Dans le cadre de la Stratégie Europe 2020, la Commission européenne, notamment en la personne de la commissaire Viviane Reding, œuvre pour supprimer les entraves au marché unique, ce qui permettrait, outre une meilleure intégration au niveau européen, de stimuler la reprise économique. Les entraves d’origine légale en font également partie, et notamment celles au niveau du droit des contrats. Actuellement, les entreprises et les consommateurs ont affaire, dans le cadre de leurs transactions transfrontières, à des législations nationales différentes.
La Commission a donc lancé plusieurs consultations pour évaluer l’opportunité de proposer un texte en la matière. A l’issue de celles-ci, elle a élaboré une proposition de règlement COM(2011) 635 relatif à un droit commun européen de la vente.
L’UEL, l’Union des entreprises luxembourgeoises, a publié dans ce contexte le 16 février 2012 un avis sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente. Dans ses avis antérieurs, l’UEL s’est toujours montrée favorable aux initiatives qui contribuent à dynamiser les échanges au sein de l’Union européenne. Cette fois-ci, elle se prononce, sous certaines réserves, en faveur de la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente (DCEV). Elle estime qu’il est indispensable qu’un tel instrument coexiste harmonieusement avec les règles et les usages des droits nationaux des Etats membres, du droit communautaire et du droit international et qu’il apporte une véritable simplification pour les transactions transfrontières.
Afin de réduire les entraves existant dans les échanges intracommunautaires, l’UEL soutient dans son avis l’idée d’introduire un instrument facultatif de droit européen des contrats, à condition que l’on tienne compte des considérations qu’elle a émises sur les transactions entre professionnels et consommateurs (B2C). C’est en effet dans le cadre de ces transactions que selon elle « le problème de la fragmentation légale au sein du marché intérieur se pose avec davantage d’acuité du fait des dispositions du Règlement de Rome I et des directives actuelles d’harmonisation minimale, et ce malgré l’avancée résultant de l’adoption en 2011 de la directive relative aux droits des consommateurs. » L’UEL considère donc que le règlement devrait viser en priorité les contrats entre professionnels et consommateurs.
L’UEL estime qu’il n’est pas opportun à ce stade d’appliquer le DCEV aux relations B2B, donc de professionnels à professionnels. Une réflexion pourrait être menée ultérieurement quant à l’opportunité d’instaurer un régime commun de vente pour les relations B2B tout en respectant le principe de liberté contractuelle.
L’UEL estime qu’il est nécessaire que le texte retenu établisse un équilibre entre les droits et les obligations des parties au contrat et qu’il limite autant que possible les formalités administratives à charge des professionnels. Il est également essentiel que le texte s’insère de manière harmonieuse dans l’environnement juridique actuel par rapport aux législations nationales et communautaires, et tout particulièrement par rapport à la directive relative aux droits des consommateurs. L’instrument facultatif devra donc être simplifié et devra retenir des solutions pragmatiques pour être en mesure de contribuer à faciliter les contrats de vente et services connexes transfrontières au niveau communautaire.
Le DCEV devrait se limiter selon l’UEL aux contrats de vente et aux services connexes comme « accessoires » à ces contrats de vente, ce qui est "une approche réaliste et opportune alors qu’il s’agit de contrats très fréquents dans les relations B2C transfrontières". L’UEL pense néanmoins que la notion de "services connexes" n’est pas suffisamment précise et qu’elle ne devrait englober que des services subordonnés au contrat de vente principal sans lequel ils n’auraient pas de raison d’être.
L’UEL approuve l’autorisation laissée aux Etats membres d’appliquer le DCEV aux transactions nationales en sus de l’application aux transactions transfrontières. Cette possibilité est très importante pour les Etats membres, et d’autant plus pour ceux de petite taille comme le Luxembourg, dont l’économie est tournée vers l’extérieur. Cela facilitera la tâche des entreprises qui sont actives sur les plans national et communautaire ou qui souhaitent le devenir et qui devront ainsi pouvoir rédiger un seul modèle de conditions générales pour l’ensemble de leurs transactions au sein de l’Union européenne.
La question de la loi applicable aux relations contractuelles est fondamentale car elle détermine les règles que devront respecter les professionnels lorsqu’ils entendent offrir des biens et des services. L’UEL établit qu’au niveau communautaire, c’est le Règlement No 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ("Règlement Rome I") qui s'applique actuellement, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. Il retient comme principe la liberté de choix des parties au contrat et fixe les règles applicables à défaut de choix.
