Le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté en faveur d'un recours à la force contre les troupes du colonel Mouammar Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes en Libye. La résolution adoptée par le Conseil autorise "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l'armée libyenne.
Le texte a été adopté par 10 voix sur les 15 membres du Conseil de sécurité. La Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil se sont abstenus mais n'ont pas utilisé leur veto pour bloquer le texte. L’Allemagne s’est elle aussi abstenue.
Aussitôt, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et la Haute représentante pour la politique étrangère de l’UE, Catherine Ashton, ont salué la résolution dite 1973. Ils soutiennent pleinement l’exigence de l’ONU qu’il soit mis fin aux attaques contre les civils et qu’une solution soit trouvée à la crise. Ils ont appelé le colonel Kadhafi de quitter le pouvoir immédiatement et demandé à la Libye de "s’engager rapidement vers une transition rapide vers la démocratie" sur base d’un dialogue impliquant de larges couches de la société.
Dans la ligne de ce qui avait été décidé lors du Conseil européen extraordinaire consacré à la Libye le 11 mars 2011, Herman Van Rompuy et Catherine Ashton exigent que la sécurité de la population civile doit être garantie par tous les moyens et concluent que la résolution 1973 "donne une base légale claire aux membres de la communauté internationale d’assurer la protection des civils". Les deux dirigeants européens saluent le rôle important de la Ligue arabe et de "nos partenaires arabes" avec lesquels ils continueront de coopérer pour savoir comment l’UE peut le mieux contribuer à la mise en œuvre des décisions du Conseil de sécurité.
Pour eux, l’UE est "prête à mettre en œuvre cette résolution dans le cadre de son mandat et de ses compétences", notion qu’ils n’ont pas précisée dans leur communiqué. La Libye sera finalement à l’ordre du jour d’un sommet Union Européenne-Union Africaine-Ligue arabe sur la Libye qui se tiendra le samedi 20 19 mars à Paris en présence du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, du Conseil Affaires étrangères du lundi 21 mars et du Conseil européen des jeudi 24 et vendredi 25 mars 2011.
Au sein de l’Union, la France et l’Angleterre, qui ont poussé la résolution, sont prêtes à intervenir. Mais dans quel cadre : l’OTAN ou une coalition de pays volontaires, comme le croit la présidence hongroise du Conseil ? Et quel serait le rôle de l’UE en tant que UE ?
L'Union européenne en tant que telle envisagerait, selon des sources diplomatiques qui se sont confiées le vendredi 18 mars dans l’après-midi à des agences de presse, d'apporter un soutien essentiellement humanitaire en Libye mais qui pourrait prendre la forme d'une opération militaire dans le cadre de l'assistance aux réfugiés. Les 27 Etats membres par contre sont divisés sur la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne en Libye. Le soutien militaire à des opérations dans le cadre de l'assistance humanitaire pourrait contribuer à gommer une partie de ces divisions. Catherine Ashton a indiqué vouloir, pour ce qui est de l'UE, se "concentrer sur les actions où je pense que nous pouvons réellement apporter une valeur ajoutée: des sanctions économiques, de l'aide humanitaire et à un plus long terme la démocratie profonde et la croissance économique".
Reste que la division au sein de l’UE reste nette et franche sur la question d’une intervention militaire aérienne pour établir une zone d’exclusion aérienne.
L’Allemagne ne "veut pas mêler des soldats allemands à une guerre, à une intervention militaire en Libye", selon la déclaration de son ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. La chancelière Angela Merkel a déclaré de son côté que cette intervention n’était pas pensée jusqu’au bout et l’avis de son gouvernement quant à un succès de l’opération était différent. Mais l’Allemagne "comprend ceux qui, pour des motifs respectables, se sont prononcés pour une intervention militaire internationale en Libye", a encore déclaré Guido Westerwelle et elle pousse au sein de l’UE vers un moratoire de l’achat de pétrole libyen.
Le Danemark se prépare à participer à l’opération aérienne. La Pologne et la Lituanie ont offert leur aide logistique. La Belgique est prête à mettre six F-16 actuellement stationnés en Grèce et une frégate en Méditerranée à disposition. L’Espagne mettra à disposition des bases, des avions et d’autres éléments logistiques. La Grèce réfléchit à la meilleure manière de participer.
