Le mardi 20 septembre 2011, la formation Agriculture et pêche au Conseil a débattu la question du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD).
Cette même question a déjà été débattue lors de deux sessions en 2008 et 2010 qui se sont achevées par la non-obtention d’une majorité au sein du Conseil. Ce même schéma s’est reproduit lors de la dernière session de septembre 2011, où la problématique a été accentuée à la suite d’un jugement prononcé en avril 2011 par le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) qui remet en question le fonctionnement même du programme, ainsi que son financement. Avec la proposition mise sur la table, la Commission entend se conformer au jugement du TUE en évitant de remettre en cause le PEAD, mais six États membres ont formé une minorité de blocage sous l’impulsion de l’Allemagne car ils considèrent que le programme s’est éloigné de son fonctionnement et de son objectif initial. Le débat se poursuivra donc en octobre afin de maintenir ou pas le fonctionnement effectif du PEAD jusqu’en 2013.
Créé en 1987, le PEAD se base sur l’utilisation des surplus alimentaires produits au travers de la politique agricole commune dans l’Union. Ce surplus est ensuite redistribué sous forme d’aide alimentaire au plus démunis dans l’Union Européenne.
Selon des chiffres énoncés par le Parlement européen et la Commission, 43 millions d’Européens sont menacés par la pauvreté, et en 2009, 18,3 millions d’Européens ont bénéficié directement d’une aide alimentaire.
Le surplus alimentaire sur lequel se basait le PEAD s’est amoindri au fil des années avec la régulation de la production agricole européenne. Pour compenser cette diminution du surplus et ainsi pérenniser le programme, des achats de denrées alimentaires sont effectués avec les budgets de la politique agricole commune (PAC). Le problème est que le programme ne couvrait à l’origine que la fourniture de denrées alimentaires fournie par les stocks d’intervention créés par le surplus de production. Avec la diminution du surplus, le programme s’est donc orienté vers des achats de denrées sur le marché qui n’étaient pas prévus par les textes.
En 2008, durant un débat au Conseil de l’UE, les ministres de l’Agriculture avaient analysé, à la demande de certains États membres, un changement de base légale grâce à l’adoption d’un règlement pour la PEAD.
Ces États membres considéraient que le PEAD ne relevait plus du domaine de la politique agricole, mais plutôt du domaine de la politique sociale. Certains proposaient même une renationalisation de l’aide. La proposition faite à l’époque par la Commission n’avait pas recueilli de majorité au sein du Conseil.
La proposition de 2008 rejetée par le Conseil, a lors de la session du 26 mars 2009, fait l’objet d’une résolution du Parlement Européen à la suite de laquelle, 20 amendements furent adoptés.
Forte de ses nouvelles modifications, la proposition fut soumise au Conseil en 2010. L'idée d’une contribution plus élevée de l’UE était au premier plan. Le projet prévoyait des achats de denrées alimentaires même lorsque les stocks de surplus étaient disponibles. L'objectif était de cibler plus précisément l’éventail de denrées réellement nécessaires aux plus démunis. Aucune majorité n'a émergé.
En parallèle, l’Allemagne, appuyée par la Suède, a saisi le TUE en 2008, en dénonçant une violation de la base légale du PEAD qui "aurait "perdu tout lien" avec la politique agricole commune (PAC) et serait en réalité un élément de la politique sociale."
Avec un arrêt du 13 avril 2011, le TUE a confirmé la position des États requérants en signifiant que "le règlement attaqué repose principalement sur les achats supplémentaires des produits sur le marché" et que par conséquence il était annulé faute de respecter sa base légale.
L'arrêt du Tribunal a plus précisément annulé l'article 2 et l’annexe II du règlement (CE) n° 983/2008 de la Commission du 3 octobre 2008 qui fixait le plan annuel d’attribution aux États membres de ressources pour la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d’intervention. La raison invoquée pour cette annulation s'explique par le fait que le plan annuel prévoyait des allocations pour l'achat de denrées alimentaires qui n'étaient pas prévues en tant que telles par la base juridique du PEAD.
Le financement du PEAD a atteint en 2011 les 480 millions d'euros. Le jugement a par conséquence entraîné une réduction du financement du PEAD. La Commission a annoncé le 20 juin 2011 que le budget pour 2012 serait de 113,5 millions d’euros, soit une réduction significative de 76 % du budget. Pour le Luxembourg, la baisse de budget fixerait à 47 463 euros l’investissement en faveur des plus démunis pour 2012.
Pour différentes associations telles que les Restos du Cœur, le Secours populaire, la Croix-Rouge ou bien la Fédération française des banques alimentaires (FFBA), une telle réduction serait synonyme de "crise humanitaire".
Au cours de la session du Conseil du 20 septembre 2011, aucune solution n’a pu être trouvée qui aurait pu permettre de poursuivre le financement du PEAD à hauteur de 500 millions par an jusqu’en 2013. Six États membres, l’Allemagne, la Suède, le Danemark, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la République Tchèque, s'opposent toujours à la proposition de la Commission qui vise à maintenir le financement à hauteur de 500 millions.
Le Luxembourg s’est exprimé en faveur du maintien du programme pour les deux prochaines années à son niveau de financement actuel au travers du Directeur du Service d’économie rurale, Frank Schmit, comme le rapporte Marisandra Ozolins dans un article paru dans le journal "Tageblatt" le 21septembre 2011.
La décision a donc été reportée au prochain Conseil des ministres qui se tiendra en octobre 2011 à Luxembourg, où une solution de financement pourrait être trouvée afin de pallier l’interdiction juridique de financement des achats de denrées alimentaires sur le marché par la PAC.