La Commission a adopté le 7 juin 2011 une série de recommandations pour l’ensemble de la zone euro et pour chacun des 27 Etats membres de l’UE afin de les aider à renforcer leurs politiques économiques et sociales, de manière à atteindre les objectifs souhaités en matière de croissance, d'emploi et de finances publiques. Des recommandations qui s’inscrivent dans le cadre du semestre européen qui ont pour objectif de permettre à chacun de se concentrer sur les leviers stratégiques au cours des 12 à 18 prochains mois, et stimuler ainsi l'économie de toute l'UE. Pour formuler ces recommandations, la Commission s’est basée sur l’analyse des programmes nationaux - programme de stabilité ou de convergence et programme national de réforme (PNR) - soumis par les Etats membres. Le Luxembourg avait transmis ces documents à la Commission le 29 avril 2011.
Ces recommandations seront débattues puis entérinées par le Conseil européen des 23 et 24 juin 2011, après discussion au sein des Conseils ECOFIN et EPSCO. Leur mise en œuvre sera suivie jusqu'à la fin de l'année par la Commission, mais aussi par les États membres, chacun étant soumis à l'examen constant et rigoureux de ses pairs. La Commission évaluera les progrès accomplis au niveau de l'UE lors de son prochain examen annuel de la croissance, en janvier 2012, et fera le point des progrès de chaque État membre dans ses prochaines recommandations par pays, en juin 2012.
Dans l'ensemble, la Commission considère que les Etats membres se sont efforcés, dans leurs programmes, de respecter les priorités adoptées au niveau de l'UE, et leurs hypothèses macroéconomiques sont globalement réalistes. En revanche, elle observe que les programmes nationaux manquent souvent d'ambition et de précision. De nombreux États membres doivent se montrer plus ambitieux en matière d'assainissement budgétaire, tout en maintenant les mesures destinées à stimuler la croissance (recherche et innovation, environnement des entreprises et concurrence dans les services). Des efforts accrus sont nécessaires sur les marchés du travail pour accroître le taux d'activité, lutter contre le chômage structurel, réduire le chômage des jeunes et le décrochage scolaire et faire en sorte que les salaires reflètent la productivité.
Le Luxembourg n’échappe pas à la règle et se voit recommander plus d’ambition en matière de consolidation budgétaire. La Commission met aussi le doigt sur des sujets sensibles s’il en est : la réforme des pensions et l’indexation des salaires.
Malgré la récession, les finances publiques sont, avec un déficit de 1,7 % et une dette brute de 18,4 % en 2010, "relativement saines" du point de vue de la Commission qui explique cela essentiellement par une situation de départ qui était très favorable. Cependant, les auteurs de l’évaluation relèvent aussi que, selon les projections faites à politique inchangée, le déficit global devrait se détériorer en 2012, et que l’objectif à moyen terme, qui est d’atteindre un excédent de l’ordre de 0,5 % du PIB ne sera par conséquent pas atteint.
Bien au contraire, le solde structurel recalculé par la Commission sur la base du PNR devrait continuer à se détériorer progressivement de 0,3 % d’excédent en 2011 à 0,8 % de déficit en 2014.
La Commission juge "un peu prudent" le scénario choisi comme base par le gouvernement pour faire ses projections budgétaires. On se souvient pourtant avec quelle insistance Luc Frieden avait souligné fin avril 2001 à quel point les hypothèses de travail du gouvernement étaient "optimistes". Le Luxembourg s'est fixé comme objectif un déficit global de 1,5 % du PIB en 2012 alors que les services de la Commission envisagent, sur la base d’un scénario macro-économique un peu plus optimiste et une augmentation plus lente des dépenses, un déficit de l’ordre de 1,1 % du PIB.
Selon la Commission, avec une croissance du PIB que les projections annoncent comme "robuste", les finances publiques luxembourgeoises devraient bénéficier d’une amélioration continue de leur solde structurel, ce qui laisserait envisager d’atteindre l’objectif à moyen terme d’un excédent de l’ordre de 0,5 % dès 2012. Pour les services de la Commission, cela offrirait au Grand-Duché une marge de sécurité en cas d’éventuel ralentissement économique et cela aiderait à améliorer la viabilité à long-terme de ses finances publiques.
La Commission recommande donc au Luxembourg de profiter de l’amélioration des conditions cycliques pour renforcer l’effort budgétaire afin de continuer à réduire le déficit global et d’atteindre l’objectif à moyen terme en 2012.
"La viabilité des finances publiques est menacée à long terme par une population vieillissante qui aura pour conséquence, à l’échelle de toute l’UE, une augmentation des dépenses publiques de pensions, de santé et de dépendance", poursuit la Commission qui note que les contours d’une réforme des pensions sont esquissés dans le PNR sans pour autant que des mesures concrètes visant à garantir la viabilité à long terme des finances publiques n’aient été encore prises.