L’Italie, elle-même opposée à une intervention militaire en Libye, a autorisé le départ d’opérations aériennes à partir des bases situées sur son territoire. Une telle autorisation n’a pas encore été donnée aux Britanniques par Malte et Chypre, deux pays qui ne sont pas membres de l’OTAN, mais aussi deux îles où les Britanniques entretiennent des bases militaires.
La Suède soutient la résolution de l'ONU et étudiera une éventuelle demande de l'OTAN de contribution militaire en Libye, car pour la Suède, c’est l’OTAN, dont elle n’est pas membre, qui est le maître d’œuvre d’une éventuelle opération.
Le Luxembourg a salué à travers son ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, la résolution 1973. Il a regretté que les Etats membres de l'UE au Conseil de sécurité n'aient pas eu une position unie. Le Luxembourg mise sur la coordination avec les pays de la Ligue arabe.
La Turquie, pays candidat à l’adhésion à l’UE et membre important de l’OTAN, a pris acte de la résolution 1973 mais rappelle dans son communiqué qu’elle est depuis le début de la crise libyenne opposée à une "intervention étrangère en Libye, pays ami et frère".
L'agence européenne de contrôle aérien Eurocontrol, qui regroupe 39 pays, a annoncé le 18 mars avoir interdit les vols civils vers la Libye, à la suite du feu vert de l'ONU à un recours à la force dans le pays, Tripoli n'ayant pas pris une telle décision de son propre chef.
Dans le courant de l’après-midi, l’OTAN a décidé d'accélérer la planification militaire en vue d'une éventuelle participation à l'intervention internationale en Libye, qui n'était cependant pas encore décidée. Mais la question d'une action concrète n'était pas encore sur la table.
Le ministre des Affaires étrangères libyen Moussa Koussa a déclaré le 18 mars 2011 au cours de la matinée un cessez-le-feu immédiat et déclaré que la Libye entreprendrait "tout pour protéger la population civile et pour que l’aide humanitaire dont elle a besoin soit acheminée.+ Il a également expliqué que la Libye était prête au dialogue.
Catherine Ashton a immédiatement réagi à cette annonce, déclarant que l'UE allait examiner "les détails de l'annonce de cessez-le-feu par le régime libyen" tout en soulignant qu'il fallait s'interroger sur sa "signification". Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a de son côté déclaré que la communauté internationale "ne va pas se laisser tromper" par le régime libyen "et va vérifier par tous les moyens le degré de respect" de la résolution de l'ONU.
Le premier politique à prendre position a été l’eurodéputé libéral et ancien ministre de la Défense et de la Coopération au Développement Charles Goerens. Dans un communiqué, il salue le fait que le Conseil de sécurité des Nations Unies "s'est enfin résolu à briser le mur de l'indifférence". Pour lui, la résolution donne l'occasion "à une coalition de volontaires de mettre fin à la barbarie du Colonel Kadhafi et de prévenir, s'il n'est pas trop tard, la boucherie de Benghazi".. Charles Goerens loue "le courage et la détermination de la France et du Royaume-Uni ainsi que de la Ligue arabe". Puis, l’UE en prend pour son grade. "J'ai cependant honte", tonne le député européen, "de voir l'Union européenne fuir sa responsabilité depuis des semaines, alors que les valeurs qui constituent le fondement même de la construction européenne sont bafouées de l'autre côté de la Méditerranée". Dans un contexte où "la Communauté internationale a enfin retrouvé le bon chemin", Charles Goerens espère "que la diplomatie européenne suive dorénavant le chemin ascendant et dépasse enfin le stade d'une diplomatie purement déclamatoire et rhétorique."
La Gauche de son côté a publié un communiqué dans lequel elle "s’oppose à toute forme d’immixtion militaire en Libye par la France, la Grande-Bretagne et les USA" et taxe l’établissement par le Conseil de sécurité d’une zone d’exclusion aérienne de prétexte donné à tort pour le passage à des actions militaires, déclenchant ainsi une guerre pour le pétrole. La Gauche critique l’UE, pour qui Kadhafi aurait été "un allié aussi longtemps qu’il internait les réfugiés, achetait des armes et investissait son argent ici". Elle demande au gouvernement luxembourgeois de se positionner contre toute action militaire ainsi qu’un embargo sur les armes et un cessez-le-feu dans la région.
