C’est au cœur de la nuit, après de longues heures de discussions, notamment avec les représentants des créanciers privés de la Grèce, que les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro ont pu faire part des termes de l’accord qu’ils ont trouvé. Leur réunion, commencée le 26 octobre 2011 dans la soirée, après une rencontre informelle du Conseil européen qui avait permis de livrer "un consensus sur les mesures bancaires", s’est achevée le 27 octobre 2011 au petit matin.
"Nous sommes convenus d'un vaste ensemble de mesures destinées à rétablir la confiance et à répondre aux tensions actuelles sur les marchés financiers", lancent-ils dans leur déclaration. "Ces mesures traduisent notre détermination sans faille à surmonter ensemble les difficultés actuelles et à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'approfondir notre union économique afin qu'elle soit à la mesure de l'union monétaire", poursuivent-ils.
Un nouveau programme pluriannuel de l'UE et du FMI, qui financera jusqu'à 100 milliards d'euros, sera mis en place d'ici la fin de l'année à l'intention de la Grèce. Il sera accompagné d'un renforcement des mécanismes destinés à assurer le suivi de la mise en œuvre des réformes : la Commission, mettra en place, en coopération avec les autres partenaires de la troïka, une capacité de suivi sur le terrain, notamment avec le concours d'experts nationaux, afin de travailler en coopération étroite et continue avec le gouvernement grec et la troïka pour fournir des conseils et proposer une assistance, de manière à ce que les réformes soient mises en œuvre rapidement et complètement. Elle aidera la troïka à déterminer si les mesures que prendra le gouvernement grec sont conformes aux engagements prévus par le programme. Ce nouveau rôle sera défini dans le mémorandum d'entente.
La participation du secteur privé devrait garantir la diminution du ratio de la dette grecque au PIB, l'objectif étant de parvenir à un taux de 120 % d'ici 2020. À cette fin, la Grèce, les investisseurs privés et toutes les parties concernées sont invitées à mettre en place un échange volontaire d'obligations avec une décote nominale de 50 % sur la dette nationale grecque détenue par les investisseurs privés. L'échange d'obligations devrait être mis en œuvre au début de 2012.
Les États membres de la zone euro contribueront à l'ensemble des mesures relatives à la participation du secteur privé à hauteur de 30 milliards d'euros. "Sur cette base, le secteur public est disposé à fournir un financement supplémentaire au titre du programme pour un montant allant jusqu'à 100 milliards d'euros jusqu'en 2014, y compris la recapitalisation requise des banques grecques", précise la déclaration.
Les chefs d’Etat et de gouvernement insistent une fois de plus sur le caractère unique d’une telle solution, et ils "réaffirment solennellement qu'ils sont fermement déterminés à honorer pleinement leur propre signature souveraine et tous les engagements qu'ils ont pris en matière de viabilité des finances publiques et de réformes structurelles".
La capacité de l’EFSF renforcé sera utilisée pour optimiser les ressources disponibles, ont décidé les chefs d’Etat et de gouvernement qui précisent que "l'objectif visé est de faciliter l'accès au marché pour les États membres de la zone euro qui sont soumis à des pressions et d'assurer le bon fonctionnement du marché de la dette souveraine de la zone euro, tout en conservant le crédit élevé dont jouit l’EFSF". Cet objectif sera atteint sans accroître les garanties qui sous-tendent le fonds et dans le respect des règles du traité ainsi que des dispositions et conditions de l'accord-cadre actuel, dans le cadre des instruments définis, et avec une conditionnalité et une surveillance appropriées, stipulent-ils encore.
Deux options de base sont arrêtées en vue de démultiplier les ressources de l’EFSF par un effet de levier :
L’EFSF aura la latitude de recourir à ces deux options simultanément et de les déployer en fonction de l'objectif spécifique visé et de la situation sur les marchés. L'effet de levier de chacune des options variera, en fonction de leurs caractéristiques et de la situation sur les marchés, mais pourrait être de 4 ou 5, de sorte que le montant atteint devrait être de l'ordre du 1000 milliards d'euros (environ 1400 milliards de dollars).
L'Eurogroupe doit mettre au point définitivement, en novembre, les conditions de mise en œuvre de ces modalités. En outre, une coopération plus étroite avec le FMI est prévue pour renforcer encore les ressources de l’EFSF.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont entendus sur des mesures visant à rétablir la confiance dans le secteur bancaires. Elles devraient porter sur :
Pour ce qui est du financement de ces augmentations de capital, les banques devraient en premier lieu utiliser des sources privées de capitaux, notamment par la restructuration et la conversion de dette en instruments de capitaux. Elles devraient être soumises à des contraintes en ce qui concerne le versement de dividendes et le paiement de primes jusqu'à ce que l'objectif soit atteint. Le cas échéant, les autorités nationales devraient apporter un soutien et, dans l'hypothèse où ce soutien ne serait pas disponible, la recapitalisation devrait être financée au moyen d'un prêt de l’EFSF dans le cas des pays de la zone euro.
