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Economie, finances et monnaie
Dans un entretien à la Börsen-Zeitung, Yves Mersch plaide pour un renforcement des instruments préventifs par le biais d’une modification des traités
27-09-2011


Dans un entretien accordé aux journalistes Stephan Balling et Angela Wefers paru dans l’édition de la Börsen-Zeitung datée du 27 septembre 2011, Yves Mersch fait le point sur la www.boersen-zeitung.desituation économique en Europe.

L’Europe dispose des ressources économiques nécessaires pour résoudre elle-même ses politiques, selon la président de la BCL. Mais, regrette-t-il, "la politique hésite malheureusement à utiliser ces ressources". Ce qui conduit à des incertitudes sur les marchés.

Selon l’analyse d’Yves Mersch, nous faisons donc face à une "crise de la crédibilité" car l’Europe manque selon lui de "direction politique". Selon lui, pour envoyer un signal positif au marché, il conviendrait de mettre en œuvre les décisions prises le 21 juillet 2011, ce qui pourrait être fait d’ici deux à trois semaines du point du banquier central luxembourgeois.

"Nous devons renforcer les instruments préventifs", plaide Yves Mersch qui juge nécessaire pour ce faire une modification des traités

Invité à comparer la situation européenne avec celle des Etats-Unis, Yves Mersch souligne en premier lieu que plusieurs pays de la zone euro ont mis en œuvre des réformes structurelles et décidé de plans d’austérité que l’on aurait jugé impossibles à cette échelle un an auparavant. En second lieu, le président de la BCL pointe une situation initiale bien meilleure dans une série de pays européens qu’aux Etats-Unis.

Yves Mersch constate ensuite une prise de conscience en Europe de la nécessité d’aller, à moyen terme, au-delà des traités existant. "Nous devons renforcer les instruments préventifs", plaide Yves Mersch qui juge nécessaire pour ce faire une modification des traités. "Malheureusement, la politique part en Europe du principe qu’elle n’obtiendra pas la majorité de la population pour de telles réformes", déplore Yves Mersch qui voit là une source d’incertitudes pour les marchés. S’il reconnaît qu’une modification des traités prendra du temps, Yves Mersch plaide pour qu’on en fixe dès maintenant le calendrier.

Yves Mersch défend la politique d’achat d’obligations de la BCE qui est vivement attaquée par les journalistes, lesquels se font l’écho de critiques émises notamment en Allemagne. S’il explique que ce n’est pas de gaieté de cœur que la décision a été prise, Yves Mersch insiste sur le fait que ces mesures sont temporaires et ont des objectifs qui relèvent de la politique monétaire. "Nous sommes tous d’accord sur le fait que nous agissons à une frontière et que ce mode de crise n’est pas durable", reconnaît Yves Mersch.

Pour autant, le banquier central luxembourgeois se demande si la position allemande évoquée par les journalistes, qui consiste à dire "nous portons le risque et les autres décident de ce qu’on achète", est "adaptée dans une communauté de destin". "Si l’on constate dans une crise qu’il y a un vide institutionnel, on peut soit sombrer glorieusement avec ses principes, soit tenter de sauver le navire en rejoignant la rive", explique Yves Mersch qui souligne par ailleurs que les achats sont supportables pour le total du bilan de la BCE, même si bien sûr, précise-t-il, ils ne sauraient être poursuivis sans limite.

Le "vide institutionnel" évoqué par Yves Mersch devrait être comblé par la possibilité pour l’EFSF d’acheter des obligations sur le marché secondaire, commentent les journalistes qui se demandent quel devrait être le volume de ce fonds pour qu’ils puissent stabiliser de façon crédible le marché obligataire par ses interventions. "Il ne saurait jamais être assez haut pour contrer l’imagination débridée des oiseaux de malheur", leur répond le président de la BCL qui fait remarquer que les plus pessimistes ne sont pas loin de croire que l’Allemagne sera en défaut de paiement si elle doit assumer les responsabilités liées au plan de sauvetage de l’euro. Des calculs qu’Yves Mersch juge pleinement exagérées et sans lien aucun avec la réalité.

