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Politique étrangère et de défense - Traités et Affaires institutionnelles
"Nous ne devons pas nous lancer à nouveau dans des bouleversements institutionnels", affirme Jean Asselborn depuis Berlin, où il a participé avec certains de ses homologues à une réunion sur l’avenir de l’UE
22-03-2012


Le 20 mars 2012, un nombre limité de ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont réunis à Berlin à l’invitation du ministre allemand Guido Westerwelle pour discuter de manière informelle de "l’avenir de l’Europe". Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, était à Berlin, entouré de ses homologues allemand, autrichien, belge, espagnol, italien, néerlandais, polonais et portugais, mais aussi de représentants danois et français, pour discuter de questions liées au fonctionnement de l’UE dans un monde de plus en plus globalisé.Jean Asselborn faisait la une du site www.euractiv.de le 22 mars 2012

Le site d’information Euractiv.de a saisi l’occasion pour s’entretenir avec le chef de la diplomatie luxembourgeoise. Un entretien publié le 22 mars 2012 par les soins du journaliste Ewald König.

En ces temps de crise, "nous ne devons pas commettre l’erreur de concentrer à nouveau notre énergie sur des débats portant sur les traités"

Jean Asselborn s’est tout d’abord félicité du fait que les discussions menées à Berlin n’aient pas porté sur une modification des traités, un débat qu’il vaudrait mieux éviter à l’heure actuelle. "Si l’on devait maintenant recommencer à demander si, par exemple, la Commission a trop ou trop peu de membres ou si elle a besoin de commissaires juniors ou principaux, l’image que cela donnerait à l’opinion publique européenne serait fatale", estime en effet le ministre luxembourgeois. En ces temps de crise, "nous ne devons pas commettre l’erreur de concentrer à nouveau notre énergie sur des débats portant sur les traités", explique Jean Asselborn qui craint que cela ne puisse porter préjudice à la crédibilité de l’UE et que cela ne fasse l’objet d’incompréhension de la part des citoyens.

Pour le chef de la diplomatie luxembourgeoise il est tout à fait pertinent que les ministres des Affaires étrangères se réunissent pour réfléchir au rôle de l’UE à l’avenir. Mais il aurait souhaité que les débats soient ouverts à tous les membres de l’UE. "Tout le monde ne veut pas plus d’intégration, ce qu’il faut respecter", admet Jean Asselborn, mais il insiste aussi pour dire que pour avancer dans une Union il faut éviter, dans de telles discussions, d’attiser d’avance la méfiance et d’exclure des pays. Jean Asselborn raconte par ailleurs avoir recommandé, si ces discussions devaient aboutir à un document de réflexion, à ce qu’il soit introduit ensuite dans les structures existantes de l’Union.

Lorsque le journaliste lui demande s’il sait pourquoi certains Etats membres ont été invités et d’autres non, Jean Asselborn souligne dans un premier temps que les six membres fondateurs étaient représentés. Devant l’insistance du journaliste, il rapporte que l’argument de l’Allemagne était qu’à 27, on n’arrive jamais à lancer quelque chose. Jean Asselborn a pour sa part proposé d’élargir le cercle après cette première réunion, de façon à ce que tout pays qui ait envie de participer puisse le faire. Une proposition soutenue par plusieurs pays, dont certains ont du poids, comme l’Espagne, l’Italie ou la Belgique par exemple, rapporte encore le chef de la diplomatie luxembourgeoise. "Ce fut un très bon point de départ, mais comment faire face aux collègues qui n’ont pas été invités ?" Jean Asselborn s’interroge en soulignant que, de son point de vue, chaque pays a le droit de participer s’il le souhaite.

L’UE ne doit pas être une "construction pour intellectuels"

Les questions posées à l’occasion de cette première session de discussions ont été, sur le fond, les bonnes, juge Jean Asselborn. "L’Europe en tant qu’acteur global, le fait que tout ne doit pas tourner qu’autour de l’euro", cite-t-il comme exemples des sujets débattus. "Il y a beaucoup d’autres thèmes européens", poursuit le ministre qui prend l’exemple de Schengen. "C’est fatal de jouer avec cela, d’autant plus dans un grand pays, dans une campagne électorale", glisse ainsi Jean Asselborn, faisant référence aux déclarations du président français Nicolas Sarkozy. "On imagine une Europe aux frontières desquelles voitures et camions feraient à nouveau des kilomètres de queue pour des contrôles d’identité, cela signifierait l’arrêt de mort de l’UE dans la tête des gens", commente ainsi Jean Asselborn. Pour lui, l’UE ne doit pas être une "construction pour intellectuels" et il rappelle à ce titre que l’intention était, après la guerre, d’apporter une plus value à ses citoyens et de montrer qu’on vient à bout de beaucoup de choses non pas sur le plan national, mais ensemble, et ce de façon bien plus efficace.

Au cours de la réunion, il a été question de la politique étrangère de l’UE. Jean Asselborn rapporte à ce sujet que tous les participants sont d’avis qu’une structure commune est nécessaire pour une politique européenne de défense. Cela ne signifie pas s’armer plus, mais tout simplement intégrer les structures militaires et de politique de défense existant dans un quartier général européen, une centrale où on peut avancer de manière coordonnée, précise-t-il. "Nous savons qu’un pays en particulier a encore de gros problèmes avec cette idée", ajoute Jean Asselborn. "Pensez-vous à la Grande-Bretagne ?", lui demande le journaliste. "J’espère que nous allons dépasser cela", répond, sans répondre, Jean Asselborn avant d’ajouter qu’il a aussi été question d’une Europe fédérale.

D’après Jean Asselborn, tout le monde s’entend pour affirmer que "nous avons besoin de plus d’Europe, et non de moins d’Europe". Mais le ministre luxembourgeois précise que lorsqu’il est question d’une Europe fédérale, la perspective porte plutôt à l’horizon 2050. "Cela signifierait que nous aurions un jour en Europe un président, un gouvernement, un parlement qui contrôlerait ce gouvernement", imagine Jean Asselborn qui juge que "nous ne sommes pas mûrs pour le moment". Toutefois, il se dit convaincu que l’objectif doit être de devenir un jour un vrai acteur global. "Nous ne devons pas nous lancer à nouveau dans des bouleversements institutionnels", redit Jean Asselborn qui appelle plutôt à "observer tout d’abord comment fonctionne Lisbonne, traité pour lequel nous avons eu besoin de dix ans".