La CJUE s’est prononcée le 24 mai 2011 sur des recours en manquement introduits par la Commission européenne à l’encontre de six États membres, dont le Luxembourg, au sujet de l’accès à la profession de notaires. Ces Etats réservaient en effet à leurs ressortissants l'accès à la profession de notaire, ce qui constitue selon la Commission une discrimination fondée sur la nationalité interdite par le traité CE. Ensuite, des Etats membres comme le Luxembourg n’ont pas appliqué aux notaires la directive 89/48/CEE sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.
L'enjeu principal était de savoir si les activités relevant de la profession de notaire participent ou non à l'exercice de l'autorité publique au sens du traité CE. Car celui-ci prévoit que les activités qui participent, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique sont exemptées de l'application des dispositions relatives à la liberté d’établissement. Or, selon l’arrêt de la Cour, si les activités notariales telles que définies actuellement dans les États membres concernés poursuivent des objectifs d'intérêt général, elles ne participent pas pour autant à l'exercice de l'autorité publique au sens du traité CE.
Mais comment les notaires du Luxembourg ont-ils réagi à cet arrêt qui vient clore une procédure qui dure depuis plusieurs années ? Le Lëtzebuerger Journal s’en est enquis auprès du président de la Chambre des Notaires, Frank Molitor. Dans son édition du 26 mai 2011, le Journal fait état d’une attitude pour le moins "placide" à l’égard de cet arrêt de la part des notaires du Grand-Duché.
"Il était tout à fait clair à nos yeux, et nous nous y attendions, que la condition de nationalité ne perdurerait pas", a expliqué en effet Frank Molitor au Journal. En revanche, il a confié avoir été plus surpris par le fait que l’exercice immédiat et spécifique de l’autorité publique ne leur soit plus reconnu. "Mais en tant que juristes et notaires, nous nous devons bien d’accepter la décision de la Cour de Justice", concède le président de la Chambre des Notaires.
L’arrêt est de plus rendu un peu moins amer aux yeux de Frank Molitor du fait qu’il prévoit aussi la possibilité de certaines exceptions au niveau national et interne. Le point 97 de l’arrêt stipule en effet que "le fait que les activités notariales poursuivent des objectifs d’intérêt général, qui visent notamment à garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers, constitue une raison impérieuse d’intérêt général qui permet de justifier d’éventuelles restrictions à l’article 43 CE découlant des spécificités propres à l’activité notariale, telles que l’encadrement dont les notaires font l’objet au travers des procédures de recrutement qui leur sont appliquées, la limitation de leur nombre et de leurs compétences territoriales ou encore leur régime de rémunération, d’indépendance, d’incompatibilités et d’inamovibilité, pour autant que ces restrictions permettent d’atteindre lesdits objectifs et sont nécessaires à cette fin".
Frank Molitor évoque sur cette base la possibilité d’introduire un numerus clausus, de jouer sur les règles de recrutement ou encore de la liberté d’établissement. Autant de sujets qu’il dit avoir déjà abordé avec le ministre le Justice. Selon lui, les modifications juridiques en ce sens pourraient être faites au plus vite. Pour ce qui est d’autres règles concernant par exemple les compétences linguistiques, les examens ou les "limitations d’établissement internes" - "une porte dérobée introduite par la Cour" aux yeux des notaires luxembourgeois -, la Chambre des Notaires luxembourgeoise est en discussion avec les autres pays concernés. "Car nous ne sommes pas les seuls à pouvoir avoir de bonnes idées...", précise, non sans malice, Frank Molitor.