Dans le cadre du semestre européen, qui vise à mettre en parallèle les cycles de politiques budgétaires et de politiques structurelles fondamentales, le ministre des Finances, Luc Frieden, et le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur, Jeannot Krecké, ont présenté le 29 avril 2011 les grandes orientations du Programme de stabilité et de croissance couvrant la période 2011–2014 ainsi que le Programme national de réforme (PNR) "Luxembourg 2020" élaboré dans le cadre de la stratégie Europe 2020.
Le "nouvel exercice" qu'implique le semestre européen poursuit un double objectif : d’une part, aligner les cycles des processus de politiques budgétaires et de politiques structurelles fondamentales, et d’autre part, coordonner la gouvernance économique en Europe par le biais d’une meilleure surveillance et coordination des politiques budgétaires.
Les ministres, qui sortaient tout juste d’un Conseil de gouvernement qui a mis la dernière main à ces textes, ont procédé à une présentation rapide de ces "deux documents essentiels" à la presse avant de se rendre dans l’après-midi à la Chambre des députés pour les y détailler.
Luc Frieden et Jeannot Krecké se sont félicités de la coopération exemplaire entre Ministères compétents qui a permis d’aboutir à ces deux documents prospectifs qui vont être transmis à la Commission européenne et au Conseil Ecofin. Après analyse, ils feront l’objet de recommandations qui seront prises en compte lors de la préparation du budget 2012, prévue pour septembre prochain.
Le programme de stabilité et de croissance présente une prospective pluriannuelle s’étalant sur les années 2011-2014. Les hypothèses de travail envisagées pour établir ce programme sont "optimistes", ainsi que l’a observé le ministre des Finances qui a noté que "l’économie renoue avec la croissance, même si celle-ci n’est pas aussi solide qu’auparavant".
Il est ainsi prévu, et ce sont là des hypothèses de la Commission européenne, que la croissance se situe en moyenne autour de 2 % dans la zone euro sur la période 2011-2014. Pour le Luxembourg, selon "le scénario optimiste" qu’a souhaité privilégier le gouvernement, la croissance envisagée comme hypothèse de travail varierait pendant cette même période de 3,2 à 4 %. De même, la croissance de l'emploi intérieur anticipée sur la période est prévue entre 1,5 et 2,5 % tandis que c’est sur un taux de chômage situé entre 4,4 et 5,3 % qu’a misé le gouvernement. Quant aux recettes fiscales, c’est une augmentation de l’ordre de 5 % qui est prévue sur la période.
Luc Frieden n’a pas manqué de souligner cependant les difficultés qui existent dès qu’il s’agit de faire des projections dans le domaine énergétique, notamment sur les prix de pétrole. Le gouvernement se base sur l’hypothèse de travail empruntée à la Commission européenne laquelle est fondée sur un prix du baril de 114 dollars ainsi que sur une augmentation des taux d’intérêts.
L’évolution des recettes et dépenses de l’administration centrale au cours du 1er trimestre 2011 montre que les recettes augmentent (+ 444 millions, soit + 17 %) par rapport au 1er trimestre 2010, mais que le solde reste largement négatif (-172 millions), même s’il s’améliore par rapport au 1er trimestre 2010 (- 493 millions). La hausse des recettes s’explique notamment par le fait que pour l’exercice 2010, l’imposition du solde de certaines entreprises a pu être clôturée.
Selon les hypothèses de travail envisagées, à politique inchangée, le solde budgétaire de l’administration publique, qui était déficitaire à hauteur de 1,7 % du PIB en 2010 et qui devrait être de l’ordre de - 1 % du PIB en 2011, serait encore déficitaire en 2014, à hauteur de 0,8 % du PIB. L’Etat devrait donc continuer à emprunter de l’argent. La dette publique frôlerait ainsi la barre des 12 milliards en 2014, soit 22,7 % du PIB.
"Il s’agit d’une évolution tendancielle en se basant sur une hypothèse optimiste concernant à la fois l’évolution de la croissance et l’évolution des dépenses et des recettes", a résumé Luc Frieden, en ajoutant que les projections n’incluent "pas l’avènement possible de chocs macroéconomiques externes".
Le gouvernement, qui s’est engagé à réduire le déficit public pour atteindre l'équilibre, n’exclut donc pas, à l’occasion d’une "revue à mi-parcours" de sa politique budgétaire en 2012, "la spécification de mesures de consolidation budgétaires additionnelles en vue de réaliser l’objectif affiché d’un retour à l’équilibre en 2014".
