Le lundi 31 octobre 2011, le Premier ministre grec Georges Papandréou a annoncé l'organisation d'un référendum sur l'accord européen d'effacement d'une partie de la dette du pays, critiqué en Grèce pour l'abandon de souveraineté qu'il implique, qui venait d’être conclu dans la nuit du 26 au 27 octobre entre les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, donc aussi avec l’assentiment du chef du gouvernement grec.
L’accord du 27 octobre prévoyait d’effacer 50 % de la dette grecque qui s'élève à plus de 350 milliards d'euros, un niveau qui avait été jugé intenable. Les banques créancières se sont déclarées prêtes à renoncer à cent milliards d'euros. Athènes devait en outre recevoir de nouveaux prêts internationaux de 100 milliards d'euros. 30 autres milliards étaient réservés à la recapitalisation des banques grecques. En échange, la Grèce devait accepter un renforcement des contrôles sur sa politique budgétaire, jusqu'à présent contrôlée tous les trois mois par une "troïka" où sont représentés les trois principaux créanciers du pays: Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international.
Les Grecs "veulent-ils l'adoption du nouvel accord ou le rejettent-ils ? Si les Grecs n'en veulent pas, il ne sera pas adopté", a déclaré le Premier ministre devant le groupe parlementaire de son parti, le PASOK lundi soir, laissant entendre à ce moment-là que le référendum aurait lieu début 2012.
En même temps, il a indiqué qu'il allait également demander un vote de confiance sur l'accord sur la dette au parlement, où il dispose d'une majorité qui s'était effritée à ce moment-là à 153 députés sur 300 sièges devant la montée des oppositions dans les institutions grecques, dans la rue et dans les sondages d’opinion aux mesures d'austérité qui accompagnent le soutien financier au pays. Ce vote de confiance est prévu pour le vendredi 4 novembre et est devenu fort aléatoire, car entretemps, la députée, ex-secrétaire d'Etat au développement Milena Apostolaki a quitté le groupe politique le 1er novembre et elle a été suivie le 3 novembre par deux autres députées, ce qui a réduit le nombre des députés du PASOK à 150.
L’annonce d’un référendum en Grèce a plongé la politique européenne, la zone euro et les marchés financiers dans une mélange de stupeur et d’indignation et surtout une nouvelle tourmente.
Les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont appelé dans un communiqué commun la Grèce à respecter ses engagements à l'égard de la zone euro, malgré l'annonce d'un référendum sur le dernier plan de sauvetage du pays. "Nous prenons note de l'intention des autorités grecques de tenir un référendum", ont-ils indiqué. " Nous avons pleinement confiance dans le fait que la Grèce honorera les engagements pris en relation avec la zone euro et la communauté internationale", ont-ils ajouté, dans un appel du pied à Athènes à prendre en compte les répercussions possibles d'un non au référendum.
Décision fut aussi prise par le président Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel de se rencontrer la veille du G20 à Cannes pour une réunion de consultation avec les institutions européennes (Conseil européen, Commission et Eurogroupe) et le FMI ainsi que pour une réunion avec les autorités grecques, "afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour la mise en œuvre dans les meilleurs délais de l'accord conclu le 27 octobre à Bruxelles".
La première réaction de Jean-Claude Juncker fut sèche. La Grèce risque la faillite en cas de rejet du plan de sauvetage européen, a-t-il averti, ajoutant qu’il ne pouvait pas exclure une faillite de la Grèce en cas de non au référendum. «Cela dépendra de la manière dont la question sera exactement formulée et sur quoi exactement les Grecs vont voter», a-t-il précisé. "Le Premier ministre grec a pris sa décision sans en informer ses collègues européens", a-t-il regretté.
