Le 15 mai 2009, le Luxembourg saisissait la Cour de justice d'un recours en annulation partielle de la directive 2009/12/CE qui établit des principes communs pour la perception des redevances payées par les compagnies aériennes aux aéroports de l’Union européenne.
Une redevance aéroportuaire est un "prélèvement effectué au profit de l'entité gestionnaire d'aéroport à la charge des usagers d'aéroport en contrepartie de l'utilisation des installations et des services qui sont fournis exclusivement par l'entité gestionnaire de l'aéroport, liés à l'atterrissage, au décollage, au balisage et au stationnement des aéronefs, ainsi qu'à la prise en charge des passagers et du fret". La directive devait être transposée par les États membres au plus tard le 15 mars 2011.
La directive s’applique aux aéroports, ouverts au trafic commercial, dépassant cinq millions de mouvements de passagers par an ou, si aucun aéroport dans un État membre n’atteint ce seuil minimal, à l’aéroport enregistrant le plus grand nombre de mouvements de passagers par an jouissant d’une position privilégiée en tant que point d’entrée dans cet État.
En vertu de cette directive, les États membres doivent veiller à ce que les redevances aéroportuaires n’entraînent pas de discrimination entre les usagers (les compagnies aériennes). Une procédure obligatoire de consultation des usagers ou des représentants ou associations des usagers par l’entité gestionnaire concernée doit être mise en place (au moins une fois par an) sur l’application du système, le niveau des redevances et, s’il y a lieu, la qualité du service.
Le Luxembourg contestait le fait que l’aéroport de Luxembourg-Findel, seul aéroport du Grand-Duché, soit soumis aux obligations administratives et financières de la directive, le trafic annuel atteignant 1,7 million de mouvements de passagers par an, contrairement à d’autres aéroports régionaux proches qui ne sont pas inclus dans le champ d’application de la directive alors qu’ils génèrent un trafic supérieur.
Le Luxembourg a cité par exemple les aéroports de Charleroi (Belgique) et de Hahn (Allemagne) – leur trafic s'élevant respectivement à 2,9 millions et à 4 millions de mouvements de passagers par an – et ceux de Bordeaux (France) et de Turin (Italie), situés à proximité d'un centre urbain d'une certaine taille ou caractérisés par un certain niveau d'activité économique – avec respectivement un trafic de 3,4 millions et 3,5 millions de mouvements de passagers par an.
Selon le Luxembourg, si la directive vise à éviter tout risque d'abus de position dominante des aéroports relevant de son champ d’application, un tel risque n’est pas engendré par l'aéroport de Findel qui se trouve au contraire dans une situation concurrentielle avec les aéroports voisins qui accueillent des compagnies "à bas prix" situés à Hahn (Allemagne) ou Charleroi (Belgique) et des aéroports constituant des plaques tournantes ("hubs") comme Francfort (Allemagne) ou Bruxelles (Belgique).
Outre une violation du principe d'égalité de traitement en raison d’un traitement inégal de situations comparables – l’aéroport de Findel étant inclus dans la directive alors que des aéroports régionaux de même taille ne le sont pas – le Luxembourg invoque une violation du principe d’égalité de traitement en ce que l'aéroport de Luxembourg-Findel serait traité de manière identique aux aéroports dont le trafic annuel dépasse 5 millions de mouvements de passagers alors qu'il n'aurait ni la même position de force par rapport aux compagnies aériennes ni le même pouvoir économique que ces aéroports. Selon le Luxembourg, la disposition en cause ne respectait donc pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Dans son arrêt rendu le 12 mai 2011, la Cour de justice constate que l'aéroport de Luxembourg-Findel doit être considéré comme jouissant d'une position privilégiée en tant que "point d'entrée" dans cet État membre au sens de la directive. Par conséquent, le fait qu'il soit inclus dans son champ d'application n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement.
La Cour relève que le législateur de l'Union, en adoptant la directive, a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'inclure dans le champ d'application de cette directive l'ensemble des aéroports de l'Union, mais seulement deux catégories d'aéroports : ceux qui dépassent le seuil minimal des cinq millions de mouvements de passagers par an et ceux qui, à l’instar de Luxembourg-Findel, enregistrent le plus grand nombre de mouvements de passagers par an dans un État membre où aucun aéroport n'atteint ce seuil minimal. En adoptant ce cadre commun, le législateur de l'Union a souhaité que certaines exigences telles que la transparence des redevances, la consultation des compagnies aériennes et leur non-discrimination soient respectées.
