Principaux portails publics  |     | 

Migration et asile
Alors que les progrès sont lents dans l’ensemble des pays analysés, le Luxembourg parvient à gagner la 11e place du classement global du MIPEX, l’indice des politiques d’intégration
28-03-2011


Le 28 mars 2011, l’ASTI a convié la presse, en collaboration avec le Conseil économique et social (CES) et l’Office luxembourgeois de l’Accueil et de l’Intégration (OLAI), à une présentation de la troisième édition de l’indice européen des politiques d’intégration, le MIPEX III. Le MIPEX III est disponible sur www.mipex.eu

Jan Niessen, directeur du Migrant Policy Group et responsable du projet MIPEX, est venu présenter les résultats de cette étude en se penchant notamment sur le cas luxembourgeois. Un sujet sur lequel devaient se pencher le même jour les ministres de l’Intégration et de l’Immigration, Marie-Josée Jacobs et Nicolas Schmit, sans compter les participants au séminaire organisé au siège du CES.

Le MIPEX est un guide de référence et un outil interactif qui vise à évaluer, comparer et améliorer la politique d’intégration. Il mesure les politiques d’intégration dans 31 pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Ses 148 indicateurs politiques ont pour ambition de dresser un tableau riche et multidimensionnel des possibilités offertes aux migrants de participer à la société en évaluant l’importance attachée par les gouvernements à l’intégration. En mesurant les politiques et leur mise en œuvre, il entend révéler si l’égalité des droits, des responsabilités et des chances est garantie à tous les résidents.

Le projet MIPEX est piloté par le British Council et le Migration Policy Group. Un consortium de 37 organisations nationales, parmi lesquelles des groupes de réflexion, des ONG, des fondations, des universités, des instituts de recherche et des organismes chargés des questions d’égalité, est associé au projet MIPEX. Au Luxembourg, c’est l’ASTI qui est partenaire. Ce sont en tous plus de 100 chercheurs qui sont impliqués à travers tous les pays ciblés. François Moyse, Serge Kollwelter, Frédéric Mertz et Claudia Hartmann ont participé au projet pour le Luxembourg.

La troisième édition du MIPEX, qui se base sur des données datant de mai 2010, couvre un plus grand nombre de pays et de politiques que la précédente. Un nouveau domaine politique, l’éducation des élèves migrants, vient enrichir de 27 nouveaux indicateurs politiques les indicateurs relatifs à la mobilité sur le marché du travail, au regroupement familial, à la participation politique, à la résidence de longue durée, à l’accès à la nationalité et à la non-discrimination. Cette nouvelle analyse dans le temps permet également de dégager les tendances des politiques d’intégration.

Pour les pays de l’UE, il convient de souligner qu’à l’exception du domaine de l’éducation, c’est l’intégration des migrants des pays tiers qui est prise en compte.

Les résultats du MIPEX III montrent que la moyenne globale des différentes politiques prises en compte dans les 31 pays couverts est de l’ordre de 50%, et plus précisément 52 % dans l’UE. Un chiffre qui, selon Jan Niesse, montre qu’il y a beaucoup à faire pour que les politiques soient favorables à l’intégration : à ce stade, le verre est "à moitié vide ou à moitié plein", c'est selon, mais le bilan est en tous cas mitigé.

Au vu de cette moyenne, le Luxembourg affiche donc un score que Jan Niesse juge "pas mal", puisque le Grand-Duché obtient 59 %. En termes de classement, le Luxembourg est en 11e position. En tête du classement, vient la Suède (83 %), suivie du Portugal (79 %) qui est pourtant un pays d’immigration assez récent par rapport aux pays d’immigration traditionnelle, parmi lesquels compte le Luxembourg. Comme quoi, les pays ayant une longue tradition n’ont pas nécessairement les meilleurs résultats… Une preuve selon Jan Niesse, qui cite aussi le bon exemple de la Finlande qui est en 4e position dans le classement, que c’est la volonté politique qui compte pour faire une politique d’intégration !

Par rapport à l’édition précédente du MIPEX, qui était basée sur des données datant de 2007, Jan Niesse observe des progrès très lents globalement et il relève quelques contradictions avec un débat politique dans lequel il est beaucoup question de changement. Pour lui, les changements menés sont trop basés sur les résultats des sondages et devraient plus se fonder sur une évaluation des politiques menées.

Le Luxembourg compte cependant parmi les neuf pays ayant fait des progrès, et le rapport note qu’à la "suite de réformes majeures, les possibilités d’intégration se sont légèrement améliorées en Grèce (+10) et au Luxembourg (+8)". Et c’est vrai que quand on observe les scores du Luxembourg dans les différents domaines observés, il se situe, à l’exception de la question de la participation politique, dans la  moyenne de quinze pays de l’UE.