Le Règlement Rome I fixe des règles particulières pour les relations contractuelles entre professionnel et consommateur. L’article 6 prévoit que le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à tout le moins pour les dispositions impératives, à condition que le professionnel, soit exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle (a) soit, par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci (b) et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.
Pour les entreprises, cette règle signifie que ces contrats sont en effet soit intégralement soumis aux dispositions en vigueur dans les pays de résidence des consommateurs, soit au minimum soumis aux dispositions impératives en vigueur dans ces pays lorsque les parties ont choisi une autre loi applicable au contrat. Le Règlement Rome I a été adopté après les premières réflexions sur l’introduction d’un instrument optionnel en droit des contrats.
Etant donné que le DCEV doit être un instrument autonome, le Règlement Rome I ne devrait pas s’appliquer pour les aspects réglementés par le DCEV. Il ne devrait s’appliquer que de manière subsidiaire, pour les aspects qui ne sont pas réglés par le DCEV (comme par exemple, pour la question du transfert de propriété et la capacité des parties à contracter).
La directive relative aux droits des consommateurs constitue pour l’UEL une avancée intéressante pour certains aspects du droit des contrats B2C. La directive établit des règles relatives aux informations précontractuelles à fournir. Pour les contrats à distance et les contrats hors établissement, la directive régit également le droit de rétractation dont elle harmonise les modalités et le délai (en principe, 14 jours). Elle fixe également les principes pour la livraison des biens et pour le transfert du risque. Même si l’UEL désapprouve certaines options retenues dans la directive, elle considère qu’il convient d’aligner autant que possible le DCEV sur les notions et principes repris dans cette directive.
L’UEL approuve le principe du commun accord nécessaire pour soumettre le contrat au DCEV. En effet, il est indispensable
Afin de rassurer les consommateurs et les organisations de consommateurs, l’UEL est en mesure d’accepter certaines formalités afin de s’assurer que le consommateur marque son accord pour que le contrat soit soumis au DCEV. L’UEL peut ainsi admettre, pour que la convention d’application du DCEV soit valable, qu’il faille solliciter le consentement exprès du consommateur pour appliquer le DCEV.
Elle considère par contre que le régime concernant l’avis d’information est contre-productif et instaure une insécurité juridique entre parties sans pour autant sécuriser le consommateur. Elle estime en effet que l’avis d’information, à supposer que le consommateur prenne la peine de le lire, peut induire celui-ci en erreur par son caractère général. Seul le contrat devrait faire foi et le consommateur devrait être responsabilisé et poussé à en prendre connaissance.
De manière générale, l’UEL souhaite rappeler qu’il convient de responsabiliser le consommateur et que le DCEV doit garder un équilibre entre les droits et les obligations respectifs des parties et de préserver le principe de la liberté contractuelle ainsi que le principe de force obligatoire du contrat. Or, ces principes et cet équilibre sont quelque peu mis à mal dans le DCEV par de nombreuses dispositions impératives et par des dispositions qui octroient trop de pouvoirs tantôt aux juridictions, tantôt aux parties au contrat. L’UEL souhaite attirer l’attention sur le fait que les professionnels se détourneront d’un instrument déséquilibré en leur défaveur.
L’UEL s’interroge sur la lisibilité tant pour les professionnels que pour les consommateurs d’un instrument comme le DCEV qui comprend près de 200 articles.
Un modèle type de contrat qui appliquerait les principes du DCEV serait nécessaire car bon nombre de professionnels ne seront pas en mesure de rédiger, sans assistance juridique, un contrat sur base des dispositions du DCEV. Un tel projet de modèle aurait d’ailleurs déjà dû être repris dans la proposition de règlement. En effet, s’il est rédigé après l’adoption du DCEV, des difficultés nouvelles pourraient apparaître qui n’avaient pas été envisagées lors de l’élaboration du DCEV. Cet exercice de rédaction d’un projet de modèle de contrat type semble donc déjà à ce stade indispensable pour vérifier la praticabilité du régime instauré par le DCEV.
Ce modèle de contrat type pose également la question de la langue dans laquelle le professionnel pourra ou devra rédiger le contrat conforme au DCEV. Cette question n’est nullement abordée dans la proposition de règlement actuelle et il conviendra de trouver une solution praticable et efficace à cet égard.
Concernant le DCEV, l’UEL estime qu’il convient d’être pragmatique et que des règles claires, simples et précises protégeront mieux les consommateurs qu’une multitude de subtilités qu’il faut exprimer par un foisonnement de dispositions légales. L’effort de simplification et de clarification doit donc être poursuivi.