à réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 %, "car l’abandon scolaire signifie une entrée difficile ou même l’exclusion du marché du travail".
Il soutient également l’objectif de porter à 40 % la proportion des personnes avec un diplôme postsecondaire.
Mais le marché du travail et la qualification pour s’y affirmer n’est pas seulement pour les syndicats une affaire de cols blancs. En conséquence, le SECEC tient "à souligner qu’il est impératif de créer des emplois de qualité pour tous les niveaux d’éducation et non d’inciter les jeunes uniquement vers l’enseignement supérieur, en dévalorisant ainsi les métiers manuels sollicitant moins de formation".