Le "mini-sommet de crise sur la Grèce", comme la presse l’a appelé, a réuni le 2 novembre dans un premier temps le président français Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, celui de la Commission européenne José Manuel Barroso, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro Jean-Claude Juncker et la directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde
A l’issue de cette première réunion, Jean-Claude Juncker a déclaré : "Nous avons pris il y a une semaine des décisions à 17" Etats membres de la zone euro, "nous n'acceptons pas que quelqu'un se dissocie de cette décision".
Lors d’une deuxième réunion, les dirigeants européens devaient être rejoints par le Premier ministre grec Papandréou, invité à venir expliquer ses intentions. Le Premier ministre français François Fillon avait résumé le message qui lui serait adressé: "Les Grecs doivent dire vite et sans ambiguïtés s'ils choisissent ou non de garder leur place dans la zone euro".
A l’issue de cette deuxième réunion, il est ressorti de la déclaration des différents dirigeants qui se sont exprimés que la Grèce devait décider si elle voulait ou non rester dans la zone euro, et cela aussi rapidement que possible, qu’elle devait clarifier sa position sur le plan de sauvetage européen du 27 octobre si elle voulait obtenir le versement de l'aide financière promise, que la mise en œuvre du plan de sauvetage décidé la semaine dernière à Bruxelles devrait être "accélérée" et que les Européens et le FMI ne pourront envisager de verser la sixième tranche du programme d'aide à la Grèce que lorsque la Grèce aura adopté l'ensemble du paquet du 27 octobre et que tout incertitude sur l'issue du référendum aura été levée".
Tous les dirigeants interrogés à l’issue de la réunion souhaitent que la Grèce reste dans la zone euro, mais il faut à ce sujet un consensus politique en Grèce. Un autre aspect est l’engagement de Paris et Berlin qu’ils "n'abandonneront pas l'euro" même si le peuple grec décidait d'y renoncer, comme l’a exprimé Angela Merkel, qui a ajouté que les participants à la réunion sont préparés à une éventuelle sortie de la Grèce. "Nous voulons la stabilité de la zone euro, de préférence avec la Grèce que sans elle, mais le devoir de préserver cette stabilité reste la priorité", a-t-elle enchaîné avec fermeté. De son côté, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a déclaré qu’elle ne recommanderait à son institution le déblocage de l'argent promis à Athènes que lorsque "le référendum sera achevé, et toutes les incertitudes levées".
Lançant un "appel urgent et vibrantappel urgent et vibrant en faveur de l'unité nationale" en Grèce, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a aussi prévenu que les conséquences d'un rejet du plan "seraient imprévisibles", surtout pour les plus vulnérables.
Dans la foulée, le Premier ministre grec a déclaré que le référendum annoncé pourrait avoir lieu le 4 décembre 2011, même si la question qui serait posée aux Grecs à cette occasion n'était pas encore définie.
Le jeudi 3 novembre 20011, le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a lui aussi déclaré dans un entretien à la télévision allemande ZDF souhaiter que la Grèce conserve la monnaie unique, mais lancé qu'on ne pouvait pas "faire le bonheur des Grecs malgré eux".
"Je suis absolument convaincu que tout doit être fait pour qu'aucun des membres de la zone euro ne sorte du groupe de 17, mais si c'était le souhait des Grecs, et je pense que ce serait une erreur, on ne pourrait pas faire le bonheur des Grecs malgré eux", a déclaré M. Juncker.
"On ne va pas jouer aux montagnes russes sur la question grecque de façon permanente. Nous devons savoir où nous allons et les Grecs doivent dire où ils souhaiteraient que les choses aillent", a poursuivi Jean-Claude Juncker.
Quant l'ambiance autour de la table la veille, lors de la réunion du 2 novembre, il l’a qualifiée d'un seul mot: "pourrie". Pour lui, Georges Papandréou "n'était pas très à l'aise". Et de raconter : "Sans lui faire vraiment de reproches, nous avons signifié (à M. Papandréou) que son attitude avait été déloyale, dans la mesure où nous aurions aimé qu'il nous dise mercredi dernier lors du sommet qu'il comptait soumettre la question à un référendum". Sa conclusion : "Nous aimerions que la Grèce reste membre, mais nous ne disons pas qu'elle doit le rester à tout prix.".