Le Conseil de sécurité invoque d’abord le fait que la Libye n’a pas respecté sa résolution 1970 (2011) du 26 février 2011, qui avait exigé que soit mis fin aux violences, notamment contre les civils et les étrangers. Il constate la détérioration de la situation, l'escalade de la violence et les lourdes pertes civiles et que les autorités libyennes commettent constamment « une violation flagrante et systématique des droits de l'homme, y compris les détentions arbitraires, disparitions forcées, tortures et exécutions sommaires », et que des actes de violence et d'intimidation sont perpétrés contre les journalistes, des attaques généralisées et systématiques menées contre la population civile, et que celles-ci « peuvent constituer des crimes contre l'humanité ». Il souligne que le retour des organismes d'aide humanitaire est nécessaire et que l'acheminement sans obstacle ni contretemps de l'aide humanitaire et la sécurité du personnel humanitaire doivent être assurés.
Le Conseil de sécurité se réfère aux condamnations des faits en Libye par la Ligue des États arabes, l'Union africaine et le Secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique et à la demande de la Ligue des États arabes du 12 mars 2011, « de demander l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne contre l'armée de l'air libyenne et de créer des zones protégées dans les secteurs exposés aux bombardements à titre de précaution pour assurer la protection du peuple libyen et des étrangers résidant en Jamahiriya arabe libyenne ».
Il reproche à la Libye de ne pas avoir écouté l'appel à cessez-le-feu immédiat lancé par le Secrétaire général le 16 mars 2011. Il souligne que le Procureur de la Cour pénale internationale a été saisi de la situation en Libye et souligne « que les auteurs d'attaques, y compris aériennes et navales, dirigées contre la population civile, ou leurs complices doivent répondre de leurs actes ».
Le sort qualifié de « tragique » des réfugiés et des travailleurs étrangers forcés de fuir la violence en Libye est mis en exergue comme le fait que « les autorités libyennes continuent d'employer des mercenaires ».
C’est pourquoi "l'interdiction de tous vols dans l'espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne est importante pour assurer la protection des civils et la sécurité des opérations d'assistance humanitaire et décisive pour faire cesser les hostilités en Jamahiriya arabe libyenne", conclut le Conseil de sécurité.
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, (qui autorise l’usage de la force), le Conseil de sécurité demande l'établissement immédiat d'un cessez-le-feu et l'arrêt complet des violences et de toutes les attaques contre des civils et que les autorités libyennes se conforment à leurs obligations en vertu du droit international, y compris le droit humanitaire international.
Pour assurer la protection des civils, les Etats membres sont autorisés à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils et les zones peuplées par des civils sous la menace d'attaques, tout en excluant une force étrangères d'occupation sous quelque forme que ce soit dans n'importe quelle partie du territoire libyen.
Une zone d’exclusion aérienne est établie, qui signifie l’interdiction de tous les vols dans l'espace aérien de la Libye de manière à protéger les civils, sauf les vols dont l'unique objectif est humanitaire. Les Etats membres sont autorisés à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter l'interdiction des vols.
L’embargo sur les armes doit être respecté et strictement appliqué, avec ce que cela comporte d’inspections sur le territoire libyen, "y compris les ports et les aéroports ou en haute mer, les bateaux et les avions se rendant ou provenant de Libye". Le Conseil de sécurité demande à tous les Etats membres d’empêcher la fourniture de mercenaires armés à la Libye.
Les avoirs financiers et les ressources économiques qui sont propriété ou contrôlés directement ou indirectement par les autorités libyennes sont gelés et devront être rendus accessibles pour le bénéfice du peuple libyen.
Finalement, un panel d’experts est créé pour une période initiale d'un an qui aura pour tâche de suivre la mise en œuvre de la résolution 1973 et de signaler en particulier les incidents de non-respect, d’en faire rapport.