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Politique étrangère et de défense
En attendant une demande des Nations Unies, l’UE se prépare à une éventuelle action humanitaire sous protection militaire en Libye
Jean Asselborn : "J’espère que nous n’aurons pas besoin d’envoyer des troupes européennes en Libye"
12-04-2011


"Protéger la population libyenne selon les termes de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies contre un leader qui engage des tireurs d’élite et des mercenaires acheminés de l’étranger, y compris de la Colombie, contre son peuple », telle est selon le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, la tâche de l’Union européenne dont les ministres des Affaires étrangères étaient réunis en Conseil Affaires étrangères le 12 avril 2011 à Luxembourg. Il ne s’agit pas de se débarrasser de Kadhafi, a précisé le ministre. Le sens de la résolution 1973 est pour lui de l’empêcher de massacrer son peuple.

Le président du Conseil national de transition libyen à Luxembourg

Jean Asselborn, Conseil Affaires étrangères, Luxembourg, 12 avril 2011Jean Asselborn a évoqué la présence de Mahmoud Jibril, le président du conseil national de transition libyen (CNT), lors d’une partie de la réunion. Celui-ci a décrit la situation humanitaire dans la ville de Misurata, où s’affrontent mercenaires et troupes de Kadhafi d’un côté, et des citoyens libyens qui n’ont pas appris le métier des armes de l’autre côté, comme particulièrement dramatique. Si Misurata venait à tomber, a précisé Jean Asselborn, le risque existe de voir la Libye se diviser en deux existerait, ce qui aurait des conséquences politiques dramatiques.

Pour Jean Asselborn, il faut arriver à donner à la Libye la chance d’être dirigée par un régime qui y développerait la démocratie – le CNT veut très vite organiser des élections législatives -  mais aussi de nouvelles perspectives économiques. Mahmoud Jibril aurait expliqué aux ministres européens qu’il n’y aurait plus en 2035 ni gaz ni pétrole en Libye, mais un immense potentiel pour développer ensemble avec l’Europe des sources d’énergies renouvelables.

Ecarter la division de l’Europe entre "bons" et "mauvais"

Entre les 27, il existe néanmoins des "nuances" quant à l’appréciation de la situation et l’action que l’UE devrait entreprendre. L’abstention de l’Allemagne lors du vote de la résolution 1973 est "un problème qui revient tout le temps". Or il faut éviter, pense Jean Asselborn, de retomber dans les erreurs européennes de 2003 du temps de la guerre en Irak, lorsque l’Europe s’était déjà divisée, une division qu’elle risque de nouveau entre les "mauvais", aujourd’hui ceux qui interviennent au nom de la résolution 1973, qualifiés de "bellicistes", et les "bons", qui ne prônent que l’action humanitaire, "car sans résolution 1973 et ses conséquences, il n’y a pas d’aide humanitaire".

L’aide humanitaire ne pourra pas se déployer pleinement en Libye sans protection militaire, pensent de nombreux ministres européens. Mais cette protection militaire ne pourra être mise en œuvre que si les Nations Unies en font la demande, a insisté Jean Asselborn. Dès qu’une telle demande sera formulée, les planifications vont démarrer dans l’UE. Une protection militaire de l’aide humanitaire impliquerait des troupes terrestres qui ne seraient néanmoins pas des troupes d’occupation, une option qui est exclue par toutes les parties et la résolution 1973. Pour Jean Asselborn, il s’est avéré en tout cas que l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne et les bombardements que cette imposition a entraînés n’ont pas suffi pour empêcher le régime de Kadhafi de continuer à s’en prendre à sa population, d’autant plus que l’armée libyenne s’est adaptée à la nouvelle situation stratégique en recourant à des troupes et moyens légers et mobiles.

Le Luxembourg continue à préférer que l’OTAN ait le commandement des opérations plutôt que deux ou trois pays fortement engagés. La réunion du groupe de contact à Doha le 13 avril, où le Benelux sera représenté par le ministre des Affaires étrangères belge, continuera selon Jean Asselborn à discuter des moyens qu’il faudra engager pour opérer sans porter atteinte à la population civile.

La résolution 1973, les pressions politiques et une éventuelle intervention européenne

Jean Asselborn a pointé l’article 4 de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité traitant de la protection civile qui "autorise les États Membres (...) à prendre toutes mesures nécessaires (...) pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen".

Mais quelles mesures convient-il de prendre maintenant? Augmenter la pression politique sur Kadhafi pour qu’il renonce au pouvoir ? Le Conseil a en tout cas déployé dans ses conclusions toute une panoplie d’approches pour faire monter la pression : un appel au cessez-le-feu, des menaces de traîner ceux qui commettent des crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale, un appel aux soutiens du régime de Kadhafi de s’associer à une transition vers la démocratie dans l’intérêt de la sécurité des populations et de l’intégrité et de l’unité territoriales de la Libye, l’insistance sur le fait que l’UE est prête à intervenir sur demande de l’ONU et de son agence humanitaire OCHA pour garantir l’aide humanitaire par une opération dans le cadre de la politique commune de sécurité et de défense appelée "EUFOR Libya", une opération qui serait menée dans un esprit "d’impartialité et de neutralité" -avec commandement et état-major à Rome - , de nouvelles sanctions contre des avoirs et des personnes.

Lors de sa conférence de presse, Jean Asselborn a évoqué le fait que la mission de l’Union africaine (UA) auprès du dictateur libyen n’avait pas abordé avec lui la question de son départ. Pourtant, Jean Asselborn pense que dès le début des actions contre la guerre menée par Kadhafi contre son peuple, les différents acteurs n’ont pas accordé assez d’importance à l’influence que pourrait exercer l’UA.

Face à ces perspectives, Jean Asselborn a néanmoins clairement exprimé un espoir alternatif : "J’espère que nous n’aurons pas besoin d’envoyer des troupes européennes en Libye."