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Justice, liberté, sécurité et immigration
Les déclarations de Nicolas Sarkozy sur Schengen soulèvent une forte indignation au Luxembourg
13-03-2012


Le 11 mars 2012, le président français Nicolas Sarkozy a menacé, à l’occasion d’un meeting de campagne rassemblant plusieurs dizaines de milliers de ses partisans, de sortir la France de l'espace Schengen si les accords européens sur la libre-circulation ne sont pas révisés. "Il faut pouvoir sanctionner, suspendre ou exclure de Schengen un Etat défaillant, comme on peut sanctionner un Etat de la zone euro qui ne remplirait pas ses obligations", a fait valoir le président français. Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à évoquer des mesures unilatérales si la situation n'évolue pas "dans les 12 mois", sur Schengen comme sur l'adoption de mesures protectionnistes pour défendre les entreprises européennes ("Buy European Act").

Une sortie qui n’a pas manqué de susciter des réactions en Europe. Si la porte-parole du président de la Commission européenne s’est refusée, tout comme Viviane Reding, qui était à Luxembourg, à "commenter tout discours de campagne électorale" au lendemain de ce meeting, Cecilia Malmström, membre de la Commission en charge des questions d’immigration, n’a pas tardé à faire quelques rappels au sujet de la zone Schengen. "Schengen fait partie du traité" de l'Union européenne et "donc une modification demandera un changement de ce traité", a-t-elle déclaré à la presse le 12 mars 2012. Or, si la France souhaite introduire la possibilité d'exclusion définitive pure et simple d'un Etat, il faudrait alors en passer par une révision du traité et donc l'assentiment de tous. Cette clause n'existe pas en effet aujourd'hui.

"Nous sommes en train de négocier" des propositions faites à la demande des gouvernements européens, qui visent à renforcer le système d'évaluation "des contrôles aux frontières par les différents pays de l'espace Schengen, à "renforcer la confiance de la zone et garantir la libre circulation", a par ailleurs rappelé la commissaire, faisant état des progrès en cours, même s’il "reste encore certaines choses à faire". Il en a d’ailleurs été question lors du Conseil JAI du 8 mars dernier, une réunion à laquelle le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, n'a pas participé, ainsi que le relève l’AFP.  

"Remettre en question Schengen pour plaire aux électeurs du Front national, c’est anti-européen et populiste", s’indigne Jean Asselborn

Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, a réagi pour le moins vivement aux propos de Nicolas Sarkozy. S’il n’a pas l’intention de se mêler de la campagne électorale française, le ministre estime en effet avoir le droit de dire quelque chose au sujet de Schengen, qui est "l’image de marque" de l’Europe. "Remettre en question Schengen pour plaire aux électeurs du Front national, c’est anti-européen et populiste", s’est indigné lDNRe chef de la diplomatie luxembourgeoise sur les ondes de la DNR le 12 mars 2012. "Et cela signifie fouler aux pieds l’instrument qui représente le mieux l’intégration européenne pour les citoyens, et ce d’autant plus quand cela vient d’un grand pays de l’UE et quand ce pays a donné beaucoup dans son histoire pour la liberté", a-t-il encore déploré.

Certes, admet Jean Asselborn, le système Schengen doit être renforcé contre les abus, et le ministre rappelle donc que la Commission a mis sur la table des propositions qui sont actuellement en discussion dans le cadre de la méthode communautaire. Pour le ministre socialiste, cette dernière ne doit pas être remise en question, surtout de la part d’un des plus grands pays de l’Union. "J’ai pleine confiance dans le peuple français", poursuit Jean Asselborn rtlqui estime qu’il va lui-même tirer la sonnette d’alarme, comme l’ont fait les Danois en 2011. A ses yeux, c’est en effet la remise en question de Schengen qui a été sanctionnée aux élections danoises.