Cet objectif resterait, comme n’a pas manqué de le souligner Luc Frieden, en-deçà de l’objectif budgétaire à moyen terme fixé pour le Luxembourg par le pacte de stabilité et de croissance, à savoir un excédent de 0,5 % du PIB. Un excédent que le Grand-Duché devrait idéalement mettre en réserve pour pouvoir couvrir les dépenses supplémentaires qui seront occasionnées par le vieillissement démographique d’ici à l’horizon 2040.
Luc Frieden n’exclut donc pas que la Commission ne demande au Luxembourg des efforts supplémentaires à la lecture de ce programme de stabilité et de croissance.
Le PNR, qui, selon les mots de Luc Frieden, offre "les réformes structurelles accompagnant le processus" budgétaire, a été élaboré sous la tutelle du ministre de l'Économie et du Commerce extérieur, qui a assumé le rôle de coordinateur national de la stratégie Europe 2020.
Dans ce document qui constitue la version finalisée d’un programme qui avait déjà été soumis à la Commission européenne en novembre 2010 dans sa version provisoire, le Luxembourg se fixe notamment un certain nombre d’objectifs nationaux pour 2020 en matière d’emploi, de recherche et développement, d'enseignement et dans le domaine du changement climatique et de l’utilisation rationnelle de l’énergie.
Entretemps, des consultations ont été menées auprès des partenaires sociaux et de la société civile, tandis que la Chambre des députés a eu l’occasion de débattre sur le sujet en mars 2011.
Le programme national de réforme présenté par Jeannot Krecké, qui est basé sur les mêmes scénarios macro-économiques à court et moyen termes que le programme de stabilité et de croissance, se fonde sur deux piliers. D’une part les objectifs chiffrés que l’UE s’est fixés pour 2020, et d’autre part des réformes que le gouvernement, indépendamment de la stratégie Europe 2020, juge nécessaire de mener. Certaines d’entre elles sont liées au Pacte Euro plus.
Pour ce qui est des objectifs chiffrés, la nouvelle version du PNR ne diffère pas fondamentalement de sa version provisoire de novembre. Ainsi, les objectifs visés pour 2020 sont un taux d’emploi de 73 %, un taux d’intensité de R&D se situant entre 2,3 à 2,6 % du PIB, un maintien du décrochage scolaire en dessous de 10 %, 40 % de personnes âgées de 30 à 34 ans résidant au Luxembourg qui auront obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou atteint un niveau d’études équivalent, une diminution du risque de pauvreté et d’exclusion sociale, une réduction des émissions de CO2 de 20 %, un taux de 11 % de sources d'énergies renouvelables, 10 % de carburants renouvelables de la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports et enfin un objectif national indicatif en matière d’efficacité énergétique dans les utilisations finales d’énergie de 10,38 % à l’horizon 2016 et l’étude de la faisabilité d'un objectif global de 13 % à l’horizon 2020.
En matière d’emploi, le gouvernement entend mener des réformes "organiques", comme la réforme de l’ADEM , la création d’un Observatoire du marché de l’emploi ou encore l’encouragement de l’apprentissage tout au long de la vie, mais il veut aussi se concentrer sur l’employabilité des jeunes, la participation des femmes dans l’emploi, tout en accordant une attention particulière aux politiques en faveur des séniors et des personnes ayant des besoins spécifiques.
En matière de R&D, une discussion a été menée avec les acteurs du secteur en février 2011. Pour le ministre Jeannot Krecké, il est clair que l’objectif d’investir 3 % du PIB dans la R&D ne saurait être au Luxembourg d’ici 2020, et ce malgré les efforts mis en œuvre, notamment par la loi du 5 juin 2009 qui vise à encourager la recherche dans le secteur privé. Le gouvernement mise sur des investissements privés dans la R&D allant de 1,5 % à 1,9 % et a fixé un taux situé entre 0,7 % à 0,8 % du PIB pour le secteur public. Le gouvernement vise comme objectif intermédiaire un taux global de 2 % pour l’année 2015.
En matière de changement climatique et d’énergie, Jeannot Krecké a rappelé que le plan d’action de réduction des émissions de CO2 serait finalisé en mai 2011. Pour ce qui est des énergies renouvelables, le ministre a notamment rappelé les 37 mesures du plan d’action national en matière d’énergies renouvelables de juin 2010, soulignant que des sites potentiels étaient en cours d’identification. En ce qui concerne l’efficacité énergétique, Jeannot Krecké a insisté sur le grand potentiel qui résidait dans les bâtiments d’habitation, sans oublier non plus les efforts à faire sur les bâtiments fonctionnels. Le 2e plan national d’efficacité énergétique sera publié en juin 2011.
