"Une nouvelle manière de vivre la Grande Région", c’est ainsi que Jean-Marie Halsdorf, ministre de l’Intérieur ET de la Grande Région - comme n’ont pas manqué de le souligner les orateurs dans l’assistance - a qualifié le 15 juin 2011 à Strassen la nouvelle coopération qui s’ébauche entre cinq communes lorraine (Montigny-lès-Metz), luxembourgeoise (Strassen), rhénan-palatine (Konz), sarroise (Losheim) et wallonne (Habay), et ce grâce à l’initiative de la fondation Forum Europa, très engagée sur la question de la Grande Région. Son nom : GEPACO, pour GEmeindePArtner – PartenairesCOmmunaux.
L’initiative avait été annoncée le 31 janvier 2011 lors de la 1e Journée de la coopération communale transfrontalière par le directeur de Forum Europa, Claude Gengler. Pour Gaston Greiveldinger, le maire de Strassen, C’est une initiative qui sera appelée à perdurer, car il est convaincu que les échanges entre les communes impliquées les feront progresser dans une Grande Région qui a un formidable potentiel de croissance, même si elle est éparpillée en "zones fragmentées".
GEPACO, c’est une démarche pratique commune dans une Grande Région qui existe surtout dans les discours et qui manque encore d’identité au point qu’on la pratique souvent sans s’identifier à elle, pense le maire de Strassen. Pourtant, toutes les composantes de la Grande Région se retrouvent devant "l’impérieuse nécessité de s’ouvrir au voisin", un voisin qui est tout proche. "Warum in die Ferne schweifen, wenn das Gute so nahe ist ?". C’est sur ce bon mot de Goethe que Gaston Greiveldinger a conclu son plaidoyer pour la GEPACO, qui se lance à Strassen, situé sur le trajet d’une route plus que bimillénaire qui est "un cordon emblématique de la Grande Région".
Ce fut à Claude Gengler, le directeur de Forum Europa, de présenter le projet de coopération. La Grande Région est grande par sa superficie, le nombre des pays qui la composent, la taille de sa population, plus de 11 millions de personnes, et son PIB, plus de 310 milliards d’euros, et elle possède une longue tradition de coopération. En cela, elle se distingue des 140 autres régions transfrontalières en Europe. La Grande Région est selon Claude Gengler "in", et nombreux sont ceux qui se penchent sur son futur : politiques, géographes, urbanistes, économistes, spécialistes des transports, entreprises, etc. Elle est donc plus qu’une construction intellectuelle. Elle avance à grands pas pour reculer d’un petit pas. Elle participe aux programmes INTERREG, elle est l’objet de sommets, etc. Au niveau communal, l’intérêt existe et la solidarité est prête à jouer, du bas vers le haut. Il existe des regroupements comme Lela+, Quattropole, le réseau des parcs naturels, et de nombreuses coopérations transfrontalières, où l’on partage des infrastructures de protection civile ou sportives, des stations d’épuration, etc.
Dans un tel contexte, les jumelages d’antan avec des communes lointaines paraissent obsolètes, pense Claude Gengler, même s’ils ont joué un rôle important au cours de l’après-guerre pour la réconciliation des peuples d’Europe et qu’ils jouent encore un rôle dans la connaissance des nouveaux Etats membres. La Grande Région requiert un nouveau type de proximité. Le projet GEPACO veut dans ce sens initier une coopération intercommunale au cœur même de la Grande Région autour d’échanges d’expériences sur des questions qui taraudent tout un chacun : la mobilité et les transports, l’éducation, l’intégration des étrangers, les sports, les citoyens du 3e âge dans la commune dans un contexte de régression démographique et de vieillissement de la population, la communication de la politique communale et la participation citoyenne, les handicapés dans une commune qui les prend en compte, etc.
Le projet est lancé pour 3 ans, et sera revu fin 2012, en vue d’éventuels aménagements en fonction de son avancement. Il constituera un test et envisagera de recourir à des moyens de l’UE, à du sponsoring, à bénéficier de l’apport des étudiants qui font des recherches sur les problèmes communaux.
Il s’est d’ores et déjà doté d’un logo, où à partir d’un point central, Strassen, partent des lignes vers quatre autres points, dans le sens des aiguilles d’une montre, les communes de Konz, Losheim, Montigny-lès-Metz et Habay, des lignes dont la longueur équivaut à l’échelle à la distance entre les quatre communes et Strassen, et dont les points sont reliés entre eux, dessinant des triangles qui se déclinent dans toutes les nuances du violet, comme autant de territoires à la fois différents et similaires.
Luiza Sosna, du service de l’intégration et de l’égalité de Strassen a présenté les cinq communes : Strassen avec ses 7 600 habitants et ses 7 000 emplois, ses 56 % d’étrangers et sa population en croissance ; Konz, avec ses 19 000 habitants, sa production viticole et ses 8,5 % d’étrangers ; Losheim, avec ses 16 500 habitants, dont 6 % d’étrangers, ses 11 villages, son tourisme ; Habay, avec ses 8 000 habitants, ses 5 % d’étrangers, son tourisme et sa nature ; Montigny-lès-Metz, avec près de 23 000 habitants, son ambition écologique.
Le maire de Konz, Karl-Heinz Friedrich, a souligné dans son allocution que les citoyens n’ont pas besoin d’espaces frontaliers, mais d’espaces de vie, et que c’est pour cette raison que le projet de Forum Europa a plu à son conseil communal qui était précisément à la recherche de partenaires proches. Et comme la Grande Région souffre de ses barrières linguistiques, sa commune introduit dans les jardins d’enfants et dans certaines écoles primaires l’enseignement du français, "car il faut connaître et parler la langue du voisin". Son espoir : qu’une nouvelle génération vienne qui ne connaisse plus ces barrières et que GEPACO donne de nouvelles impulsions à la coopération en Europe.
Lothar Christ, le maire de Losheim a étalé les problèmes de sa commune : grande de surface, avec 12 infrastructures à financer, une population en régression, mais aussi une expérience de commune frontière entre 1919 et 1935, avec le Reich allemand, avant son intégration dans le IIIe Reich, et puis entre 1945 et 1955, avec la République fédérale allemande, avant l’intégration de la Sarre à la RFA.
Serge Bodeux, de Habay, a pointé vers les 48 % de ses habitants qui travaillent comme frontaliers au Grand-Duché, les défis que la garde de leurs enfants représente pour sa commune, et les problèmes de mobilité que sa population rencontre.
Monique Sary, adjointe au maire de Montigny-lès-Metz, a évoqué sa commune, longtemps tributaire de ce qui se faisait à Metz, mais qui est partie pour créer son identité propre, dans l’esprit européen qui anime son maire, qui est aussi président du Centre européen Robert Schuman (CRS).
Après avoir exprimé son soutien au projet GEPACO qui pourra être selon lui "un modèle pour l’Europe des régions de demain parce qu’il crée du sentiment d’appartenance à travers du concret", le ministre Halsdorf a dévoilé un panneau portant l’inscription "Bienvenue dans la Grande Région" qui sera apposé aux entrées de Strassen. Le premier hors de Lorraine, puisque la première initiative de ce genre a été lancée par Philippe Leroy, le président du Conseil général de Lorraine.