Algirdas Šemeta, commissaire européen en charge de la fiscalité, des douanes, de l'audit et de la lutte anti-fraude, était en visite à Luxembourg le 11 mai 2011. Le commissaire a pu s’y entretenir avec des représentants de l’UEL, avec les députés membres de la commission des Finances à la Chambre, ainsi qu’avec le ministre des Finances, Luc Frieden. Une visite au cours de laquelle le commissaire a accordé au Luxemburger Wort un entretien publié dans son édition du 12 mai 2011. Il y est notamment question de la proposition d’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS) mise sur la table par la Commission à la mi-mars.
"Nous voulons aider les PME ayant des activités transfrontalières en leur offrant de choisir pour option une base de calcul de l’impôt qui serait applicable dans tous les Etats membres", explique le commissaire au sujet de cette proposition qui ne rencontre pourtant pas l’enthousiasme partout. Selon la Commission, les entreprises pourraient choisir entre cette méthode de calcul commune et la base de calcul nationale à laquelle elles sont actuellement soumises. Pour Algirdas Šemeta, cela ouvrirait aux entreprises, notamment celles qui se trouvent dans des régions transfrontalières, plus de perspectives sur le marché intérieur. Et cela rendrait superflu le concept de compensation des prix au sein de l’UE.
Alors que la Chambre des députés doit voter le 12 mai 2011 un avis politique sur cette proposition qui suscite quelques inquiétudes exprimées le 6 mai dernier par les députés de la commission des Finances, Jean-Claude Juncker a confié sa position aux journalistes du Wort, Jakub Adamowicz et Wolf von Leipzig. "Le Luxembourg ne peut soutenir cette proposition sous cette forme", a ainsi annoncé le Premier ministre luxembourgeois.
Une position qui rejoint celles exprimées par l’Allemagne et les Pays-Bas tout récemment. Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a exprimé son refus de cette proposition dans sa réponse à une question parlementaire le 11 mai 2011. Le ministre y fait part de sa crainte qu’une ACCIS n’ait pour conséquence "une baisse considérable et durable des recettes fiscales" de l’Allemagne. Le gouvernement allemand va prendre le temps d’analyser de façon détaillée, d’ici l’été 2011, le texte de la Commission qui, relevant du domaine de la fiscalité, nécessitera l’unanimité des Etats membres.
Le directeur de l’ABBL, Jean-Jacques Rommes, qui est cité par le Wort, s’est exprimé sur les ondes de RTL pour y faire part de ses critiques à l’égard de la proposition de la Commission. L’ACCIS risquerait selon lui de grever le budget de l’Etat et de sonner le glas de la souveraineté fiscale du Luxembourg.
Des critiques auxquelles Algirdas Šemeta répond qu’en vertu du principe de subsidiarité, la souveraineté des autorités fiscales luxembourgeoises sur les impôts dus au Luxembourg ne sera en rien atteinte. "Une entreprise qui a son siège dans un Etat membre et des succursales dans d’autres pays de l’UE devrait s’acquitter de l’ensemble des impôts dus dans son pays d’origine", explique le commissaire qui précise qu’une clef permettrait une répartition transparente des recettes aux autres autorités fiscales. Ces dernières continueraient de fixer le taux d’imposition dû au niveau national.
Autre argument avancé par le commissaire pour défendre le projet du collège bruxellois, celui qu’une harmonisation, et la simplification qu’elle impliquerait, pourrait permettre de faire des milliards d’économie et contribuer par conséquent à la création d’emplois. L’objectif sous-jacent, c’est l’achèvement du marché intérieur, du point de vue du commissaire qui voit là une condition pour que "l’UE puisse continuer à jouer en ligue 1 à l’avenir".