Pour Yves Mersch, la vision du FMI concernant la nécessité d’une recapitalisation des banques européennes est liée à l’influence qu’a sur le fonds l’emplacement géographique de son siège. On transpose à l’Europe des modèles de pensée américains, ce qui, selon le président de la BCL, n’a pas lieu d’être. Il souligne ainsi les différences qui existent en matière de surveillance, les règles de Bâle II ayant été mises en œuvre différemment en Europe et aux Etats-Unis. Yves Mersch pointe aussi les règles différentes prévalant en matière de bilan.

Selon Yves Mersch, les calculs du FMI se concentrent sur un nombre limité de pays problématiques, et ils ne tiennent pas compte du fait que les obligations provenant d’autres pays tireraient profit d’une accentuation de la crise dans la mesure où les investisseurs iraient se réfugier dans des valeurs plus sûres. "Ces profits potentiels doivent être confrontés aux possibles pertes", juge Yves Mersch. Par ailleurs, à ses yeux, les calculs du FMI devraient tenir compte du cours des obligations, et non des CDS, ce qui concorderait avec les pratiques comptables d’usage. Ensuite, déplore Yves Mersch, le fait que ces calculs ne sont en rien un test de résistance, mais des risques potentiels de contagion dont les valeurs ne sauraient correspondre à un besoin complémentaire de recapitalisation des banques, n’a pas été clairement mis en évidence.

"Les débats autour de la taxe sur les transactions financières ont des motivations populistes"

Certes, les tests de résistance de l’EBA, l'Autorité bancaire européenne, ont démontré un certain manque de ressources propres dans le système bancaire, et il faut y remédier, convient Yves Mersch qui estime que les banques peuvent y parvenir en thésaurisant leurs gains. Mais, prévient-il, "cela ne se passera ainsi que si la politique n’accable pas le système financier de nouvelles charges à courte vue qui servent surtout à gagner des électeurs". Les journalistes devinent que le banquier central évoque là l’idée d’une taxe sur les transactions financières, ce que confirme Yves Mersch. "Les débats autour de cet instrument ont des motivations populistes", déplore le président de la BCL pour qui une taxe sur les transactions financières va juste conduire à déplacer les transactions dans d’autres régions du monde.

Pour ce qui est de la stratégie à adopter face à la crise, Yves Mersch plaide pour que l’on tienne la barre et que l’on s’en tienne à la discipline budgétaire que nous nous sommes prescrite. "Ce n’est qu’ainsi que nous nous créons de la confiance", juge en effet le président de la BCL.

Interrogé sur l’évolution prochaine du taux directeur de la BCE, Yves Mersch note que la dynamique de l’économie connaît actuellement une baisse sensible. Mais, ajoute-t-il, celle-ci avait été prévue par la BCE, les prévisions du FMI, de l’OCDE et de la Commission étant actuellement revues pour rejoindre celles qu’avaient faites la BCE. "Ce développement économique n’a rien d’inhabituel", explique le banquier central : "Après une récession profonde comme en 2009, il y a toujours une reprise rapide des performances économiques, qui a ensuite tendance à céder pour retrouver enfin la tendance de la croissance à long terme". En d’autres termes, pour Yves Mersch, la probabilité que la zone euro ne retombe dans la récession est très limitée.

Quant au taux directeur, Yves Mersch estime qu’à moyen terme, des hausses de taux sont nécessaires, car nous ne sommes pas actuellement pas à un niveau normal. Pourtant, le banquier central n’exclut pas non plus totalement des baisses de taux. "Si, contrairement aux données actuelles, on devait en arriver à une dégradation nette de la dynamique économique dans la zone euro, nous avons une marge de manœuvre", conclut Yves Mersch.