Dans un communiqué daté du 8 mars 2012, transmis par le syndicat LCGB, le comité d'entreprise européen d'ArcelorMittal souligne la dimension stratégique de son combat contre la filière liquide de Liège. "Il faut donner les moyens au développement de la sidérurgie, indispensable aux industries européennes", tonne-t-il.
Suite à la décision prise le 12 octobre 2011 par la direction d'ARCELORMITTAL d'arrêter la filière liquide liégeoise, les experts du comité d'entreprise européen ont établi qu'"aucune raison économique justifiée" n'a pu présider un tel choix. Par contre, "le groupe ArcelorMital, de par sa politique des prix et la réduction drastique de son offre, a perdu des parts de marché importantes, qui seraient de l'ordre de 2,5 millions de tonnes", soit l'équivalent de la production des hauts fourneaux de Liège.
Le syndicat souligne ainsi que la chute de la demande n'est pas la seule responsable. "Une conduite de l'entreprise basée sur le financier" et "la recherche d'une marge la plus élevée" seraient au moins aussi déterminantes. Le groupe s'est donné pour objectif en 2012 une augmentation de ses profits d'un milliard de dollars "par la recherche de gains internes au détriment des emplois et des acquis sociaux des sidérurgistes". "Les sites sidérurgiques sont sacrifiés dans le but de générer davantage de bénéfice au profit d'investissements dans l'activité minière du groupe, très lucrative pour les actionnaires." Les résultats nets s'élèvent à 2,3 milliards de dollars en 2011 avec une redistribution de dividendes aux actionnaires de 1,2 milliards, soit 53 % des bénéfices nets."
La stratégie se décline aussi dans l'ambition de "concentrer les productions sur les sites jugés les plus rentables". Ainsi, les mines sont privilégiées en interne au détriment des usines sidérurgiques du groupe. D'ailleurs, pour 2012 et 2013, le budget mines augmente, le budget Recherche et développement est réduit.
Au contraire d'une telle "stratégie destructrice de valeur industrielle", avance le comité, "ce qu'il faut pour Liège comme pour le reste de la sidérurgie européenne, c'est une véritable politique industrielle, tournée vers l'innovation et l'élaboration des produits à forte valeur ajoutée répondant aux besoins des populations et des industries en Europe". Elle répartirait d'abord les productions sur l'ensemble des sites européens afin d'"éviter tout arrêt définitif ou temporaire d'installations". Elle optimiserait ensuite les matières premières "en les intégrant dans la filière sidérurgique européenne" qui en sortirait ainsi "plus performante et concurrentielle". Cette filière gagnerait en conséquence des parts de marché et capacités perdues par la stratégie actuelle. Le comité d'entreprise européen finit sa communication en invitant les salariés à une mobilisation contre "une politique de destructions sociale et industrielle" menée par une direction "qui cultive la mise en concurrence des sites et des travailleurs".
Dans un communiqué publié sur le site internet du syndicat OGB-L, la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) fait de son côté part de son intention de lancer une initiative auprès du Parlement européen et de prendre contact avec la Commission européenne au sujet de la stratégie d'ArcelorMittal, jugeant qu'"il est grand temps que le groupe ArcelorMittal infléchisse une politique de plus en plus inacceptable et irresponsable",
Elle constate que les salariés et syndicats du groupe craignent que Mittal soit le "fossoyeur d'un des fleurons de la sidérurgie européenne". Or, le bilan le laisserait penser. "Depuis 2006, le groupe a décidé de l'arrêt indéfini de 10 des 25 hauts-fourneaux qu'il possède en Europe et de la fermeture de plusieurs usines de production". Ce faisant, il a supprimé 33 000 emplois soit un quart des effectifs. "Les investissements promis n'ont pas été réalisés et ont été limités à l'entretien des outils".
A la "conjoncture économique européenne déprimée et une demande en acier plus faible" avancée par la direction pour justifier ses décisions, la Fédération européenne des métallurgistes préfère avancer "l'avidité croissante de M. Mittal, actionnaire majoritaire". Elle va plus loin que le Comité d'entreprise européen en dénonçant une "spoliation des sites européens". La priorité accordée aux mines serait doublée du choix de "faire payer à ses installations européennes le minerai au prix fort pour augmenter la rente minière grevant au passage la compétitivité des sites européens". Les salariés, les sous-traitants mais aussi les clients qui "se plaignent d'une baisse de qualité sans précédent" en sont les victimes. "Le groupe a tellement réduit ses capacités qu'il peine à satisfaire ses clients."
"Le combat légitime de Florange, c'est le combat de tous les salariés du groupe ArcelorMittal dont l'avenir et celui de leur famille est menacé par l'insatiable soif de profit de M. Mittal", a déclaré le secrétaire général de la Fédération européenne des métallurgistes, Bart Samyn, lors d'un déplacement à Florange. "On ne peut pas laisser M. Mittal décider seul du sort d'un des piliers de l'industrie européenne."
Les revendications de la Fédération à l'adresse de la direction du groupe comprend notamment la conduite d'une "politique plus équilibrée", avec répartition des charges entre les différents sites européens mais aussi "une meilleure répartition des bénéfices entre les activités sidérurgiques et les activités minières". La Fédération prône l'élaboration d'un projet industriel basé sur l'innovation et la recherche, le respect des engagements pris par ArcelorMittal lors de la fusion de 2006 ou encore le "respect des droits à l'information et à la consultation au niveau national et européen" ce qui doit permettre de prendre en compte les alternatives proposées par les représentants des salariés. Quant aux éventuelles périodes de baisse de production, elles devraient être exploitées judicieusement, par l'investissement dans la formation des salariés d'une part, la rénovation et la modernisation des outils d'autre part.