En dépit du succès du marché unique de l’UE, il subsiste des entraves au commerce transfrontière. Bon nombre d'entre elles résultent des divergences entre les législations sur la vente en vigueur dans les 27 États membres. Elles compliquent les ventes à l’étranger et en augmentent le coût, notamment pour les petites entreprises. Les professionnels dissuadés d'effectuer des transactions transfrontières en raison des obstacles engendrés par le droit des contrats renoncent chaque année à un volume d'échanges intra-UE équivalant à 26 milliards d’euros au moins. En attendant, 500 millions de consommateurs européens sont privés d’un plus large choix et de prix plus avantageux en raison du nombre restreint de sociétés présentant des offres transfrontières, notamment sur les marchés nationaux de plus petite taille.
C’est en partant de ce constat que la Commission européenne a proposé, le 11 octobre 2011, d'instituer un droit commun européen de la vente à caractère facultatif, qui contribuera à éliminer ces barrières tout en assurant aux consommateurs un choix plus vaste et un niveau de protection élevé.
Ce droit commun facilitera les échanges en offrant un ensemble unique de dispositions applicables aux contrats transfrontières dans l'ensemble des 27 pays de l'UE. Si des professionnels proposent leurs produits conformément au droit commun européen de la vente, les consommateurs auront la possibilité de choisir, en un clic de souris, un contrat européen facile d'utilisation leur offrant un niveau de protection élevé. La proposition de la Commission doit à présent être approuvée par les États membres de l'UE et le Parlement européen, qui a déjà exprimé son soutien à une écrasante majorité lors d'un vote intervenu le 8 juin 2011.
"Au lieu d'écarter les législations nationales, la Commission européenne adopte aujourd'hui une approche innovante fondée sur le libre choix, la subsidiarité et la concurrence", a déclaré Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et commissaire chargée de la Justice.
Une façon selon elle d’assurer "un meilleur fonctionnement du marché intérieur en éliminant les barrières aux transactions transfrontalières tant pour les entreprises que pour les consommateurs", ainsi qu’elle l’a expliqué dans un message vidéo adressé au public de la 4e Conférence sur le droit européen de la consommation qui s’est tenue à Luxembourg le 11 octobre 2011.
Mise en place d'un seul régime commun de droit des contrats (à caractère facultatif cependant) qui est identique pour l'ensemble des 27 États membres, de sorte que les professionnels ne doivent plus se débattre contre les incertitudes que crée la nécessité d'avoir affaire à de multiples régimes de contrat nationaux ; selon un sondage Eurobaromètre publié le même jour, 71 % des entreprises européennes ont déclaré que, si elles pouvaient choisir, elles recourraient à un droit des contrats européen unique pour toutes les ventes transfrontières aux consommateurs d'autres pays de l'UE.
Réduction des coûts de transaction pour les entreprises qui souhaitent faire du commerce transfrontière: actuellement, les entreprises désireuses d'effectuer des transactions transfrontières doivent s'adapter à un maximum de 26 droits des contrats nationaux différents, les traduire et faire appel à des avocats, ce qui représente un coût moyen de 10 000 euros par marché d'exportation supplémentaire.
Aide aux petites et moyennes entreprises (PME) dans la conquête de nouveaux marchés : à l'heure actuelle, seulement 9,3 % des entreprises de l'UE réalisent des ventes transfrontières; par conséquent, les autres entreprises se privent d'au moins 26 milliards d'euros par an.
Garantie du même niveau élevé de protection des consommateurs dans tous les États membres : les consommateurs pourront se fier au gage de qualité que constitue le droit commun européen de la vente. Celui-ci leur permettra, par exemple, de choisir librement leur moyen d'action s'ils ont acheté un produit défectueux, même plusieurs mois après l'achat. Ainsi, le consommateur pourrait mettre fin au contrat, demander le remplacement ou la réparation du bien ou une réduction de son prix. Actuellement, le libre choix du moyen d'action n'existe que dans cinq pays de l'UE (France, Grèce, Lituanie, Luxembourg et Portugal).
Offre d'un plus large choix de produits à des prix plus bas : à l'heure actuelle, les consommateurs qui cherchent activement de meilleures offres à l'échelle de l'UE, notamment en ligne, se voient souvent refuser la vente ou la livraison par le professionnel consulté. Au moins trois millions de consommateurs en ont fait l'expérience sur une période d'un an.
Certitude sur la teneur des droits des consommateurs lors de transactions transfrontière: 44 % des consommateurs déclarent que l'incertitude entourant les droits dont ils disposent les dissuade d'acheter dans d'autres pays de l'UE.
Augmentation de la transparence et de la confiance des consommateurs : les consommateurs seront toujours clairement informés et devront consentir à faire usage d'un contrat régi par le droit commun européen de la vente. En outre, une note d'information expliquera clairement, dans leur langue, les droits dont ils disposent.
