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Economie, finances et monnaie
Dans un entretien à la Süddeutsche Zeitung, Yves Mersch, candidat à un poste au directoire de la BCE, affiche pour credo respect des traités et stabilité de l’euro
28-01-2012


Yves Mersch, le président de la BCL, est en lice pour un poste au directoire de la BCE. La Süddeutsche Zeitung l’a sollicité pour un entretien publié le 28 janvier 2012. Présenté comme "le candidat des grandes banques d’émission et des gouvernements", Yves Mersch apporterait, selon le quotidien allemand, "son expérience, ses manières de conciliateur et son credo dans la culture de la stabilité".Süddeutsche Zeitung

Dans son interview, la journaliste Helga Einecke revient sur le rôle de la BCE dans la lutte contre la crise. Un rôle prépondérant qu’Yves Mersch explique par le fait que la BCE est bien la seule institution européenne dont le mandat se concentre exclusivement sur la zone euro. Il en tire d’ailleurs la conséquence que des "améliorations institutionnelles sont à prévoir pour l’avenir". Pour autant, lorsque la journaliste lui demande s’il entend par là une union budgétaire, il précise qu’une union budgétaire devrait être légitimée démocratiquement. "Mais je salue le fait que les parlements nationaux ont découvert plus fortement l’Europe dans la crise", glisse le président de la BCL.

La BCE a mis à disposition des banques 500 milliards d’euros à un taux d’intérêt très bas pour trois ans, affirme la journaliste qui se demande s’il ne s’agit pas là d’une "mine d’or" pour les banques. Yves Mersch relève que la seule nouveauté de cette mesure en est la durée. "Nous voulons que les marchés et les banques fonctionnent, l’argent va maintenant être réparti entre les banques", explique le président de la BCL qui s’attend à une forte demande des banques lors de la prochaine opération du genre en février.

Pour ce qui est de l’achat massif d’obligations d’État par la BCE, Yves Mersch reconnaît que de telles opérations impliquent des risques. Mais il souligne que la mesure est temporaire et limitée en volume. "Nous avons aussi acheté des obligations hypothécaires, ce qui convenait mieux à certains États membres", précise encore Yves Mersch. En comparaison avec d’autres mesures, la part de l’achat d’obligations s’est par ailleurs réduite, met en avant le président de la BCL qui rappelle cependant que sa position fondamentale, plutôt critique à l’égard de telles mesures, est bien connue.

L’opposition à ces achats n’est pas "une position purement allemande, mais une position visant à la stabilité qui est aussi partagée par d’autres", explique Yves Mersch. "Il ne faut pas perdre de vue qu’au moment où la crise a éclaté nous n’avions aucun instrument et que les démocraties ont besoin d’un minimum de temps pour mettre en place de nouveaux instruments", explique le président de la BCL qui souligne, dans ce contexte, que les achats d’obligations, s’ils n’ont pas d’avenir à long terme, auront permis de combler quelques lacunes de façon temporaire.

La BCE a bien discuté d’autres options et continue d’y réfléchir, reconnaît Yves Mersch qui estime cependant que les nouvelles mesures doivent être mûrement réfléchies pour être notamment adaptées à zone euro. Car, rappelle le banquier central luxembourgeois, si aux Etats-Unis 80 % de l’économie sont financés par le marché et 20 % seulement par les banques, la proportion est inversée en Europe. Suivre le modèle américain poserait donc problème.

"Vous acceptez depuis peu des titres de banques ayant une moindre solvabilité si elles prêtent de l’argent, ne craignez-vous pas de nouveaux risques ?", demande la journaliste. Pour Yves Mersch, le risque est toujours plus grand en temps de crise et la banque centrale ne doit pas agir de manière procyclique. "Mais nous réduisons aussi notre dépendance du schéma de l’oligopole des grandes agences de notation et nous sommes sur le point de renforcer nos capacités internes dans l’ensemble des banques d’émission nationales d’Europe sans mettre en place nos propres agences de notation", argumente le président de la BCL.

Lorsque la journaliste lui demande quant l’EFSF sera en mesure d’acheter des obligations de pays en difficulté, Yves Mersch répond que le traité est sur le point d’être signé et que certaines banques d’émission nationales travaillent de façon étroite avec l’EFSF.

Si le rôle du taux directeur paraît moins essentiel du fait des nombreuses mesures spéciales prises récemment, Yves Mersch appelle à ne pas renoncer au prix de l’argent. "Des taux réels négatifs sur une longue période ne réduisent pas seulement le volume des biens, mais ils remettent aussi en question la capacité de fonctionnement des fonds de marché interbancaire qui alimentent le marché en liquidité à court terme", explique le banquier central luxembourgeois. Il met en garde contre des taux négatifs qui conduiraient selon lui à une distorsion de la concurrence en matière de placements, mais auraient aussi des conséquences sur les bilans des États, des entreprises et des banques. Sans compter qu’ils pourraient miner la croissance.

Si les marchés font honneur pour l’instant à des taux bas, comme le remarque la journaliste, Yves Mersch indique qu’à moyen terme, la situation en Europe sera meilleure que les marchés ne le pensent actuellement. "Les marchés ont besoin d’un temps de réaction", précise-t-il.

"En tant que juriste, je respecte les traités et j’essaie de les remplir", déclare Yves Mersch affichant comme objectif "un euro stable à moyen terme"

Lorsqu’Helga Einecke lui demande s’il a eu parfois quelques difficultés à assumer les décisions de la BCE dans ces années de crise, Yves Mersch souligne que dans un panel de 23 personnes, il y a toujours des discussions. "Ce n’est pas l’objectif commun qui pose problème, mais le paramètre temps", précise Yves Mersch aux yeux de qui une institution qui ne serait pas nourrie par des débats internes sains serait "suspecte".

Quant la journaliste lui demande si le temps des "domaines réservés" est révolu à la BCE, dans la mesure où Yves Mersch postule à un poste au directoire que l’Espagne aimerait conserver, le président de la BCE s’en réfère aux traités, soulignant que c’est la compétence qui est décisive. Mais il se dit aussi "conscient qu’une institution doit préserver un certain équilibre". Yves Mersch est convaincu que "la politique européenne saura décider en prenant ses responsabilités".

"En tant que juriste, je respecte les traités et j’essaie de les remplir", déclare le président de la BCL affichant comme objectif "un euro stable à moyen terme".

Convaincu que l’union monétaire est un succès, d’un point de vue économique, mais aussi en tant que "réponse à l’histoire", Yves Mersch s’oppose fermement à l’idée d’une division de l’Euro entre Sud et Nord : "cela signifierait une croissance plus faible et un plus haut chômage", explique-t-il, voyant là une perspective "politiquement inconcevable". De même une sortie de la Grèce n’entre pas dans son "scénario". "Ce n’est pas prévu dans les traités et cela pourrait remettre en question la cohésion de l’union monétaire", précise le banquier central luxembourgeois.