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Economie, finances et monnaie
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro trouvent un accord pour "offrir une solution au problème de la dette grecque" et pour stopper la contagion
21-07-2011


La situation de la Grèce continuant d’être préoccupante et les discussions encore en cours parmi les partenaires de la zone euro étant de plus en plus pressenties comme une forme d’indécision sur les marchés, le président du ConseilHerman Van Rompuy présentant à la presse les conclusions du sommet extraodinaire des chefs d'Etat et de gouvernement le 21 juillet 2011 (c) Le Conseil de l'UE européen, Herman Van Rompuy, avait décidé de convoquer, par un courrier adressé aux chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro daté du 15 juillet 2011, un sommet extraordinaire consacré à la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et au financement du deuxième plan d’aide à la Grèce.

La veille, le président français Nicolas Sarkozy s’était rendu à Berlin pour y rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel. Au terme de longues discussions, ils étaient arrivés à un projet d’accord qui devait servir de base de discussions avec leurs pairs. Mais ils n’avaient pas donné d’indication sur le contenu de leur compromis, seuls quelques éléments ayant filtré dans les agences de presse alors que commençait déjà le sommet du 21 juillet.

Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde et Angela Merkel en discussion dans les couloirs du Consiel le 21 juillet 2011 (c) le Conseil de l'UELa directrice du FMI, Christine Lagarde et le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, étaient eux aussi présents à ce sommet auxquels étaient associés aussi les représentants de grandes banques privées.

"J’ai convoqué ce sommet parce que la situation est vraiment grave", expliquait Herman Van Rompuy pour qui les problèmes auxquels fait face la zone euro ne pouvaient être résolus qu’au plus haut niveau. "Il nous fallait agir vite", lançait-il encore, avouant qu’il ne "pouvait pas permettre qu’une situation difficile ne devienne dangereuse".

"D’une série de crises de la dette nationale, la situation était en train d’évoluer en un problème systémique menaçant la stabilité de la zone euro dans son ensemble", constatait le président du Conseil européen qui entendait donc "contenir cette menace" pour éviter "une sérieuse perte de confiance" dans la monnaie unique qui aurait pu selon lui "compromettre la reprise économique en Europe et dans le monde".

L’objectif était d’agir sur deux facteurs : d’une part la crainte des investisseurs que les créanciers de la Grèce, et même d’autres pays, ne se voient imposer sur une base non volontaire des pertes, et d’autre part l’incertitude des marchés quant à la capacité de la zone euro à résoudre la crise.

Jean-Claude Juncker à son arrivée au sommet le 21 juillet 2011 (c) Le Conseil de l'UEAu terme de dix longues heures de discussions, Herman Van Rompuy a pu annoncer un accord qui permettrait d’améliorer la soutenabilité de la dette grecque, de limiter le risque de contagion et d’améliorer la gestion de crise dans la zone euro.

Un accord salué par le Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker comme "une solution globale", articulée de façon à ne pas avoir à lui ajouter d’ici deux semaines une nouvelle solution partielle. "Nous avons besoin d’une solution globale, les gens ont besoin d’une solution globale et les marchés financiers aussi", a-t-il insisté devant les caméras de RTL Télé Lëtzebuerg.

"Nous offrons une solution au problème de la dette grecque"

"En premier lieu, nous offrons une solution au problème de la dette grecque", a expliqué le président du Conseil européen. Une solution qui a pour conséquence aux yeux de Jean-Claude Juncker que "la Grèce a considérablement plus de chances de réussir à rembourser sa dette".

Cette solution prend la forme d’un accord sur un nouveau programme d’aide qui permettra de couvrir intégralement le déficit de financement et qui sera co-financé par l’UE et par le FMI, avec une contribution volontaire du secteur privé. Le financement public total s'élèvera à un montant estimé à 109 milliards d'euros.

Georges Papndréou, Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso à l'issue du sommet du 21 juillet 2011 (c) Le Conseil de l'UE"Ce programme visera, notamment grâce à une réduction des taux d'intérêt et à un allongement des délais de remboursement, à ramener l'endettement à un niveau bien plus supportable et à améliorer le profil de refinancement de la Grèce", précisent les conclusions du sommet qui indiquent l’intention des chefs d’Etat et de gouvernement "d'utiliser l’EFSF en tant qu'instrument de financement pour le prochain décaissement".

Comme pour les aides financières accordées depuis le printemps 2010, la mise en œuvre rigoureuse du programme sera suivie sur la base d'une évaluation régulière effectuée par la Commission en liaison avec la BCE et le FMI.

