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Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil JAI : la politique européenne d'asile n'avance pas
27-01-2012


Les 26 et 27 janvier, à Copenhague, se tenait un Conseil informel Justice et Affaires intérieures sous présidence danoise. Les Vingt-Sept tentaient de faire avancer leurs discussions sur une politique européenne d'asile, qui selon la volonté originelle de la Commission, auraient déjà dû aboutir au début de cette année 2012.

Ce sont les dimensions de l'accueil des demandeurs d'asiles et de la solidarité entre Etats membres qui étaient cette fois au centre des débats. Les nouveaux afflux de demandeurs d'asile observés dans la quasi-totalité des Etats membres en 2011 et la question de leur prise en charge auront continué de diviser les pays du Nord et les pays méditerranéens.A gauche Cecila Malmström (source : présidence danoise)

La Grèce, Chypre et Malte ont demandé aux pays du Nord de nouveaux efforts pour les aider face aux fortes pressions migratoires qu'ils subissent. Ils espéraient notamment obtenir une suspension provisoire du règlement Dublin II, lequel prévoit que le premier Etat membre sur lequel un réfugié a posé le pied, doit s'occuper du traitement de sa demande d'asile et de son accueil.

La commissaire européenne en charge de l'Intérieur, Cécilia Malmström, soutenait l'idée d'une nouvelle répartition des demandeurs d'asile entre les Etats, dans la lignée de la communication de la Commission publiée le 2 décembre 2011 titrée "Moins de discours, plus de solidarité".

Mais la prise en charge des demandes d'asile reste pour l’heure du ressort de chaque Etat membre. L'Allemagne, la France et le Royaume-Uni se sont opposés à toute reconfiguration. "La suspension ne serait pas une solution car tous les trafiquants d'êtres humains considéreraient la Grèce comme une porte ouverte" dans l'UE, a estimé le secrétaire d'Etat allemand à l'Intérieur, Olaf Schröder. Il considère que la prise en charge de demandeurs d'asile par solidarité devrait continuer de se faire sur une base volontaire.

Olaf Schröder a d'ailleurs fait valoir que l'Allemagne a déjà accueilli 5 000 demandeurs d'asile venant de Grèce, sans recourir au règlement Dublin II pour les y renvoyer.  "Cela montre que nous assumons notre responsabilité humanitaire", a-t-il dit. Il a ajouté que son pays avait déjà suffisamment mis à disposition de moyens financiers et personnels. Désormais, ce serait aux pays du Sud de mettre en place des systèmes d'asile plus efficaces.

L'Allemagne vise tout particulièrement la Grèce vers laquelle elle ne renvoie désormais plus de demandeurs d'asile en raison de la jurisprudence établie par l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 21 décembre 2011. Jugeant les conditions d'accueil indignes en Grèce pour la seconde fois en 2011, la Cour y arrêtait qu'"un demandeur d'asile ne peut pas être transféré vers un État membre où il risque d'être soumis à des traitements inhumains", selon le communiqué de presse diffusé alors.

"Le Luxembourg aussi est confronté à un afflux de demandeurs d'asile"

La quasi-totalité des états membres se voient confronter à une hausse du nombre de demandeurs d'asile sur leur territoire. Au premier semestre 2011, l'Allemagne a enregistré une progression de 24 %. Le ministre de l'Intérieur chypriote, Neoclis Sylikiotis  s'est montré compréhensif et a même souligné que "l'Allemagne n'est pas le seul pays à avoir des problèmes". "Le Luxembourg aussi est confronté à un afflux de demandeurs d'asile."

En marge du sommet, le ministre luxembourgeois de l'Immigration, Nicolas Schmit a en effet signé un accord avec le Bureau européen d'appui pour l'asile pour obtenir le renfort de ses équipes de soutien.

Par ailleurs, les Vingt-Sept ont pu s'accorder pour renforcer ce bureau mais aussi l'agence de protection des frontières Frontex qui tous deux permettent d'apporter un soutien aux Etats membres. La présidence danoise a jugé qu'il s'agissait là d'"un grand pas en avant".