Jan Niesse constate aussi que, dans les pays de l’UE, là où il y a législation européenne, les politiques paraissent plus semblables, plus harmonisées. Et il note aussi que les résultats sont meilleurs.

Au Luxembourg, la mobilité sur le marché du travail apparaît comme un point faible selon Jan Niesse. Dans ce domaine le Luxembourg est classé en 21e position, atteignant un score de 48 % alors que la Suède arrive par exemple à 100 % ! Le rapport évoque ainsi pour le Luxembourg et ses voisins belge et français un gaspillage du potentiel économique d’un grand nombre de leurs résidents non originaires de l’UE en leur fermant l’accès à de nombreux secteurs. Jan Niesse observe aussi, qu’en plus de cette difficulté d’accéder au marché du travail pour les ressortissants des pays tiers, il y a un manque de mesures ciblées. En revanche, les choses se présentent mieux pour ce qui du soutien général et de l’égalité des droits.

En matière de regroupement familial, certains pays ont supprimé des obstacles, tandis que d’autres en créent de nouveau. C’est le cas par exemple de ceux qui introduisent des tests de langue sans toutefois prévoir un soutien et une préparation pour les candidats, les Pays-Bas allant même jusqu’à demander à ce que ce test soit réussi avant l’arrivée sur leur territoire ! Une autre difficulté est aussi liée aux différentes définitions de la famille qui prévalent dans les différents pays qui ont des visions plus ou moins restreintes de la question. Jan Niesse observe une corrélation entre la mobilité sur le marché du travail et les pratiques en matière de regroupement familial : ainsi, quand on a besoin de main d’œuvre, on fait souvent des efforts pour faciliter la mobilité et le regroupement familial. En la matière, le Luxembourg octroie selon le rapport "des droits élémentaires et la sécurité de résidence", ce qui a été fait "pour se conformer au droit européen". Le Luxembourg a été en effet le dernier à transposer la directive européenne 2003/86/EC, ce qui explique aussi qu’il a connu une progression nette en la matière par rapport au MIPEX II, passant de 53 à 67 %. Laura Zuccoli a cependant observé que rien de plus que la transposition de la directive n’avait été fait. Un point faible reste le droit de résidence autonome pour les épouses.

Pour ce qui est de la résidence longue durée, le Luxembourg est en 21e position. Dans ce domaine en effet, l’impact de la loi de 2008 a été nettement moins positif que pour le regroupement familial. Les ressortissants de pays tiers pouvant prétendre à une résidence longue durée sont explicitement fixés dans la loi qui est plus restrictive que celle de certains autres pays plus favorables à l’accueil de migrants temporaires et d’étudiants par exemple. Laura Zuccoli ajoute par ailleurs que le contrat d’accueil et d’intégration prévu par la loi ne fait toujours pas l’objet d’un règlement d’application, ce qui relativise un peu plus encore les choses.

Les changements introduits en matière d’accès à la nationalité ont permis au Luxembourg de se mettre peu à peu en ligne avec ce qui se passe en Europe : le droit du sol et la double nationalité deviennent en effet la norme en Europe, ainsi que l’a souligné Jan Niesse. Pour lui, l’introduction de la double nationalité est d’ailleurs pour beaucoup dans les progrès observés au Grand-Duché, même s’il note aussi qu’en contrepartie, la condition de résidence requise est passée de 5 à 7 ans et que les conditions requises en matière de langue sont très élevées.

L’éducation, nouvelle venue dans le MIPEX, apparaît comme un maillon faible des politiques d’intégration dans l’UE. Les chercheurs ont constaté des difficultés à s’adapter aux besoins. Le Luxembourg est classé 9e avec un score de 52 %, le score le plus bas, 12 %, étant observé pour la Hongrie. Le Luxembourg affiche un bon score pour l’accès à l'éducation, tout enfant ayant explicitement le droit de participer à l’éducation. Les efforts pour offrir une éducation interculturelle et pour répondre aux besoins spécifiques sont nets eux aussi, même si la création d’opportunités nouvelles (par exemple en faisant plus de place aux cultures des migrants dans les classes ou en diversifiant le recrutement du personnel) n’est pas le point fort du Grand-Duché. Face à ces résultats assez bons, Serge Kollwelter a cependant tenu à rappeler qu’il ne fallait pas perdre de vue les résultats de l’étude PISA.

La participation politique est elle aussi un point faible partout, et notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale. Le Luxembourg affiche un cinquième rang qui est tout à fait honorable, d’autant plus que le MIPEX III ne tient pas compte des derniers changements législatifs datant du mois de février qui feraient remonter encore le score du Grand-Duché en la matière.

Enfin, en matière de non-discrimination, il reste beaucoup à faire au Luxembourg selon les résultats du MIPEX, un point sur lequel Laura Zuccoli a elle aussi insisté, soulignant le manque de moyens mis à disposition pour aider les victimes de discrimination.