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Economie, finances et monnaie
"Je pense que la volonté politique est extrêmement forte en Europe pour maintenir le bateau européen à flot", a confié Luc Frieden sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg
21-01-2012


Le 21 janvier 2012, Luc Frieden, ministre des Finances, était l’invité de l’émission Background - am Gespréich diffusée sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg.

L’occasion pour le journaliste Frank Kuffer de revenir, au lendemain d’une conférence de presse donnée par le ministre pour faire le point sur l’état des finances du Luxembourg, sur les mesures prises par le gouvernement en cette période de crise. Mais aussi d’aborder des questions liées à l’actualité européenne puisque, comme n’a pas manqué de le souligner le ministre Frieden à maintes reprises, le Luxembourg est bien un des pays dont l’activité économique dépend en grande partie de ce qui se passe en-dehors de ses frontières.Luc Frieden était l'invité de l'émission Background sur RTL Radio Lëtzebuerg le 21 janvier 2012

"Je pense que la situation en Europe est et reste extrêmement difficile"

"Quand on se trouve dans une économie ouverte comme celle du Luxembourg, où nombre de produits et de services sont exportés, on est naturellement plus affecté par ce qui se passe dans le monde", explique en effet Luc Frieden qui constate par ailleurs que "la croissance est relativement lente en Europe", ce qui a donc "un impact sur le Luxembourg". "Je pense que la situation en Europe est et reste extrêmement difficile", juge encore Luc Frieden qui part du principe que l’on ne saurait compter sur une forte croissance économique : l’idée que le continent européen puisse connaître à nouveau une forte croissance du jour au lendemain, sans problème, ne lui semble en effet "vraiment pas réaliste". Ce qui explique la politique prudente pour laquelle il plaide.

Lorsque Frank Kuffer lui demande s’il pense que les gens comprennent ce qui est décidé à Bruxelles dans le cadre de la crise de la dette et des difficultés qui s’enchaînent pour différents pays de la zone euro, Luc Frieden répond, de façon lapidaire, "non". "Nous devons réaliser que nous vivons dans une union monétaire commune" qui a apporté au Luxembourg énormément d’avantages, mais qui implique aussi de s’en tenir à certaines règles, poursuit-il. "Certains pays ne s’en sont pas tenus aux règles", et "nous essayons maintenant de réparer cela" : ce sont là "les choses compliquées que nous sommes en train de faire", explique ainsi Luc Frieden.

Mais ce qui importe à ses yeux, c’est que les règles soient respectées, y compris au Luxembourg. Et c’est là une des raisons pour lesquelles le Luxembourg, mais aussi les autres pays, doivent avoir des finances publiques saines. Il s’agit aussi de voir comment créer de la croissance en Europe, ajoute le ministre, qui précise qu’il convient de créer les conditions qui permettront de continuer à financer à l’avenir les dépenses qu’a l’Europe, l’état social que nous avons. "Voilà pourquoi il importe aussi de mener une réforme des pensions au Luxembourg", glisse encore le ministre, qui place aussi dans ce contexte la discussion, sensible, sur l’évolution des salaires.

Luc Frieden insiste sur la nécessité de donner plus d’explications sur ces questions. Car, dans le cadre de la crise de la dette qui touche différents pays de la zone euro, "nous aidons les autres pour nous aider nous-mêmes", rappelle le ministre des Finances qui met l’accent sur les conséquences qu’auraient par exemple sur les banques allemandes et françaises un éventuel défaut italien. "Nous sommes dans le même bateau", résume-t-il.

Pour Luc Frieden, si un pays qui reçoit de l’aide ne remplit pas les conditions qu’elle implique, "ce pays doit en tirer les conséquences"

Pour introduire son émission, Frank Kuffer avait adressé au ministre une série d’affirmations auquel il se devait de répondre par "oui" ou par "non".  Le journaliste avait notamment avancé qu’il y aurait des pays qui quitteraient la zone euro dans les années à venir. "Oui", avait réagi Luc Frieden avant de souligner combien c’était là un jeu difficile, puisqu’il est au fond impossible de répondre par oui ou par non. Un peu plus avant dans l’entretien, le sujet est revenu, l’occasion pour le ministre de répondre "non" à cette même question, et surtout de s’expliquer plus amplement. "Cela ne saurait être un objectif politique, car on ne sait pas quelles en seraient les conséquences", précise le ministre des Finances qui rappelle aussi que l’euro est bien plus qu’une monnaie. "Ce qui est en jeu est bien plus qu’une importante somme d’argent prêtée aux Grecs", insiste Luc Frieden après avoir longuement souligné l’importance du marché intérieur, mais aussi les limites de l’État national sur nombre de questions qu’il convient de traiter au niveau européen.