La Commission souligne que l’accroissement des dépenses publiques liées à l’âge sera au Luxembourg, dans les projections pour les prochaines décennies, un des plus forts de l’UE. Ainsi, si le financement du système de pensions bénéficie à court terme d’un bas ratio de dépendance des personnes âgées, il dépend en partie des contributions versées par une population relativement jeune de travailleurs frontaliers. Or, observent les analystes de la Commission, à l’avenir, ces deux facteurs vont s’inverser et on peut donc prévoir que les coûts des pensions vont considérablement augmenter. Selon eux, les actifs considérables accumulés par le gouvernement et les réserves de pensions pourtant croissantes ne suffiront pas à assurer la viabilité du système.
Les auteurs notent aussi un manque de mesures incitant les séniors à rester dans l’emploi qui a pour conséquence un fort taux de retraites anticipées. S’il est question dans le PNR de prévoir dans le cadre du plan de réforme un nouveau modèle qui vise à maintenir dans l’emploi les travailleurs plus longtemps sur une base volontaire, ce qui améliorerait le ratio de dépendance du système, comme le reconnaît la Commission, ce mécanisme ne concernerait cependant que les nouveaux retraités et ne s’appliquerait que pour la partie de la carrière située après l’entrée en vigueur de la réforme. Cette dernière ne produirait donc son plein effet que dans 40 ans selon la Commission…
La Commission recommande au Luxembourg de proposer et de mettre en œuvre une large réforme des pensions afin d’assurer la durabilité à long terme du système. Le Grand-Duché devrait commencer par des mesures visant à augmenter le taux d’emploi des seniors et ce notamment en décourageant les départs anticipés à la retraite. Il s’agit aussi de prévoir des mesures adaptant l’âge légal de départ à la retraite aux espérances de vie. En clair, le Luxembourg devrait donc prévoir un recul de ce dernier.
La Commission relève ensuite qu’en raison de l’évolution à la fois des salaires et de la productivité, la compétitivité du Luxembourg en matière de coût s’est "détériorée de façon substantielle" depuis le début de la dernière décennie en comparaison avec les pays voisins.
Certes, relève l’analyse de la Commission, le gouvernement a conclu un accord avec les syndicats pour reporter à octobre 2011 l’application du mécanisme d’indexation automatique des salaires, et il a annoncé dans le PNR son intention d’aboutir à un accord similaire en 2012.
Mais, aux yeux de la Commission, "ces mesures n’ont qu’un effet temporaire et ne s’attaquent pas de façon structurelle à la détérioration de la compétitivité en termes de coût". Les services de la Commission relèvent ainsi que, au vu des perspectives actuelles de l’inflation, la prochaine tranche indiciaire pourrait tomber dès le printemps 2012, ce qui selon eux "anéantirait ainsi les avancées faites précédemment en matière de compétitivité des coûts".
La Commission recommande au Luxembourg de réformer, "en consultation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques en usage dans ce pays", le système de fixation des salaires, l’objectif étant selon la Commission de faire en sorte que l’évolution des salaires reflète mieux l’évolution de la productivité et de la compétitivité.
Le marché de l’emploi du Luxembourg est caractérisé par un fort taux de travailleurs non-résidents et par un taux d’emploi plus bas de la population résidente, notamment chez les jeunes, observent encore les auteurs des recommandations qui font état de "mesures à petite échelle" annoncées ou mises en œuvre pour augmenter l’emploi de groupes spécifiques comme les jeunes, les femmes ou les séniors. Grâce à la réforme de l’administration de l’emploi et à l’investissement dans les compétences et l’éducation qui sont envisagées, le Luxembourg va faire des progrès dans sa lutte contre le fort taux de chômage des jeunes, estime la Commission, qui souligne cependant un manque d’assistance accordée aux jeunes pour faciliter leur intégration sur le marché de l’emploi.
La Commission recommande au Luxembourg de prendre des mesures pour réduire le chômage des jeunes en renforçant les mesures d’éducation et de formation qui visent à faire en sorte que les compétences des jeunes répondent mieux à la demande du marché du travail.
Au cours de la dernière décennie, le Luxembourg a su réduire le nombre d’enfant en décrochage scolaire, un sujet qui reste cependant, aux yeux de la Commission, une priorité importante pour le gouvernement. Les analystes ont aussi relevé que des stratégies d’apprentissage tout au long de la vie avaient été identifiées comme un des moyens de ramener à l’emploi et d’améliorer l’employabilité des demandeurs d’emplois. Enfin, la Commission relève que si le Luxembourg entend briser la chaîne intergénérationnelle de transmission de la pauvreté et de l’exclusion sociale en luttant contre la pauvreté des enfants, le gouvernement ne s’est pas fixé d’objectif national en la matière.
"Aucune nouvelle mesure n’a été annoncée dans le PNR pour diversifier l’économie", observent encore les analystes qui soulignent les limites du pays dans sa capacité à influencer un secteur financier dominé par des institutions financières étrangères ayant des activités internationales.