Elise Poillot, professeur à l’Université du Luxembourg, qui s’est considérée comme un agent provocateur lors de la conférence dans "un début de réflexion", se dit favorable à une conciliation de la protection des consommateurs et de la protection de l’environnement par la voie de la consommation durable plutôt que par la voie de la dé-consommation.
Elle a introduit le terme d’éco-responsabilité pour les consommateurs, qui, de par leur activité de consommation, seraient responsables des nuisances envers l’environnement. La définition de la consommation est à ses yeux "la destruction d’une chose en utilisant sa substance". Elle a posé la question de savoir s’il fallait protéger les consommateurs qui sont à l’origine de la destruction de l’environnement.
Selon Elise Poillot, deux politiques sont applicables afin de lutter contre la destruction de l’environnement. Dans un premier temps, on peut opposer la protection du consommateur et la protection de l’environnement. Cela se traduira par une politique de dé-consommation. Ou alors on essaiera de concilier les deux matières pour aller vers une politique d’éco-consommation
Celle-ci peut se traduire de 2 façons différentes :
La politique de dé-consommation n’est pas réaliste et n’est pas un "bon scénario", selon Elise Poillot. Pour le professeur de l’Université du Luxembourg, la voie de la conciliation entre ces deux approches est nécessairement la bonne, mais la question se pose de savoir comment aborder cette conciliation en droit.
Pour Elise Poillot, les politiques d’éco-consommation existent déjà au niveau européen et au niveau national du fait de la prise de conscience générale du fait que la protection de l’environnement est une chose nécessaire.
La fondamentalisation de la protection de l’environnement a été évoquée par Elise Poillot. Elle souligne l’élévation juridique de cette protection par rapport au droit de la consommation, et se réfère aux traités (Article 11 TFUE et article 37 de la Charte européenne des droits fondamentaux) et à un certain nombre de constitutions nationales (par exemple l’article 11 bis dans la Constitution luxembourgeoise). Dans ces textes, le droit de la consommation ne jouit pas du même statut.
Lorsqu’on regarde les textes au niveau européen et national, la conciliation des deux matières est "limitativement traduite" aux yeux de d’Elise Poillot.
L’éco-consommation se retrouve donc essentiellement dans des labels tels que les Ecolabels ou bien le label des produits issus de l’agriculture biologique. Dans une prise de position personnelle, Elise Poillot pense que les labels ont une "porté relativement limitée" car il y a sur le marché une "floraison d’appellations officieuses qui nuisent à la visibilité de ces labels" et qui peut provoquer confusion et erreurs chez le consommateur. Il existe aussi des textes à "contenu normatif vague" qui sont des sortes de déclarations de principes (au Luxembourg la loi du 24 juin 2004) qui n’ont néanmoins aucun grand impact en ce qui concerne la conciliation des deux matières, pense Elise Poillot.
Ce type de conciliation n’est donc pas suffisant, et le professeur de l’Université du Luxembourg propose une série de techniques juridiques de mise en œuvre afin de mener une politique d’éco-consommation.
Ses solutions pratiques sont au nombre de trois et permettraient d’amener la conciliation sur le terrain de la "protection économique des consommateurs" :
Le consommateur recevrait une information sur ce que les professionnels "ne font pas" au lieu de savoir ce qu’ils font. Il s’agirait de donner à l’information une dimension négative (ex : Produit issu de l’agriculture intensive).
Le non-respect de cette obligation d’information négative ou la non-conformité du bien par rapport aux attentes des consommateurs pourrait entraîner des sanctions pénales (même si l’UE n’a pas de compétences en matière pénale, des solutions peuvent être trouvées) ou une résiliation.
Des techniques juridiques doivent appuyer cette obligation. La prise en compte de l’omission de l’obligation d’information de l’origine du produit comme une pratique commerciale déloyale serait une possibilité. En effet, ces pratiques déloyales font déjà l’objet d’une directive européenne d’harmonisation maximale dans l’UE. Mais les sanctions dépendent des Etats membres. Le fait d’omettre l’obligation d’information de l’origine du produit pourrait matérialiser une pratique commerciale déloyale.
Il faudrait aussi renforcer les actions de groupe dans l’intérêt collectif du consommateur afin de promouvoir la protection de l’environnement et la protection du consommateur. Cette pratique existe déjà dans les actes de cessation, mais devrait être développée.
Pour Elise Poillot, les personnes qui doivent mettre en œuvre ces techniques sont les praticiens dans le domaine de ces sanctions (au Luxembourg, le Ministère de l’Economie) ou des acteurs judiciaires (juristes, juridictions nationales ou CJUE).
Ceux-ci devraient bénéficier d’une extension (par exemple passer de 2 à 5 années de garantie) afin d’éviter l’obsolescence programmée des produits.
Pour conclure, Elise Poillot a proposé une action qui se traduirait par l’extension de l’application du droit à la protection des consommateurs à certains acteurs du développement durable. Il s’agirait de permettre à certaines personnes morales ou à des coopératives de consommateurs de bénéficier de la protection des consommateurs afin de créer une action de groupe.