Dans le domaine de l’éducation, le Luxembourg, qui se situe déjà en-dessous de l’objectif européen qui vise à réduire le décrochage scolaire à 10 %, entend miser sur la promotion de la réussite scolaire, sur le renforcement des activités d’orientation et sur la réintégration dans l’éducation et la formation, grâce notamment à l’école de la 2e chance. Quant au taux de diplômés de l’enseignement supérieur, il est bien au-dessus de l’objectif européen, mais c’est essentiellement grâce à l’immigration au Luxembourg de personnes qualifiées. En considérant un "taux national" qui est évalué aux alentours de 30 % et en se fixant le même objectif que celui fixé par la stratégie Europe 2020, le gouvernement entend tout faire pour se doter d’un "système scolaire national à former des jeunes aptes à achever avec succès une formation post-secondaire". Un élargissement de l’offre de formation dans l’enseignement supérieur est prévu, mais aussi des relations plus étroites avec le monde économique. Il va s’agir aussi de promouvoir la validation de l’acquis de l’expérience.
Enfin, en termes de lutte contre la pauvreté et d’inclusion sociale, six mesures ont été envisagées en concertation avec le Ministère de la Famille. Aux cinq mesures planifiées dans la version provisoire du PNR de novembre, le gouvernement a en effet ajouté une action au niveau du logement pour favoriser l’inclusion sociale.
Ainsi que l’a indiqué le ministre Krecké, le PNR mentionne aussi les engagements pris par le Luxembourg dans le cadre du Pacte pour l’euro adopté lors du Conseil européen de la fin mars 2011.
L’accroissement de la résistance du secteur financier, qui était déjà un des axes forts du PNR dans sa version provisoire, compte ainsi parmi ces engagements.
Mais c’est aussi le cas du retardement de l’application du mécanisme d’indexation des salaires en 2011, ainsi que de la volonté du gouvernement de négocier un nouvel accord de modulation de l’incidence de l’indexation des salaires pour l’année 2012.
"Le gouvernement a également décidé que le coût salarial serait abaissé pour les années à venir", est-il encore indiqué dans le PNR qui annonce que "l’effet de la hausse du salaire social minimum en janvier 2011 sera neutralisé en versant un montant équivalent au coût global de cette adaptation à la Mutualité des Employeurs". Cette mesure qui s’inscrit dans le cadre du Pacte pour l’euro sera appliquée à partir de l’année 2011 pour une période de cinq ans.
Le gouvernement s’est engagé par ailleurs à "ne pas proposer de nouveau relèvement des cotisations sociales au cours de la législature se terminant en 2014".
La réforme annoncée du système de pension, qui est nettement plus précisée que dans la version provisoire du PNR de novembre, s’inscrit elle aussi dans ce contexte du Pacte pour l'euro. "Il s’agit de faire en sorte que le système garde sa capacité d’adaptation à l’évolution économique du pays et aux ressources financières disponibles, sans pour autant abandonner aucun de ses objectifs sociaux, dont les plus importants sont et seront : faire participer les pensionnés de manière équitable au revenu national, maintenir un équilibre entre le revenu disponible des actifs et des retraités et offrir des garanties crédibles aux actifs quant à leurs pensions futures", est-il spécifié dans le PNR au sujet d’un "avant-projet de loi en cours de préparation".
La réforme de l’ADEM, qui était prévue de longue date mais qui est avancée désormais comme la première mesure inscrite dans le catalogue des actions présentées pour atteindre les objectifs en matière d’emploi, est-elle aussi portée au chapitre des mesures s’inscrivant dans le cadre du Pacte pour l’euro. Toujours dans ce chapitre, le gouvernement mentionne l’accord trouvé avec l’UEL selon lequel la formation continue sera encouragée grâce à un relèvement du taux de cofinancement de la part de l’Etat.
De même, le PNR mentionne-t-il, effet là encore du Pacte pour l’euro, un accord entre gouvernement et UEL en ce qui concerne l’amélioration de l’environnement des affaires et la simplification administrative. Selon cet accord, les formalités à respecter par les entreprises en vue de l’obtention de différentes autorisations seront allégées et les délais de traitement des dossiers afférents seront systématiquement réduits. Le PNR annonce des mesures législatives et réglementaires nécessaires dans le courant de l’année 2011.