"Cela fait mal", a encore confié Jean Asselborn au micro d’Eric Ewald sur RTL Radio Lëtzebuerg : "Cela blesse tous ceux qui croient dans l’Europe et qui savent que nous avons besoin d’Europe pour compter dans le monde et pour avancer".

La journaliste Audrey Sommard dresse un inventaire des réactions des différents partis luxembourgeois dans un article publié dans le Quotidien daté du 13 mars 2012

Dans son édition datée du 13 mars 2012, le Quotidien fait un tour des réactions des différents partis politiques luxembourgeois. "Au CSV, on préfère ne pas faire de commentaires", observe la journaliste Audrey Sommard qui cite le président du parti, Michel Wolter : "Il est en campagne, il essaie juste de ramasser un maximum de voix...".Le Quotidien

"Du côté du DP, on essaie de tempérer", poursuit-elle, citant Claude Meisch : "C'est la campagne, il ne faut pas prendre ces propos très au sérieux... Si Monsieur Sarkozy a décidé de thématiser sur les sujets habituellement traités par l'extrême droite, je doute que donner l'image d'un antieuropéen l'aide à gagner cette campagne présidentielle".

Roby Mehlen, de l’ADR, souligne lui aussi que "c'est la campagne électorale en France", en expliquant toutefois qu’il n'y a "pas d'urgence à réviser ce traité, les frontières extérieures de l'Europe sont normalement sécurisées". "Il faudrait juste veiller à ce que la charge des demandeurs d'asile soit bien répartie entre les différents Etats membres", ajoute le député ADR.

"Du côté de la gauche, on hésite moins à critiquer le candidat français", observe Audrey Sommard. "Sarkozy est un démagogue, ce qui l'intéresse c'est la libre circulation des capitaux. Il tape sur les musulmans, les chômeurs, c'est un discours quasi d'extrême droite. Sa parole n'a aucune valeur, ce sont les paroles d'un président au pouvoir depuis cinq ans et qui risque fort de ne pas être réélu", lui a en effet confié David Wagner, porte-parole de Déi Lénk.

"Ces propos sont très dangereux car ils sont aussi bien populistes qu'antieuropéens", a pour sa part déclaré Sam Tanson, coprésidente de Déi Gréng, se faisant l’écho des déclarations du ministre des Affaires étrangères. "A deux mois de l'élection présidentielle, Sarkozy essaie de ramasser les voix de l'extrême droite", analyse la jeune écologiste.

"Sarkozy veut entraîner l'Europe dans un tourbillon, il a concentré tous les pouvoirs sur sa personne depuis cinq ans, c'est surprenant qu'il découvre seulement aujourd'hui la politique européenne. Il est dangereux, imprévisible, il est toujours à la recherche permanente du scoop. C'est indigne d'un pays comme la France", a fustigé le président du LSAP, Alex Bodry.

"Mais c'est Robert Goebbels, eurodéputé socialiste, qui a les propos les plus durs sur le candidat français", commente Audrey Sommard. "C'est lamentable! Monsieur Sarkozy chasse sur les terres du Front national. Vu que ses chances de remporter l'élection diminuent, il s'accroche à n'importe quoi", a confié le parlementaire européen à la journaliste. "J'ai du mal à m'imaginer qu'il sait de quoi il parle. Il n'a manifestement pas lu le traité de Lisbonne qui contient "l'acquis Schengen" où il est stipulé qu'un pays peut fermer ses frontières avec l'accord du Conseil européen. Donc si Nicolas Sarkozy estime qu'il y a trop d'immigration sur son territoire, il peut toujours invoquer cet article", poursuit le signataire historique de l’accord de Schengen. "Mais ensuite, comment faire pour contrôler quotidiennement les 100 000 frontaliers qui viennent au Luxembourg tous les jours, et les millions de touristes qui viennent chaque année passer leurs vacances en France..." Robert Goebbels a une réponse toute prête à la question qu’il soulève : "Sur un plan technique c'est ridicule, mais heureusement, il ne sera pas réélu, ça évitera les conneries".