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Changement climatique - Environnement
Conférence de Durban : le leadership de l’UE pour arriver à un résultat a un écho positif, mais les insuffisances du compromis sont mises en évidence tant par les acteurs que par les observateurs
11-12-2011


La conférence sur le climat de Durban (Afrique du Sud) a adopté le 11 décembre 2011 une série de décisions sur l'avenir du protocole de Kyoto, les contours d'un futur accord global censé impliquer tous les pays, mais aussi sur des aspects financiers et de vérification des actions menées par les pays.

Les résultats de Durban en bref

Une 2e période pour le protocole de Kyoto jusqu’en 2017 ou 2020

La Conférence sur les changements climatiques de l’ONU aura lieu à Durban du 28 novembre au 9 décembre 2011Une première grande décision a été de prolonger le protocole de Kyoto. Le protocole de Kyoto, adopté en 1997 et en vigueur depuis 2005, est à ce jour le seul traité international sur le climat. Il fixe des objectifs de réduction de gaz à effet de serre à une quarantaine de pays industrialisés, à l'exception notable des Etats-Unis qui ne l'ont pas ratifié. Il ne s'applique pas non plus aux grands pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil.

Les pays en développement exigeaient de nouveaux engagements de la part des industrialisés à l'issue de la première période d'engagements (2008-2012) au nom de leur responsabilité "historique" dans le réchauffement de la planète.

La décision de Durban prévoit une deuxième période dont la durée (5 ou 8 ans) doit encore être débattue. Mais en l'absence du Canada, de la Russie et du Japon, qui ont refusé de renouveler l'exercice, ces nouveaux engagements contraignants ne s'appliqueront qu'à environ 15 % des émissions mondiales.

Un accord global en 2020

En échange d'une seconde période d'engagements sur Kyoto, l'UE avait demandé que soit tracée à Durban une "feuille de route" vers un nouveau cadre juridique contraignant qui impliquerait tous les pays.

Un accord devrait être signé en 2015 pour une entrée en vigueur à partir de 2020. Ce futur accord a été défini comme "un protocole, un autre instrument légal ou une solution concertée ayant une force légale". Cette formulation évite d’envisager d’emblée l’idée d’un accord juridiquement contraignant, ce qui a permis un consensus à Durban.

Un Fonds vert pour aider les pays en voie de développement

La décision rend opérationnel le Fonds vert, mécanisme financier acté à Cancun en 2010, pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique. Une formulation a été trouvée pour contourner les réserves émises lors de la première semaine de la conférence par les Etats-Unis sur la "personnalité juridique" de ce mécanisme. Ce Fonds vert doit acheminer des financements à partir de 2013 pour monter en puissance jusqu'en 2020, date à partir de laquelle les pays industrialisés ont promis de verser chaque année 100 milliards de dollars.

Plus de transparence sur les actions des pays signataires 

L'un des enjeux de Durban était aussi de mettre en œuvre certaines des décisions de Cancun, notamment sur le sujet de la transparence et de la vérification possible des actions de réduction des différents pays.

Pour les pays développés, le texte adopté offre des pistes pour mieux suivre les actions au fur et à mesure et pas seulement à la fin en vérifiant après coup si l'objectif fixé a été atteint. L'accord prévoit par ailleurs la mise en place d'un travail préparatoire pour éventuellement faire entrer l'agriculture, à l'origine de 15 % des émissions de gaz à effet de serre, dans le périmètre de la convention-climat de l'ONU.

Les réactions

L’UE salue l’accord de Durban

L'UE a qualifié l’accord de Durban de "percée historique". "L'Union européenne salue l'accord obtenu à la conférence de l'ONU sur le changement climatique comme une percée historique dans la lutte contre le changement climatique", indique un communiqué publié le 11 décembre 2011 par la Commission européenne. "La stratégie de l'UE a fonctionné. Quand de nombreuses parties avaient dit après Cancun que Durban pourrait seulement appliquer les décisions prises à Copenhague et Cancun, l'UE souhaitait plus d'ambitions. Et a obtenu plus", s'est réjouie la commissaire européenne en charge de l’environnement, Connie Hedegaard.

