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Marché intérieur
La Commission européenne envisage des sanctions pénales pour les infractions d’opération d’initié et de manipulation de marché afin de renforcer la dissuasion et l’intégrité des marchés
20-10-2011


Les investisseurs qui négocient en utilisant des informations privilégiées et manipulent les marchés en diffusant des informations fausses ou trompeuses peuvent, à l’heure actuelle, échapper aux sanctions en profitant des différences entre les législations des vingt-sept États membres de l’UE. Dans certains pays, les autorités ne disposent pas de pouvoirs de sanction effectifs, alors que dans d’autres, elles ne disposent pas de sanctions pénales pour certaines infractions d’opération d’initié et de manipulation de marché. Or, des sanctions effectives peuvent avoir un fort effet dissuasif et renforcer l’intégrité des marchés financiers de l’UE.

C’est pourquoi la Commission européenne a proposé le 20 octobre 2011 des règles applicables dans toute l’Union européenne, de façon à garantir des sanctions pénales minimales pour les opérations d’initiés et les manipulations de marché.

Pour la première fois, la Commission a recours aux nouveaux pouvoirs conférés par le traité de Lisbonne pour assurer l’application d’une politique de l’UE par la voie de sanctions pénales. La proposition de directive impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les infractions pénales d’opération d’initié et de manipulation de marché soient passibles de sanctions pénales. Les États membres seront également tenus de prévoir des sanctions pénales en cas d’incitation à commettre des abus de marché, de complicité ou de tentative en la matière.

Le même jour, la Commission a adopté une proposition de règlement sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché). Une proposition complémentaire de la directive qui améliore le cadre législatif actuel de l’UE et renforce les sanctions administratives. La proposition de règlement a pour objectif d'actualiser et de renforcer le cadre établi par la directive sur les abus de marché (2003/6/CE), qui vise à assurer l'intégrité du marché et la protection des investisseurs. Le nouveau cadre permettra à la réglementation de rester en phase avec l'évolution des marchés, soutiendra la lutte contre les abus sur les marchés des matières premières et des instruments dérivés qui y sont liés, renforcera les pouvoirs d'investigation et de sanction des autorités de régulation et réduira les charges administratives pour les émetteurs appartenant à la catégorie des petites et moyennes entreprises.

"La Commission propose de renforcer l’application des règles européennes en matière d’opérations d’initiés et de manipulations de marché par la voie de sanctions pénales", a expliqué Viviane Reding, membre de la Commission chargée de la justice, ajoutant que "les comportements criminels n’ont pas leur place sur les marchés financiers européens!"Michel Barnier devant la presse le 20 octobre 2011 (c) UE 2011

Pour Michel Barnier, membre de la Commission chargé du marché intérieur et des services, "les sanctions actuelles applicables aux abus de marché sont trop divergentes et n’exercent pas l’effet dissuasif voulu". Aussi, en appliquant des sanctions pénales aux cas graves d’abus de marché à travers toute l’UE, il s’agit selon lui d’envoyer "un message clair aux auteurs potentiels de ces infractions : si vous vous rendez coupable d’opération d’initié ou de manipulation de marché, vous vous exposez à des peines de prison et à un casier judiciaire. Ces propositions renforceront l’intégrité des marchés et la confiance des investisseurs, et assureront des conditions de concurrence homogènes sur le marché intérieur".

Opérations d'initiés et manipulations de marché

La proposition de règlement sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché vise à adapter la réglementation de l'Union aux nouvelles technologies et réalités du marché, notamment en élargissant son champ d'application aux instruments financiers négociés uniquement sur les nouvelles plates-formes et négociés de gré à gré, qui ne sont actuellement pas couverts par la législation de l'Union.

La proposition précise que l'interdiction porte sur les abus de marché qui se produisent sur tous les marchés de matières premières et d'instruments dérivés qui y sont liés, et renforce la coopération entre les autorités de régulation des marchés financiers et des matières premières. Elle comprend différentes mesures visant à assurer l'accès de ces autorités aux informations dont elles ont besoin pour détecter et sanctionner les abus de marché. Vu l'absence fréquente d'un effet réellement dissuasif des sanctions qui peuvent actuellement être appliquées par les régulateurs, la proposition assure une harmonisation plus poussée et renforcée des sanctions, allant jusqu'à prévoir la possibilité de sanctions pénales.

Enfin, en réponse aux préoccupations liées au coût de la législation de l'Union, qui constituerait un obstacle trop important à l'accès aux marchés financiers pour les émetteurs qui sont des petites et moyennes entreprises, la proposition adapte différents aspects de la réglementation aux émetteurs de ce type.

Objectifs de la révision :

Rester en phase avec l'évolution des marchés : l'essor de nouvelles plates-formes de négociation, des transactions de gré à gré et de technologies récentes, telles que le trading à haute fréquence, a rendu désuet le cadre législatif institué par la directive sur les abus de marché. La proposition élargit le champ d'application de la législation européenne actuelle aux instruments financiers négociés uniquement sur des systèmes multilatéraux et d'autres systèmes de négociation organisée, ainsi qu'aux instruments financiers négociés de gré à gré, permettant ainsi à la législation relative aux abus de marché de porter sur les transactions effectuées sur toutes les plates-formes et pour tous les instruments financiers. Elle précise en outre les stratégies de trading à haute fréquence qui constituent des manipulations de marché interdites, telles que le fait de passer des ordres sans intention de négocier mais dans le but de perturber un système de négociation ("quote stuffing"). La mondialisation et l'interconnexion croissantes des marchés des matières premières avec les marchés des instruments dérivés créent de nouvelles possibilités d'abus par-delà les frontières et les marchés. Le champ d'application de la législation est en conséquence élargi aux abus de marché qui se produisent tant sur les marchés des matières premières que sur les marchés des instruments dérivés qui y sont liés.