Mais Luc Frieden estime cependant que, si un pays qui reçoit de l’aide ne remplit pas les conditions qu’elle implique, "ce pays doit en tirer les conséquences". Et lorsque le journaliste lui demande s’il y a des pays qui ne peuvent ou ne veulent pas remplir ces conditions, Luc Frieden répond que le chemin reste "extrêmement tortueux". "Nous sommes dans des discussions très difficiles avec la Grèce", indique-t-il en effet. S’il estime que les pays concernés sont, à court terme, sur la bonne voie, Luc Frieden est cependant bien conscient que les réformes qu’ils doivent mener sont "si énormes" qu’il avoue ne pas être capable de dire "ce qui va se passer à la fin de l’année".

"Je pense que la volonté politique est extrêmement forte en Europe pour maintenir le bateau européen à flot", ajoute cependant Luc Frieden.

Luc Frieden n’est pas, en principe, contre une taxe sur les transactions financières, mais il tient à ce que la Grande-Bretagne soit de la partie si elle devait être introduite en Europe

Autre affirmation avancée par le journaliste en début d’émission, "la taxe sur les transactions financières doit être introduite cette année". Au jeu du "oui" ou "non", la réponse de Luc Frieden est négative. Un peu plus tard, le ministre est invité à s’expliquer plus longuement sur le sujet qui ne manque pas de faire débat. "Cette taxe sonne bien, elle est très populaire", reconnaît le ministre, qui dit ne pas être, en principe, contre une telle taxe. Mais il convient à ses yeux d’aborder le sujet de façon très pragmatique.

Avançant un argument partagé par nombre d’acteurs de la place financière, Luc Frieden explique le risque que nombre d’activités financières ne soient tout simplement transférées vers d’autres pays si cette taxe venait à être introduite. Or, rappelle le ministre, l’industrie des fonds d’investissements apporte 13 000 emplois au Luxembourg, et énormément de ressources fiscales. "Je suis donc d’avis, dans l’intérêt général, qu’il vaudrait mieux que cette taxe soit introduite dans toutes les grandes places financières", annonce le ministre qui dit "regretter extrêmement que le G20 (…) n’ait pas réussi à introduire cette taxe à New York, Hong-Kong, Tokyo et Londres". S’il plaide une fois encore pour qu’elle soit introduite au niveau du G20, Luc Frieden précise que dans tous les cas, il faudrait que Londres soit de la partie si la TTF devait être introduite en Europe. Et d’après lui, la question de la participation du Royaume-Uni se pose de la même façon en Irlande ou aux Pays-Bas.

Le Premier ministre partage nombre de ces arguments, précise Luc Frieden, qui ajoute que l’ensemble du gouvernement est d’avis qu’il faut toujours veiller à ce que l’activité économique du Luxembourg ne soit pas remise en question. Luc Frieden souligne aussi que le secteur financier est déjà soumis à différentes taxes, comme la taxe d’abonnement. "Une discussion objective doit être menée en Europe", plaide-t-il donc, affichant sa volonté d’accompagner ce débat qu’il veut constructif.

Devant l’insistance de Frank Kuffer au sujet d’une éventuelle divergence de vues entre le ministre des Finances et le Premier ministre sur le sujet, Luc Frieden a rappelé que Jean-Claude Juncker s’exprimait aussi parfois en tant que président de l’Eurogroupe, ce qui peut expliquer selon lui qu’apparaissent parfois "des nuances" par rapport aux points de vue qu’il défend pour sa part en tant que ministre des Finances du Luxembourg. "Mais dans l’argumentation, nous sommes sur la même ligne", assure Luc Frieden qui fait état de discussions récentes sur le sujet.

"Je pense que Jean-Claude Juncker va avoir à nouveau un poste important en Europe", avait lancé le journaliste en début d’émission, ce à quoi Luc Frieden avait répondu "oui". "Monsieur Juncker est une grande personnalité européenne, qui est connue à l’étranger, et qui naturellement, s’il y a un jour un poste qui lui plaît, sera sûrement un candidat qui aura toutes ses chances", précise Luc Frieden au fil de l’entretien. Mais pour le moment, un tel poste n’est pas en vue dans les prochains mois, ajoute-t-il aussi.