Lors du sommet franco-allemand du 16 août 2011, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient émis le souhait, dans un souci de "convergence entre les deux pays", de créer "un impôt sur les sociétés communs entre Allemagne et France, avec une harmonisation de l’assiette et des taux, qui serait mis en place à compter de 2013". Une proposition en ce sens devrait donc être formulée en ce sens prochainement.
Le 7 septembre 2011, dans un entretien accordé au quotidien belge Le Soir, le ministre belge des Finances, Didier Reynders, a suggéré que le Benelux rejoigne cette initiative franco-allemande qui apparaît à ses yeux comme "la principale mesure décidée par le président Sarkozy et la chancelière Merkel à la mi-août".
"C'est peut-être sur ce sujet que l'on attend le plus du couple franco-allemand", expliquait Didier Reynders au journaliste Pierre-Henri Thomas, lançant, non sans un certain enthousiasme : "Pourquoi le Benelux ne rejoindrait-il pas cette initiative ? Si cinq des six pays fondateurs de l'Union européenne réussissent à harmoniser l'impôt des sociétés, ce serait quelque chose!".
Dans son édition du 8 septembre 2011, le Luxemburger Wort s’enquiert auprès du ministre luxembourgeois des Finances de son point de vue sur une telle perspective. S’il salue, sur le principe, l’idée d’une harmonisation de la taxation des entreprises, qui serait selon lui "la conséquence logique du marché intérieur", Luc Frieden ne voit cependant pas d’un bon œil une initiative de cinq Etats membres.
L’harmonisation de l’impôt sur les sociétés ne saurait en effet être discutée qu’à 27 pour le ministre luxembourgeois. Il s’agit là de discuter de la hauteur de l’impôt ou encore de sa base de calcul, autant de points sur lesquels les règles diffèrent beaucoup d’un Etat à l’autre, ce qui implique, selon Luc Frieden, de longues discussions.
Dans un entretien accordé à Nico Graf diffusé sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg le 8 septembre 2011, Luc Frieden précise que ces différences portent sur l’assiette, mais aussi sur les régimes spéciaux qui existent notamment en Belgique, où existent des "centres de coordination" ou encore la notion d’intérêts notionnels, ou aux Pays Bas. D’ailleurs, les choses ne seront pas aisées non plus entre l’Allemagne et la France, commente le ministre, l’impôt français étant plus élevé que celui prélevé en Allemagne. Le ministre ne perd pas de vue non plus que les pays qui ont rejoint l’UE en 2004 pratiquent notamment un taux d’imposition relativement bas.
Dans le Luxemburger Wort, le ministre luxembourgeois met en garde contre une "harmonisation à la hausse", sa crainte étant qu’elle puisse provoquer des délocalisations dans la mesure où le taux d’imposition est souvent un argument de poids dans le choix de l’implantation d’une société. Sur les ondes de RTL, il précise que, si l’harmonisation ne peut se faire simplement à la hausse, elle doit se faire à un niveau suffisant pour continuer à rendre possible le développement économique de l’UE.
Du point de vue du Luxembourg, il convient dans un premier temps de trouver une définition commune de ce qui doit être imposé, et, dans un deuxième temps, de ne pas perdre de vue qu’un "paysage fiscal attractif est nécessaire pour le développement économique de l’Europe". En cas d’harmonisation, ce sera un point sensible pour les pays qui pratique une fiscalité élevée sur les entreprises, prévient Luc Frieden. Le Luxembourg se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, mais à long terme, prévoit le ministre, il faudra veiller à soutenir les entreprises qui investissent, afin qu’elles ne paient pas trop d’impôts de plus que leurs concurrentes étrangères.
En bref, c’est un "travail de titan" qui s’annonce, mais, juge Luc Frieden, "l’objectif fait sens".
Plusieurs parlementaires écologistes du Benelux ont pour leur part saisi la balle au bond en lançant un appel à rejoindre l’initiative franco-allemande. Le député François Bausch (Déi Gréng) et l’eurodéputé Claude Turmes (Verts-ALE) ont ainsi joint leurs voix à celles des députés européens Bas Eickhout, Philippe Lamberts et Bart Staes pour plaider pour l'adhésion des pays du Benelux à une initiative qui marque selon eux "un point de rupture par rapport à la rhétorique actuelle exclusivement centrée sur la réduction des dépenses publiques".
"La mise en œuvre d'une telle proposition constituerait une avancée majeure vers l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés au sein de l'UE", estiment les parlementaires verts. "Nous serions ainsi de la partie dès le début quand il va s’agir de créer une Europe qui mise plus sur la justice sociale", argue ainsi Claude Turmes.
Pour François Bausch, "la concurrence fiscale au sein de l’UE est à l’origine de pertes de revenus importantes pour les Etats européens", des ressources dont le manque se fait tout particulièrement sentir en période d’assainissement budgétaire quand il faudrait investir dans la formation et dans les politiques sociales. Le député luxembourgeois dénonce tout particulièrement une concurrence fiscale qui a pour conséquence une distorsion de la concurrence entre les grandes entreprises internationales et les PME actives au niveau local, les premières profitant pleinement des différences nationales de fiscalité.
"La seule manière d'enrayer ce dumping fiscal scandaleux est d'introduire une assiette fiscale commune consolidée obligatoire, d'abord au sein d'un groupe de pays, et le plus rapidement possible dans toute l'UE", plaident les parlementaires dans leur appel qui estime qu’un taux harmonisé tel que suggéré par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, ou au moins un taux commun minimum de 25 %, assurerait un niveau suffisant de solidarité entre le secteur privé et les citoyens européens.