Renforcer les pouvoirs d'investigation et de sanction des autorités de régulation : la notification des transactions suspectes est étendue par la proposition aux ordres non exécutés et aux transactions de gré à gré suspects. La proposition de règlement autorise les autorités de régulation à obtenir auprès des opérateurs de télécommunications les enregistrements des échanges téléphoniques et de données, ou à accéder à des documents ou à des locaux privés lorsqu'il existe des raisons de penser qu'une opération d'initié ou une manipulation de marché a été commise. Un mandat judiciaire est préalablement requis pour accéder aux locaux privés. Les États membres sont également chargés d'assurer la protection des informateurs, et des règles communes sont établies afin d'encourager la notification des informations ayant trait à des abus de marché. Enfin, une nouvelle infraction est introduite: la tentative de manipulation de marché, qui permet aux autorités de régulation d'imposer une sanction dans le cas où une personne tenterait de manipuler le marché sans parvenir réellement à procéder à la transaction visée.

Des principes communs sont proposés, notamment le fait qu'une amende ne devrait pas être inférieure au profit engrangé à la suite de l'abus de marché, lorsque celui-ci peut être chiffré, et que l'amende maximale devrait s'élever au minimum au double dudit profit. Parallèlement, une proposition de directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché impose aux États membres de considérer les opérations d'initiés et les manipulations de marché comme des infractions pénales si elles sont commises intentionnellement.

Réduire les contraintes administratives pour les émetteurs qui sont des PME : les obligations en matière de communication d'informations pour les émetteurs opérant sur les marchés des PME seront adaptées aux besoins desdits émetteurs, qui seront dispensés de l'obligation de dresser des listes d'initiés, sauf demande contraire de l'autorité de surveillance. Le seuil relatif à la notification des opérations par des personnes exerçant des responsabilités dirigeantes sera également relevé.

Prochaines étapes

La proposition est à présent transmise au Parlement européen et au Conseil pour négociation et adoption. Une fois le règlement adopté, son application devrait intervenir 24 mois après son entrée en vigueur.

Définition d’infractions pénales au niveau de l’UE

Une opération d'initié se produit lorsqu’une personne négocie des instruments financiers alors qu’elle détient à leur sujet des informations privilégiées qui sont susceptibles d’en influencer le cours. Une manipulation de marché se produit lorsqu’une personne manipule artificiellement le cours d’instruments financiers par des pratiques telles que la diffusion d’informations fausses ou trompeuses et la réalisation d’opérations portant sur des instruments qui y sont liés en vue d’en tirer profit. Ces pratiques sont désignées conjointement sous le nom d’abus de marché.

La proposition de directive définit les deux infractions – opérations d’initiés et manipulations de marché – qui devraient être considérées par les États membres comme des infractions pénales si elles sont commises intentionnellement. Conformément au champ d’application du règlement sur les abus de marché, les transactions effectuées à certaines fins sont exclues du champ d’application de la directive : programmes de rachat et de stabilisation, activités se rapportant à la politique monétaire et à la gestion de la dette et activités concernant les quotas d’émission dans la conduite de la politique en matière de climat.

La proposition impose également aux États membres d’ériger en infractions pénales les cas d’incitation à commettre des opérations d’initiés et des manipulations de marché, ainsi que la complicité et les tentatives en la matière. La responsabilité pénale ou civile devrait également être étendue aux personnes morales.

Les États membres devraient veiller à ce que les sanctions pénales infligées pour ces infractions soient effectives, proportionnées et dissuasives. La proposition comprend une clause de révision imposant à la Commission, dans un délai de quatre ans après l’entrée en vigueur de la directive, de faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur son application et, au besoin, sur la nécessité de procéder à son réexamen, notamment en ce qui concerne l’opportunité d’introduire des règles minimales communes relatives au type et au niveau des sanctions pénales. Le cas échéant, ce rapport sera accompagné de propositions législatives.

Il s’agit de la première proposition législative fondée sur le nouvel article 83, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit l’adoption de règles minimales communes de droit pénal lorsque cela s’avère essentiel pour assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’UE ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation. Les régimes de sanctions actuellement appliqués par les États membres aux infractions d’abus de marché se sont révélés insuffisamment efficaces. Ils n’utilisent pas toujours les mêmes définitions de ces infractions et présentent trop de divergences, ce qui permet aux auteurs de tirer parti des failles.

La proposition présentée suit l’approche exposée dans la communication de la Commission du 20 septembre 2011 intitulée "Vers une politique de l’UE en matière pénale: assurer une mise en œuvre efficace des politiques de l’UE au moyen du droit pénal". Il s’agissait notamment de réaliser une évaluation, fondée sur des éléments de fait clairs, des régimes de contrôle de l’application de la réglementation mis en place au niveau national et de la valeur ajoutée de l’introduction de normes minimales communes de droit pénal au niveau de l’UE, compte tenu des principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité.

La proposition présentée s’inscrit également dans le suivi de la communication de la Commission du 8 décembre 2010 intitulée "Renforcer les régimes de sanctions dans le secteur des services financiers". Celle-ci envisageait l’instauration de sanctions pénales pour les infractions les plus graves à la législation sur les services financiers dans la mesure où cela s’avérerait essentiel pour assurer une mise en œuvre efficace de cette législation.

Prochaines étapes

La proposition est à présent transmise au Parlement européen et au Conseil pour négociation et adoption. Une fois la directive adoptée, les États membres disposeront d’un délai de deux ans pour la transposer dans leur législation nationale.