La participation du secteur privé, une contribution exceptionnelle qui se fait sur une base volontaire

Le secteur financier a indiqué, par le biais de l’Institute of International Finance (IIF), "la seule association mondiale des institutions financières" créée en 1983, comme elle le dit elle-même, "pour répondre à la crise des dettes financières", qu'il était prêt à soutenir la Grèce sur une base volontaire en recourant à différentes possibilités permettant de renforcer encore la viabilité globale.

Une participation "exceptionnelle" qui ne s’appliquera qu’à la Grèce, ainsi que ne manquent pas de le souligner très explicitement les conclusions du sommet.

Les conclusions du sommet de la zone euro parlent d’une "contribution nette du secteur privé (…) estimée à 37 milliards d'euros". Le secteur privé le formule de manière un peu différente dans son offre financière à la Grèce. Il veut mobiliser 90 % des créanciers et arriver à mobiliser ainsi 54 milliards pour la Grèce entre la mi-2011 et la mi-2014, et un total de 135 milliards entre la mi-2011 et la mi-2020 sur deux volets : l’échange de la dette et le rachat de la dette.

Les créanciers privés espèrent par ces mesures allonger les maturités des obligations détenues par le privé "de 6 à 11 ans en moyenne" et, arriver, conjointement avec le soutien des partenaires publics d'Athènes, obtenir "une réduction manifeste du niveau de la dette de la Grèce par rapport au PIB". Ils parlent de 13,5 milliards à travers le programme d’échange et de "potentiellement bien plus à travers le programme de rachat".

L’échange de dette

 L'IIF prévoit que les institutions financières concernées échangent leurs obligations grecques, dans des proportions égales (25 % à chaque fois), contre quatre "nouveaux instruments" :

  • un instrument à 30 ans à valeur faciale équivalente pour les détenteurs d'obligations non échues ;
  • un instrument à 30 ans à valeur faciale équivalente pour les détenteurs d'obligations parvenant à échéance ;
  • un instrument à 30 ans avec décote, garanti par des emprunts du Fonds de stabilité financière européen (EFSF) ;
  • un instrument à 15 ans avec décote, garanti par des emprunts de la Grèce à l'EFSF.

Les intérêts promis sont plus ou moins importants dans les quatre cas, par exemple pour les instruments à valeur faciale de 4 % pendant les cinq premières années, de 4,5 % pendant les cinq années qui suivent, et de 5 % pour les années 2011-2030. Le rapport moyen sera de 4,5 % pour les deux premiers instruments, de 6,4 % pour le troisième et de 5,9 % pour le dernier. Tous ces instruments impliquent une perte de 21 % pour les créanciers basée sur un rabais estimé à 9 %. Ces taux devraient "maximiser les avantages pour la Grèce au cours des premières années du programme au cours desquelles elle devrait de nouveau trouver accès aux marchés".

Le rachat de dette

L'IIF souhaite discuter ultérieurement avec Athènes et ses partenaires de la mise en place d'une Facilité de rachat de la dette grecque. Sa taille n'est pas encore déterminée.

Parmi les institutions financières qui soutiennent le plan, on trouve Allianz, BNP Paribas, AXA, Generali, Dexia, la Deutsche Bank, HSBC, la Société Générale, ING, Commerzbank, Intesa SanPaolo, Bayern LB, BBVA, tout un éventail de banques grecques, comme la National Bank of Greece, Eurobank EFG Group et Piraeus Bank, la Bank of Cyprus, la Hellenic Bank et la grande banque turque AK Bank, mais aussi le Credit Suisse ou la National Bank of Kuwait.

Les autres mesures proposées par les chefs d’Etat et de gouvernement pour soulager la Grèce

Autre mesure d’importance contenue dans l’accord, la décision d’allonger le délai de remboursement des futurs prêts consentis par l’EFSF à la Grèce en le portant des 7,5 années actuelles à un minimum de 15 ans et jusqu'à 30 ans avec un délai de grâce de 10 ans.

A cela s’ajoute le fait que les prêts qui seront accordés dans le cadre de l’EFSF le seront à des taux d'intérêt équivalents à ceux prévus par le mécanisme de soutien à la balance des paiements - environ 3,5 % actuellement - , des taux qui sont proches du coût de financement de l’EFSF, sans descendre en dessous.