Le retour en Grèce du Premier ministre grec Georges Papandréou, qui s’apprêtait à demander un vote de confiance au parlement grec le lendemain, a été marqué par un nouveau et premier coup de théâtre. Le ministre des Finances grec Evangélos Venizélos, que l’on croyait solidaire avec son chef de gouvernement, s'est déclaré jeudi matin opposé à un référendum sur l'euro en Grèce, estimant que l'appartenance de la Grèce à l'euro est "une conquête historique du peuple grec qui ne peut pas être mise en question. Ceci ne peut pas dépendre d'un référendum", a-t-il déclaré dans un communiqué. La menace d’une suspension de la 6e tranche d’aide de huit milliards d'euros à la Grèce, indispensable pour lui éviter la faillite dans les prochaines semaines, affleure indirectement dans le communiqué du ministre des Finances Venizélos qui y souligne l'importance de pouvoir disposer de ces fonds "sans délai". Selon plusieurs sources, les caisses de l'Etat grec seront vides d'ici décembre.
Il a été rejoint par le ministre du Développement Michalis Chryssohoïdi, pour qui "ce qui presse, c’est est la ratification par le Parlement de l'accord (européen) qui sort la Grèce de l'impasse." Un troisième ministre, Costas Skandalidis, sans attendre, a réclamé une réunion immédiate du groupe parlementaire socialiste, soulignant lui aussi que "la voie européenne du pays est non négociable". Finalement, les ministres de la Santé, de l'Education, et des Transports, Andréas Loverdos, Anna Diamantopoulou et Yannis Ragoussis respectivement, ont demandé la formation d'un gouvernement d'union nationale, tout en s'opposant au projet de référendum de Georges Papandréou. Bref, Georges Papandréou se retrouve la veille du vote de confiance privé virtuellement de sa majorité au parlement, après la défection de 3 députées rejointes entretemps par trois de ces ministres, mais a fait annoncer qu’il n’a pas l’intention de démissionner.
Au même moment, le chef du parti d'opposition de droite grecque, Antonis Samaras, a appelé jeudi à la formation d'un gouvernement de transition, avant des élections, pour approuver le nouveau plan d'aide européen du 27 octobre. "Là où on est arrivé avec la politique du gouvernement, le nouvel accord sur la poursuite de l'aide à la Grèce est inévitable et il faut le garantir", a déclaré Antonis Samaras, jusqu'ici fortement opposé aux mesures d'austérité ainsi qu'à toute idée de gouvernement d'union nationale. "J'appelle à un gouvernement temporaire de transition qui aura comme mission exclusive l'organisation d'élections (législatives anticipées) et l'approbation de l'accord (UE)", a ajouté M. Samaras. Il a souligné que l'accord sur la nouvelle aide à la Grèce "ne devait pas rester "en suspens" pour le pays et pour l'Europe, et que la 6e tranche du prêt de 110 milliards d'euros de l'UE et du FMI, devait être versée le plus tôt possible afin que les élections se déroulent dans des conditions normales".
Répondant à cet appel du leader de l’opposition de droite, Georges Papandréou s’est déclaré, second coup de théâtre, prêt à retirer son projet de référendum sur l'euro pour garantir le plan de sauvetage européen de la Grèce, a indiqué un communiqué de ses services. "Même si nous n'allons pas à un référendum, qui n'a jamais été une fin en soi (...), je salue la position du parti de l'opposition de la droite" qui s'est dit prêt à ratifier au parlement l'accord de la zone euro du 27 octobre, a indiqué Georges Papandréou au conseil des ministres. Il s'est dit prêt "à parler avec le chef de la droite (Nouvelle démocratie) Antonis Samaras pour avancer sur la base d'un (gouvernement) de consensus".