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Emploi et politique sociale - Justice, liberté, sécurité et immigration
La loi sur la Carte bleue européenne a été votée à la Chambre
17-11-2011


Carte bleue de l'UE. Source: PELe projet de loi 6306 modifiant la loi sur la libre circulation des personnes et l'immigration, un projet qui transpose en droit national la directive 2009/50/CE et introduit  la carte bleue européenne pour les travailleurs hautement qualifiés en provenance de pays tiers, a été adopté le 17 novembre 2011 par 55 députés, 1 ayant voté contre, 4 s'étant abstenus.

La loi qui vient d’être votée permettra la création d’un titre de séjour sous la forme d’une "carte bleue européenne" qui sera délivrée aux ressortissants d’un Etat tiers autorisés au séjour. En plus de cette carte, un ressortissant d’un pays tiers, éligible à exercer un emploi hautement qualifié sur le territoire luxembourgeois, aura droit à une rémunération au moins égale à un seuil salarial d’une fois et demie le salaire annuel brut moyen ayant cours au Grand-Duché

La carte bleue de l’UE arrivera-t-elle à concurrencer la "green card" des Etats-Unis ?

Comme l’a expliqué le rapporteur de la loi, le député socialiste Marc Angel, le recul démographique et l’épuisement progressif du réservoir grand-régional de main d’œuvre hautement qualifiée entraînent un sérieux problème de compétitivité dans une économie globalisée. Et les statistiques montrent que l’UE n'est pas très compétitive en matière d’attractivité de tels travailleurs qui préfèrent des destinations comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou encore la Suisse. Pour le Luxembourg, dont l’économie ouverte est en relation avec des marchés très éloignés, la directive permet d’affronter ce défi qui a concerné 125 personnes au cours de l’année 2010. Car avec sa loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, le Luxembourg permet déjà le recrutement de travailleurs hautement qualifiés sans que ceux-ci soient soumis à la procédure habituelle des travailleurs salariés (vérification de la priorité d’embauche et soumission de la demande à une commission consultative).

Marc Angel, qui pense que la nouvelle loi n’est pas la panacée et ne doit pas empêcher le pays de miser aussi sur une économie de la connaissance en se donnant les moyens chez soi, a mis en exergue d’autres aspects de la transposition. Après 2 ans, le travailleur hautement qualifié  aura un accès à l’ensemble du marché de travail, sur un pied d’égalité avec les Luxembourgeois et les ressortissants de l’UE. Les conditions favorables faites au regroupement familial incluent le mariage, les unions civiles et les unions libres avérées. Après 18 mois, ces personnes auront également le droit de circuler sur le marché du travail de l’UE. Des facilitations sont accordées pour la résidence de longue durée, car ces personnes pourront additionner leurs séjours dans d’autres pays de l’UE, et des clauses sur la migration circulaire leur permettront un retour dans leur pays d’origine sans craindre de ne plus être réadmis dans l’UE.

Martine Mergen a exprimé l’espoir du CSV que la carte bleue de l’UE arrivera à concurrencer la green card des Etats-Unis. Elle est satisfaite des mesures de regroupement familial qui reconnaissent mariage, partenariat et toute autre union nouée dans le pays d’origine. La question du salaire n’a finalement pas été une chose si difficile pour le Luxembourg qui connaît un salaire minimum. Le danger du brain drain est pour elle compensé par les dispositions sur la migration circulaire.

Xavier Bettel (DP) a trouvé que c’était un grand bien que des socialistes soient les auteurs et rapporteurs de la loi, car, avant 2004, donc avant leur entrée dans la coalition gouvernementale CSV-LSAP, ils auraient sûrement rejeté cette loi pour cause d’immigration sélective. Comme Martine Mergen, il s’est félicité de la reconnaissance des partenariats, mais aussi de la protection du plus faible dans cette loi, puisqu’elle permettra à un partenaire de rester dans le pays en cas de séparation avec le titulaire de la carte bleue.

L’ADR s’abstient, la Gauche est contre

Le député Fernand Kartheiser (ADR) a de son côté motivé l’abstention de sa sensibilité politique sur le vote d’une loi qui "correspond à un besoin", mais qui contient trop de points critiques justifiant une abstention. Pour le député, il n’appartient pas à l’UE de décider qui peut immigrer au Luxembourg. Cela relève pour lui de la compétence nationale. Si la main d’œuvre hautement qualifiée fait défaut pour des raisons démographiques, au lieu de miser sur l’immigration, l’on devrait promouvoir une politique nataliste et de la famille dans un pays qui ne doit pas vieillir. La préférence communautaire est importante, et pour lui, ce principe est mis en pièces par la loi. La notion "hautement qualifiée" mesurée à partir d’une formation de bac+3 lui semble trop vague. Le vrai problème est pour lui la baisse du niveau d’éducation et de qualification dans le pays et dans l’UE. La loi va plus loin que la directive avec son principe d’égalité de traitement après 2 ans. "Pourquoi ?", demande le député qui trouve que la loi est aussi trop généreuse en cas de chômage d’un travailleur hautement qualifié venant d’un pays tiers. "Les intérêts nationaux sont-ils préservé ?", lance-t-il encore au gouvernement. S’il est d’accord avec les clauses sur la dimension familiale, tant que cela concerne les personnes unies par le mariage ou une union civile PACS, pourquoi inclure l’union libre ? Fernand Kartheiser redoute l’impact de telles clauses sur la vie sociétale, car il se demande comment prouver une telle union libre. Le Conseil d’Etat, qu’il cite, craint une source d’abus. Pour lui, l’on ne peut plus parler d’immigration contrôlée.

Serge Urbany (déi Lénk) a exprimé son refus de la loi en la qualifiant de "pierre angulaire de la dérégularisation", accusant le gouvernement de choisir les cerises sur le gâteau et de préparer le dumping salarial, car avec la loi, le salaire d’un travailleur hautement qualifié de pays tiers ne dépassera selon lui pas les 5000 euros.

Pas de révolution

Pour le ministre de l’Immigration, Nicolas Schmit, la loi sur la carte bleue ne constitue pas une révolution, puisque le Luxembourg avait déjà des clauses en faveur des personnes concernées et qu’il "vient compléter ce que nous avons déjà". L’histoire de l’économie luxembourgeoise est pour lui aussi une histoire de l’immigration, et la globalisation a déclenché le "run for talents" auquel le Luxembourg doit prendre part dans l’intérêt de son économie. Répondant à Fernand Kartheiser, le ministre a rappelé que la directive maintenant transposée a été votée à la majorité qualifiée, et que Luxembourg, s’il avait voté contre, aurait malgré tout dû la transposer.