Le 8 mars 2012, le ministre luxembourgeois en charge, entre autres, de l’Immigration, Nicolas Schmit, s’est rendu à Bruxelles pour un Conseil JAI qui a permis de faire le point sur les avancées en matière de mise en place d’un régime d’asile européen commun.
Les ministres ont aussi adopté des conclusions appelant à renforcer la gouvernance de Schengen, en prévoyant notamment des discussions biannuelles au niveau ministériel, ainsi que des conclusions sur un cadre commun "pour une solidarité réelle et concrète à l'égard des États membres dont le régime d'asile est soumis à des pressions particulièrement fortes, notamment en raison de flux migratoires mixtes". Ce cadre commun entend être "une boîte à outils" qui va notamment introduire un mécanisme d’alerte rapide et de gestion des crises afin de renforcer le suivi des flux migratoires et de fournir de l’aide sur le terrain en cas d’urgence. L’objectif est d’assurer que des actions concrètes seront bien entreprises pour fournir une aide rapide et efficace aux Etats qui en ont besoin.
Les ministres ont eu par ailleurs une discussion au sujet du cas de la Grèce, et de sa gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen et de l'UE. Sur ce dernier point, la commissaire en charge des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, juge la situation "préoccupante", comme elle l’a confié à la presse à l’issue de la réunion. Marisandra Ozolins évoque dans un article paru dans le Tageblatt daté du 9 mars 2012 le chiffre de plus de 60 000 personnes ayant franchi illégalement la frontière en 2011. 200 personnes franchiraient chaque jour clandestinement la frontière entre la Turquie et la Grèce pour tenter ensuite de gagner les autres pays de l'UE et ce chiffre pourrait augmenter au printemps si aucune mesure n’est prise.
Les discussions avec la Grèce ont aussi porté sur le droit d'asile. La Grèce avait en effet été sommée en janvier dernier de mettre en place des conditions d'accueil conformes aux normes européennes pour les demandeurs d'asile et "beaucoup reste à faire", comme l’a déploré la commissaire. "Il faut que la Grèce remplisse ses devoirs", a insisté le ministre allemand de l'Intérieur Hans-Peter Friedrich. C’est la sixième fois que la réforme du système d’asile grec est à l’ordre du jour du Conseil, rapporte Marisandra Ozolins.
"Cette frontière est ouverte comme la porte d'une grange", s'est insurgée la ministre autrichienne de l'Intérieur Johanna Mikl-Leitner, donnant le ton des discussions. L’Autriche compte d’ailleurs parmi le groupe de sept pays, avec l’Allemagne, la Belgique, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, qui ont invité avec insistance les autorités grecques à veiller à mettre en place une protection des frontières adéquate, comme le rapporte la journaliste du Tageblatt en évoquant l’existence d’un "non paper" proposant une série de mesures visant à réduire l’immigration illégale dans l’UE.
Le ministre Nicolas Schmit admet qu’il pourrait souscrire aux "grandes lignes" de ce document, le Luxembourg faisant lui aussi face à un accroissement de la pression en matière d’immigration illégale ces deux derniers mois, comme il l’a confié à Marisandra Ozolins à l’issue du Conseil. En revanche, contrairement au ministre allemand Hans-Peter Friedrich qui critique "le manque de volonté politique de la Grèce", Nicolas Schmit a expliqué les difficultés de la Grèce d’une part par la position de la Turquie, qui se refuse à signer un accord de réadmission, et d’autre part par les possibilités de la Grèce. La Grèce se voit en effet prescrire par la troïka des "coupes budgétaires indescriptibles" et une réduction du nombre de ses employés, alors qu’on exige d’elle par ailleurs qu’elle fasse des "efforts supplémentaires pour protéger les frontières extérieures de l’UE", a observé Nicolas Schmit. Le ministre luxembourgeois appelle à la cohérence. Il plaide ainsi pour qu’on aide plutôt la Grèce à mettre en place des structures adaptées et à assurer un accueil correct des réfugiés. Pour Nicolas Schmit, il faut faire preuve de solidarité, mais il faut aussi un dialogue renforcé avec la Turquie.
Pour autant, les ministres ne sont pas parvenus à s'entendre pour améliorer les relations avec la Turquie afin d'aider la Grèce à contrôler la frontière entre les deux pays, point de passage des migrants clandestins, et cet échec exacerbe les tensions entre les Etats. La Turquie bloque en effet un accord de réadmission, car les Européens rechignent de leur côté à octroyer des facilités de visas aux ressortissants turcs, comme le rapporte l’agence de presse AFP. Un blocage qui semble perdurer. "Les relations avec la Turquie ne sont pas faciles", a ainsi concédé Cécilia Malmström en indiquant que, si des décisions n’ont pas été prises, "nous avons une meilleure image de la situation".