Principaux portails publics  |     | 

Entreprises et industrie - Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
Conférence CCL : Daniel Ruppert, du Ministère de la Justice, explique les changements que va apporter la directive 2011/7/UE
25-10-2011


Daniel RuppertL’annonce de la soumission d’un avant projet de loi concernant la transposition de la directive 2011 au Conseil du Gouvernement luxembourgeois a été faite par Daniel Ruppert, conseiller de direction au Ministère de la Justice.

La loi du 18 avril 2004

Néanmoins pour revenir à l’état actuelle de la situation, le conseiller du Ministère de la Justice a fixé comme point de départ de toute la réglementation luxembourgeoise, actuellement applicable, la loi du 18 avril 2004 relative aux délais de paiement et aux intérêts de retard. Avant cette loi, le régime commun du taux d’intérêt légal  couvrait toutes les hypothèses et donc les retards et délais de paiement.

La loi de 2004 a fait la distinction entre le taux applicable aux transactions commerciales -entreprises entre elles ou dans leurs relations avec l’autorité publique - et le taux d’intérêt légal qui couvre tout le champ d’application qui n’est pas couvert pas la loi.

Le champ d’application de la loi de 2004 vise les entreprises au sens large – commerçants, professions libérales, artisans, etc.- et les transactions commerciales au sens large – transactions entre entreprises et entre entreprises et autorité publique.

Principes fixés par la loi de 2004

Auparavant, les intérêts des retards de paiement ne commençaient à courir qu’après une sommation formelle de la part du créancier. Avec la loi de 2004,  l’intérêt commence à courir de plein droit dès le jour de la date limite fixée par le contrat ou à défaut 30 jours au maximum. Aucune démarche n’est nécessaire comme l’explique Daniel Ruppert.

Un critère alternatif tel que le délai de livraison vient remplacer le critère précédent si celui n’est pas satisfaisant, jusqu’au moment où il est possible de déterminer une date exacte à partir de laquelle on peut faire le calcul.

Le taux d’intérêts

Daniel Ruppert a ensuite parlé du taux d’intérêt qui est constitué par une double composante. D’un coté le taux de la Banque centrale européenne qui est appliqué deux fois par an (actuellement 1,5 %). Ensuite une marge de 7 % est rajoutée, sauf si une clause contraire est prévue par le contrat. Ce taux a une "dimension punitive" car le retard peut entraîner des disfonctionnements graves et cela explique ainsi le rajout de la majoration de 7 % selon Daniel Ruppert. Dans le cas d’une transaction non-commerciale, le taux d’intérêt légal applicable en 2011 est de 3,5 % au Luxembourg.

Pour assurer l’effectivité des dispositions, il ne faut pas oublier que le débiteur est en position de force et peut de ce fait imposer les clauses contractuelles. La directive et la loi de 2004 prévoient l’instauration de mécanismes protecteurs – qui permettent "de remettre en cause des clauses contractuelles qui seraient manifestement abusives"- du fournisseur et donc du créancier.

L’action en cessation

La loi de 2004 a prévu l’ "action en cessation" (article 6 de la loi de 2004) en procédure comme en matière de référé ( procédure rapide) devant le président du tribunal de commerce qui permet au créancier de rendre des clauses contractuelles abusives ineffectives. Le juge peut substituer les dispositions de la directive lorsqu’il considère qu’une clause est manifestement abusive.

Frais de recouvrement

Pour les frais de recouvrement, la loi de 2004 a prévu un dédommagement pour des frais de recouvrement non compris dans les dépens. Cette disposition a été dans la pratique, assez limitée car les montants été très faible et qui ne correspondaient pas aux frais réels.

L’impact de la directive 2011/7/UE

Pour Daniel Ruppert, cette directive est plus une évolution qu’une révolution.

La nouveauté se situe dans les délais de paiement fixés dans les contrats à maximum 60 jours pour toutes les transactions concernées par la directive.

Avant cette directive, la limite de 30 jours s’appliquait seulement par défaut et aucun seuil maximum n’avait été fixé.

Une porte de sortie existe pour les situations exceptionnelles. Une exception contractuelle est possible mais seulement s’il y a un abus manifeste à l’égard du créancier.

En ce qui concerne les entités publiques, Daniel Ruppert rapporte que celles-ci sont encadrées par le même principe que les entreprises privées, c'est-à-dire un délai de 30 jours maximum qui est extensible à 60 jours maximum, mais cela doit être justifié par la nature particulière de certains éléments :

  • dans le cas où les autorités exercent des activités à caractère industriel et commercial qui consistent à fournir des marchandises et des services ;
  • si les autorités dispensent des soins où des activités dans le domaine de la santé.

Tout comme pour les entreprises privées, le montant forfaitaire est de 40 euros minimum pour les dédommagements des frais de recouvrement non prévus dans les dépens. La possibilité existe aussi de recouvrir les frais effectivement engagés  pour le suivi du paiement mais ceux-ci doivent être des frais raisonnables (avocats et autres). Les intérêts restent dus et le taux passe à 8 %.

Les actions en cessation retouchées

Pour les actions en cessation, le principe reste le même, même si quelques retouches sont apportées selon le Conseiller du Ministère de la Justice.

L’action en cessation couvre, contrairement à la loi de 2004, aussi les clauses contractuelles abusives qui affectent l’indemnisation des frais de recouvrement.

Deux présomptions sont instaurées par la directive :

  • la première est irréfragable et sous-entend que "toute clause qui exclue les intérêts de retard de paiement est considérée comme abusive" ;
  • la deuxième présomption réfragable est celle, qui dit qu’est manifestement abusive, une clause qui prévoit l’exclusion des clauses d’indemnisation des frais de recouvrement.

La charge de la preuve est renversée selon Daniel Ruppert et c’est au créancier de prouver en quoi la clause qu’il inclut au contrat n’est pas abusive.

Un dernier aspect particulier qu’évoque le conseiller du Ministère des la Justice, est la clause de réserve de propriété qui existait déjà dans la directive de 2000 et a été reprise par la directive de 2011. Cette clause existe déjà en droit luxembourgeois à l’article 567-1 du Code de commerce et permet au créancier de se réserver la propriété de la chose qu’il livre tant que le paiement n’a pas été effectué. Les clauses de réserve de propriété sont opposables en cas de faillite. Selon Daniel Ruppert, ce statut quo est intéressant à relever car il offre une protection accrue du créancier.

Réactions du public

À la suite de l’intervention dr Daniel Ruppert, certaines personnes dans l’audience ont soulevé des problèmes pratiques.

Un intervenant parmi l’audience a affirmé que certains juges luxembourgeois refusaient d’appliquer la loi de 2004.

Une autre personne a évoqué les réticences, dans certaines situations, des entreprises d’accéder à la justice car les intérêts - qui en plus sont augmentés par la directives de 2011 -peuvent forcer les personnes qui ne paient pas pour des raisons valables à renoncer à une action en justice, de peur de devoir payer par après des intérêts trop élevés.