"Nous n'aurions pas accepté une nouvelle période pour Kyoto sans avoir en retour une feuille de route pour le futur au sein de laquelle tous les pays doivent s'engager. Alors que Kyoto divise le monde en deux catégories, nous aurons maintenant un système qui reflète la réalité d'un monde d'aujourd'hui interdépendant", a ajouté la commissaire, qui a, selon les observateurs de la conférence, joué un rôle important dans les tractations et permis d'éviter l'échec annoncé.

"Puisque nous sommes interdépendants, ce que nous promettons de faire doit avoir le même poids légal. Avec l'accord sur une feuille de route vers un nouveau cadre légal en 2015 qui englobera tous les pays dans la lutte contre le changement climatique, l'UE a atteint ses objectifs clés pour la conférence de Durban", conclut Connie Hedegaard. Reste que l’accord laisse en suspens la question du caractère contraignant du futur pacte climatique, un des objectifs centraux de l’UE.

Pour le ministre-délégué luxembourgeois au Développement durable, Marco Schank,  le compromis de Durban est toujours mieux qu’un échec, même si l’humanité ne peut pas vraiment attendre 2020 pour agir

Dans son récit du déroulement de la conférence de Durban aux médias luxembourgeois, le ministre-délégué au Développement durable Marco Schank a parlé d’une "politique des petits pas". Pour lui, l’UE a joué un rôle d’avant-garde avec l’alliance qu’elle a forgé avec une centaine de pays en voie de développement qui a, selon lui, permis de faire avancer les choses en exerçant une pression plus forte sur les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. A ses yeux, le compromis de Durban n’est qu’une feuille de route qui mettra à épreuve dès mai 2012 la vraie volonté des Etats pour arriver à une limitation ou un arrêt du réchauffement global quand ceux-ci devront rendre publics leurs engagements. Mais c’est selon lui toujours mieux qu’un échec, "qui n’est pas une option", même si l’humanité ne peut pas vraiment, selon lui, attendre 2020 pour agir, vue l’accélération du réchauffement climatique. Mettre au diapason 194 Etats avec des intérêts divergents, dont quelques pays émergents et les Etats-Unis qui représentent à eux tout seuls plus de 50 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre, n’a pas été évident, a raconté le ministre-délégué.  La perspective de la création du Fonds vert est par contre pour lui un point nettement positif.

Les Verts,  pour qui le résultat de Durban est insuffisant, font l’éloge du leadership de l’UE et insistent sur une action soutenue dans les Etats membres 

Pour les Verts, le bilan de Durban est « mitigé » et « pas satisfaisant ». Dans un communiqué diffusé le 12 décembre 2011, le député européen Claude Turmes déclare que "le résultat de la conférence de Durban n’est pas suffisant pour endiguer le changement climatique", dans la mesure où il n’y aura pas de nouvelles mesures globales assortis d’objectifs contraignants pour la protection climatique d’ici 2020. Il regrette également que le futur du seul instrument international sur le climat soit incertain. "Néanmoins", admet-il, "un blocage total a pu être évité et le processus pour un accord international plus large a pu être lancé."      

Claude Turmes a aussi eu des paroles élogieuses pour l’UE qui "a montré à Durban qu’elle peut adopter un leadership responsable dans une négociation frôlant l’impasse". L’eurodéputé vert approuve l’alliance de l’UE avec les pays qui étaient prêts à avancer, mais il a eu des mots très durs pour une présidence polonaise du Conseil qu’il accuse d’avoir agi "de manière bornée et égoïste" et au nom de son seul intérêt national pour saper les engagements de la 2e période du protocole de Kyoto.      

Camille Gira, député vert à la Chambre, a de son côté opposé la détermination de l’UE à la table des négociations avec les hésitations des négociateurs quand ils sont de retour chez eux. "Les Européens devront aussi prouver par une action ambitieuse chez eux qu’ils prennent au sérieux la lutte contre le changement climatique", pense Camille Gira, dont le parti scrutera minutieusement dans les prochains mois la mise en œuvre du partenariat pour le climat sur lequel le ministre-délégué s’est engagé à progresser.