Après avoir examiné la situation des aéroports principaux au regard de leur situation par rapport aux compagnies aériennes, la Cour considère que, dans les États membres où aucun aéroport n’atteint le seuil minimal prévu par la directive, l’aéroport enregistrant le plus grand nombre de mouvements de passagers par an, doit être considéré comme le point d’entrée dans l’État membre concerné, ce qui lui confère une position privilégiée vis-à-vis des compagnies aériennes.
En effet, ces aéroports principaux sont généralement situés près d'un grand centre politique et/ou économique capable d'attirer, en grande partie, une clientèle d'affaires pour laquelle le prix des billets n'est qu'un critère parmi d'autres et pouvant être particulièrement sensible à la localisation de l'aéroport, aux possibilités de connexion avec d'autres moyens de transport ainsi qu'à la qualité des services fournis. Pour ce segment de marché de moyenne ou de haut de gamme, les compagnies aériennes ont donc un intérêt stratégique majeur à proposer des vols au départ et à destination d'un aéroport principal comme celui de Luxembourg-Findel – plutôt que d'un aéroport secondaire comme celui de Hahn – sans que le montant des redevances ou le volume concret des mouvements de passagers par an puissent être considérés comme des critères décisifs pour ces compagnies.
Dès lors, juge la CJUE, l'aéroport de Luxembourg-Findel, en tant qu'aéroport principal, doit être soumis aux obligations de la directive au regard du risque d'abus de position privilégiée de cet aéroport concernant la fixation des redevances.
En revanche, les aéroports secondaires – non soumis aux obligations de la directive – ne peuvent pas, par principe, être considérés comme le "point d'entrée" au sens de la directive, indépendamment du nombre de mouvements de passagers par an et cela même si certains sont situés à proximité d'un centre urbain comme les aéroports de Bordeaux et de Turin.
De plus, ces aéroports secondaires, notamment ceux non situés à proximité d’un grand centre urbain, peuvent s’avérer plus attrayants pour les compagnies dites "à bas prix". En effet, ces compagnies, guidées en principe par une stratégie différente, s’adressent à une clientèle qui, contrairement à la clientèle d'affaires, est plus sensible aux prix des billets et davantage disposée à effectuer des trajets plus longs entre la ville desservie et l'aéroport.
Dans ces conditions, estime la Cour, le législateur n'a pas commis d'erreur manifeste et n’a pas excédé les limites de son pouvoir en considérant que les aéroports secondaires ne sont pas dans la même situation que les aéroports principaux.
De plus, le fait que la situation d'un aéroport comme celui de Findel ne soit pas identique à celle des aéroports dont le trafic dépasse cinq millions de mouvements de passagers par an ne signifie pas qu'il soit contraire au principe d'égalité de traitement de soumettre ces deux catégories d'aéroports aux mêmes obligations de transparence tarifaire prévues par la directive. Ainsi, le fait que ces aéroports jouissent d'une position privilégiée par rapport aux compagnies aériennes justifie, de l'avis de la CJUE, l'application de la directive.
À cet égard, le cadre des principes communs établi par la directive est apte et nécessaire à réaliser l’objectif de la directive. Quant au caractère proportionné, les charges résultant du régime instauré par la directive n’apparaissent pas manifestement disproportionnées par rapport aux avantages qui en découlent. Notamment, il n'apparaît pas que les coûts dont se plaint le Luxembourg liés à la procédure de consultation mise en place par la directive et obligatoire pour l’aéroport de Luxembourg-Findel puissent entraîner le départ des compagnies aériennes de cet aéroport.
Enfin, quant au principe de subsidiarité, c’est à juste titre que le législateur de l’Union a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’inclure, dans le champ d’application de la directive, les aéroports enregistrant un trafic inférieur à cinq millions de mouvements de passagers par an lorsqu’ils ne constituent pas l’aéroport principal de leur État membre.