"Tous les États membres de la zone euro sont fermement déterminés à poursuivre leur politique d'assainissement budgétaire et leurs réformes structurelles", stipule la déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement qui réaffirment être "pleinement résolus à mettre en œuvre les recommandations par pays formulées dans le cadre du premier semestre européen et à orienter les dépenses publiques vers les secteurs de croissance".
L'Espagne déploie actuellement des efforts particuliers. Si ces efforts sont salués dans la déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement, ces derniers insistent sur la nécessité de mesures supplémentaires, notamment pour "approfondir les modifications apportées au marché du travail en vue d'accroître la flexibilité au niveau des entreprises et renforcer l'employabilité de la main-d'œuvre, tout en menant d'autres réformes destinées à renforcer la compétitivité, et notamment amplifier les réformes dans le secteur des services".
L'Italie a pris de nouveaux engagements sur des réformes structurelles dont les chefs d’Etat et de gouvernement se félicitent, tout en invitant ce pays "à présenter d'urgence un calendrier ambitieux pour ces réformes". L'Italie s’est engagée à atteindre l'équilibre budgétaire d'ici 2013 et à dégager un excédent budgétaire structurel en 2014, ce qui lui permettra de ramener la dette publique brute à 113 % du PIB en 2014. Elle a aussi fait part de son projet d'introduire une règle relative à l'équilibre budgétaire dans la constitution d'ici la mi-2012.
D’après la déclaration, l'Italie va maintenant mettre en œuvre les réformes structurelles proposées afin d'accroître la compétitivité en réduisant l'excès de formalités administratives, en abolissant les tarifs minimaux dans les services professionnels et en poursuivant la libéralisation des services publics et des services d'intérêt général au niveau local. Par ailleurs, l’Italie s’est dite déterminée à réformer le droit du travail et en particulier les règles et les procédures en matière de licenciement et à réexaminer avant la fin de 2011 le système d'allocations chômage qui est actuellement morcelé, en tenant compte des contraintes budgétaires. Elle a aussi pour projet de porter l'âge de la retraite à 67 ans d'ici 2026 et les chefs d’Etat et de gouvernement l’invitent à définir d’ici la fin de l’année le processus qui permettra d'atteindre cet objectif. L’Italie a par ailleurs l'intention de réexaminer les programmes relevant des fonds structurels en redéfinissant l'ordre de priorité des projets et en privilégiant l'éducation, l'emploi, la stratégie numérique et les chemins de fer/les réseaux, l'objectif étant de créer des conditions plus propices pour renforcer la croissance et s'attaquer à la fracture régionale.
Quant au Portugal et à l'Irlande, les chefs d’Etat et de gouvernement réaffirment leur détermination à les soutenir tant qu’ils poursuivent leurs programmes de réformes.
La déclaration mentionne, pour ce qui est du renforcement de la coordination et de la surveillance en matière économique, un ensemble de mesures très précises, allant au-delà du paquet sur la gouvernance économique qui vient d’être adopté.
A titre d’exemple, chacun des chefs d’Etat et de gouvernement s’engage ainsi à :
Il est par ailleurs prévu, pour les États membres de la zone euro faisant l'objet d'une procédure pour déficit excessif, que la Commission et le Conseil auront la possibilité d'examiner les projets de budgets nationaux et de rendre un avis sur ces projets avant leur adoption par le parlement national concerné. En outre, la Commission assurera le suivi de l'exécution du budget et, si nécessaire, proposera des modifications en cours d'exercice. De plus, en cas de dérapage d'un programme d'ajustement, une coordination et un suivi plus étroits de la mise en œuvre du programme seront assurés.
Dans l’attente de la proposition relative à un suivi plus étroit que la Commission présentera prochainement, les chefs d’Etat et de gouvernement saluent l'intention de la Commission de renforcer, en son sein, le rôle du commissaire compétent en vue d'assurer un suivi plus étroit et de mieux faire respecter les règles.
"Afin de relever plus efficacement les défis actuels et d'assurer une intégration plus étroite, la structure de gouvernance de la zone euro sera renforcée, tout en préservant l'intégrité de l'Union européenne dans son ensemble", indique la déclaration, dix mesures étant détaillées dans une annexe :
Les chefs d’Etat et de gouvernement demandent enfin au président du Conseil européen de définir, en étroite coopération avec le président de la Commission et le président de l'Eurogroupe, les mesures qui pourraient être prises pour que "l’union économique soit à la mesure de l’union monétaire".
L'accent sera mis sur la poursuite du renforcement de la convergence économique au sein de la zone euro, l'amélioration de la discipline budgétaire et l'approfondissement de l'union économique, notamment en envisageant la possibilité d'apporter des modifications limitées au traité. Un rapport intermédiaire sera présenté en décembre 2011 afin qu'un accord puisse intervenir sur de premières orientations. Il comportera une feuille de route sur la manière de procéder, dans le respect total des prérogatives des institutions. Un rapport sur les modalités de mise en œuvre des mesures arrêtées sera mis au point d'ici le mois de mars 2012.