Les chefs d’Etat et de gouvernement ont aussi décidé de "repousser sensiblement les échéances de la facilité existante mise en place pour la Grèce", ce qui s'accompagnera, précisent-ils, d'un mécanisme prévoyant des incitations appropriées en faveur de la mise en œuvre du programme.

Un allongement de prêt et une baisse des taux qui valent aussi pour l’Irlande et le Portugal

Désireux de montrer leur soutien déterminé aux pays qui bénéficient d’un programme d’aide, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé d’appliquer au Portugal et à la Grèce les taux et les délais de remboursement arrêtés pour la Grèce dans le cadre de l’EFSF.

L’Irlande s’engage en contrepartie à "participer de manière constructive aux discussions sur le projet de directive sur l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) et aux discussions structurées sur les questions de politique fiscale dans le cadre du Pacte pour l'euro plus".

Les chefs d’Etat et de gouvernement s’engagent à "relancer l’économie grecque"

Les chefs d’Etat et de gouvernement appellent par ailleurs de leurs vœux dans leurs conclusions "l'adoption d'une stratégie globale pour la croissance et l'investissement en Grèce". Ils saluent donc la décision de la Commission de créer un groupe de travail qui collaborera avec les autorités grecques pour canaliser les fonds structurels vers la compétitivité et la croissance, la création d'emplois et la formation.

Les chefs d’Etat et de gouvernement s’engagent par ailleurs à "mobiliser des fonds et des institutions de l'UE, comme la BEI, vers cet objectif" et à "relancer l'économie grecque". Toutes les ressources nécessaires pour apporter une assistance technique exceptionnelle en vue d'aider la Grèce à mettre en œuvre ses réformes seront donc mobilisées au plus tôt. 

Des mesures pour "stopper la contagion"

"Nous avons pris une série de mesures pour stopper la contagion", a encore indiqué Herman Van Rompuy. Jean-Claude Juncker a abondé dans son sens sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg sur lesquelles il a déclaré à l’issue du sommet que "les décisions que nous avons prises aujourd’hui freinent en soi l’effet de contagion pour d’autres pays de la zone euro".

C’est en améliorant l'efficacité de l’EFSF et du MES et en augmentant leur souplesse que comptent agir à cet effet les chefs d’Etat et de gouvernement.

Ainsi, ces deux instruments pourront, sous des conditions "appropriées", intervenir sur la base d'un programme établi à titre de précaution, financer la recapitalisation des établissements financiers par des prêts aux gouvernements, y compris dans les pays ne bénéficiant pas d'un programme et enfin intervenir sur les marchés secondaires sur la base d'une analyse de la BCE constatant l'existence d'une situation exceptionnelle sur les marchés financiers et de risques pour la stabilité financière et sur la base d'une décision prise d'un commun accord par les États participant à l’EFSF/MES, afin d'éviter la contagion.

Les procédures nécessaires pour la mise en œuvre de ces décisions seront mises en place "le plus rapidement possible", promettent-ils dans leurs conclusions avant de préciser, que, le cas échéant, "un contrat de garantie sera mis en place de façon à couvrir le risque résultant, pour les États membres de la zone euro, des garanties qu'ils auront fournies à l’EFSF".

"Nous avons décidé d’améliorer la gouvernance de la zone euro"

"Nous avons décidé d’améliorer la gouvernance de la zone euro", a encore indiqué Herman Van Rompuy, soucieux de démontrer la capacité des chefs d’Etat et de gouvernement présents à ce sommet de ne pas perdre de vue le long terme. Appelant à la mise au point rapide du paquet législatif sur le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance et sur la nouvelle surveillance macroéconomique, qui est en cours de négociations avec le Parlement européen, ces derniers s’engagent à mettre en place, d'ici la fin 2012, des cadres budgétaires nationaux, comme prévu dans la directive relative aux cadres budgétaires.

Le président du Conseil européen, le président de la Commission et le président de l’Eurogroupe sont par ailleurs invités à plancher d’ici le mois d’octobre sur des propositions concrètes sur la manière d'améliorer les méthodes de travail et de renforcer la gestion des crises dans la zone euro.

Mais, faisant suite aux vives critiques adressées aux agences de notation de toutes parts, les chefs d’Etat et de gouvernement insistent aussi sur la nécessité de "réduire la dépendance à l'égard des notations de crédit externes dans le cadre réglementaire de l'UE". Les propositions que la Commission européenne doit mettre sur la table à l’automne en la matière sont donc attendues avec le plus grand intérêt.