Les contrats sont essentiels à la vie des entreprises et à l'activité de vente aux consommateurs. Ils formalisent un accord entre des parties et peuvent avoir les objets les plus divers, dont la vente de biens et de services associés, tels que la réparation et l'entretien.
Lorsqu'elles exercent leurs activités sur le marché unique européen, les entreprises font usage d'une grande variété de contrats régis par des législations nationales différentes en la matière. La coexistence de 27 corps différents de règles nationales peut entraîner des coûts de transaction supplémentaires, un défaut de sécurité juridique pour les entreprises et un manque de confiance chez les consommateurs. Ces inconvénients peuvent dissuader tant les consommateurs que les entreprises, respectivement, d'effectuer des achats et d'exercer des activités commerciales dans un contexte transfrontières. L'augmentation des coûts de transaction pèse surtout sur les petites et moyennes entreprises.
On est très loin du marché intérieur des États-Unis, où un commerçant du Maryland peut aisément vendre ses produits à un consommateur installé en Alaska.
Dans le cadre de sa stratégie Europe 2020, la Commission s’emploie à supprimer les entraves au marché unique, afin de stimuler la reprise économique. Cette stratégie consiste notamment à avancer sur la voie d’un droit européen des contrats.
En juillet 2010, la Commission a présenté, dans un Livre vert, plusieurs options en vue de rendre le droit des contrats plus cohérent. La Commission a ensuite organisé une consultation publique qui a pris fin le 31 janvier 2011 et qui a permis de recueillir 320 réponses.
Le 3 mai 2011, un groupe d'experts créé par la Commission a remis une étude de faisabilité d'une future initiative en matière de droit européen des contrats. Au cours de cette étude, la Commission a consulté parties prenantes et citoyens et a reçu 120 réponses.
Le 8 juin 2011, le Parlement européen a apporté son soutien à un droit européen des contrats à caractère facultatif lors d'un vote en session plénière sur un rapport d'initiative élaboré par l’eurodéputée Diana Wallis.
Jeannot Krecké, ministre luxembourgeois de l’Economie, s’est exprimé le 11 octobre 2011 suite au message vidéo de Viviane Reding, lors de la 4e Conférence sur le droit européen des consommateurs. Appelant notamment à "cimenter la confiance du consommateur", le ministre a salué la proposition de règlement faite par la Commission.
S’il n’avait pas encore connaissance alors des détails du texte adopté le même jour par la Commission, Jeannot Krecké a raconté avoir plaidé des années durant auprès de la Commission pour expliquer que l’organisation actuelle du droit des contrats, qui offre une protection du consommateur au niveau national, conduit finalement à ce qu’il y ait "27 mini-marchés". Ce qui est problématique tant pour les PME que pour les consommateurs, et qui n’est pas sans conséquence pour le Luxembourg dont se détournent certaines firmes peu intéressées à établir des règles contractuelles spécifiques pour un si petit marché.
Un phénomène que le ministre luxembourgeois de l’Economie juge contraire à toute évolution positive du marché unique. Et qui le conduit donc à considérer comme une avancée l’idée de proposer un droit commun, même optionnel. "J’ai l’impression qu’on enlève un gros frein au développement du marché unique", a conclu le ministre qui a souligné aussi l’importance du commerce transfrontalier pour le Luxembourg.
Dans les fiches que la Commission a établies pour montrer les avantages de la proposition qu’elle fait, les consommateurs luxembourgeois apparaissent comme "ne bénéficiant pas pleinement du marché intérieur". 38 % des consommateurs du Grand-Duché achètent en ligne dans d’autres pays européens, alors qu’ils sont 12 % à ce faire au Luxembourg. Preuve pour la Commission que beaucoup de biens ne sont pas disponibles sur le petit marché national du Luxembourg. Or, les barrières légales conduisent certains commerçants à refuser de vendre à des consommateurs à l’étranger. Un phénomène qui touche trois millions d’Européens chaque année et qu’ont rencontré 33 000 personnes au Luxembourg.
De même les entreprises ne profitent pas pleinement du potentiel offert par le marché intérieur. Les détaillants du Luxembourg intéressés à vendre au-delà du marché national sont plus de la moitié à avoir été retenus par différents obstacles liés au droit des contrats : règles de protection des consommateurs différentes, difficultés liées à la connaissance du droit contractuel dans les autres pays, difficultés à résoudre les litiges transfrontaliers font partie de ces entraves. Ainsi 74 % des entreprises du Luxembourg seraient prêtes à utiliser un droit européen des contrats pour leurs ventes transfrontalières à des consommateurs, et ils seraient même 83 % à être prêts à en faire usage dans le cadre de leurs transactions transfrontalières avec d’autres entreprises.