Et pour les sujets qui restent bloqués, le ministre danois de la Justice, Morten Bodskov, a dit vouloir dégager une solution pour la prochaine réunion formelle des ministres à Bruxelles, le 8 mars. Dans une tribune parue le 26 janvier 2012 dans le journal italien, L'Avvenire, la commissaire Cecilia Malmström a fait part de son amertume devant "l'échec de l'Europe" sur la politique d’asile : "Le climat politique dans de nombreux pays pose problème. C'est la première fois depuis la seconde Guerre Mondiale que l'on compte autant de partis populistes et xénophobes dans les Parlement nationaux".

Regroupement familial

Les Vingt-Sept ont également abordé la question du regroupement familial. La Commission avait, en novembre 2011, publié un Livre vert sur le droit au regroupement familial. Afin d'affiner la directive de 2003 qui laissait une large marge de manœuvre aux Etats membres, elle imaginait préciser de nouveaux critères tels que les limites d'âge, l'étendue des liens familiaux nécessaires mais aussi les procédures et mesures d'intégration mises en place. L'échange de vues devait aussi permettre de discuter des différentes expériences en ce qui concerne notamment les fraudes et les mariages forcés qui auraient pu être constatés.

Sanctionner les opérations d'initiés et manipulations de marché

Le 27 janvier 2012, le Conseil informel «Justice et affaires intérieures» (JAI) à Copenhague abordait le fonds de la proposition de directive relative aux opérations d'initiés et aux manipulations de marché. Cette directive vient en soutien des règles européennes relatives aux abus de marché lesquelles interdisent à ceux qui disposent d'informations privilégiées d'effectuer des opérations sur des instruments financiers en rapport, et qui proscrivent la manipulation de marché. En pénalisant ces comportements, l'Union cherche à renforcer la confiance des investisseurs et l'intégrité des marchés.

Une nouvelle règlementation doit assurer que les sanctions prévues dans ces deux cas d'enfreinte à la loi sont d'ordre pénal et qu'elles sont suffisamment "effectives, proportionnées et dissuasives" dans chacun des Etats membres. La directive avance en ce sens des critères généraux  qui puissent garantir que la criminalité ne puisse pas exploiter des différences de législations nationales.

Les ministres de la Justice se sont entendus sur des standards communs de sanction pénale. Le niveau de la peine resterait de la compétence des Etats. Mais la directive envisage des peines minimales (d'au moins cinq millions d'euros pour un opérateur de marché et de 10 % du chiffre d'affaires pour les entreprises).

Le ministre luxembourgeois de la Justice, François Biltgen, veut aller plus loin. Il plaide "pour que la directive ne soit pas limitée au rapprochement des éléments constitutifs des infractions pénales, mais qu'elle procède aussi un certain rapprochement des sanctions pénales". Cela "permettrait une approche plus cohérente de ce type de criminalité et permettrait d'envoyer un message politique clair et uniforme que les opérations d’initiés et les manipulations de marché sont des infractions graves", lit-on dans le communiqué de presse ministériel.

Transfert des condamnés et réintégration sociale

Les ministres de la Justice ont également abordé la mise en œuvre d'une législation européenne relative à la reconnaissance mutuelle des peines de prison. Le 27 novembre 2008, le Conseil avait adopté une décision-cadre  qui permette le transfert d'une personne condamnée à une peine de prison dans un État membre de l'Union vers un autre État membre pour qu’elle y exécute sa peine. Le but est de faciliter la réinsertion sociale des personnes condamnées.

L'Etat prononçant la peine est ainsi invité à mesurer l'attachement du condamné au pays désigné pour l'exécution, les liens familiaux qu'il y entretient. Le transfert devait aussi s'opérer le plus tôt possible afin de multiplier les chances d'une réussite de la réinsertion après l'exécution de la peine. Cette résolution mettait aussi en avant l'intérêt bien compris de chaque Etat membre, à une réinsertion couronnée de succès.

Les Vingt-Sept ont ainsi discuté du fonctionnement des transferts des prisonniers d'un Etat à l'autre et examiner s'il y avait un besoin d'une décision européenne pour assurer des possibilités de cette réhabilitation. La directive avait été transposée en en droit luxembourgeois par la loi du 28 février 2011. Le ministre Francçois Biltgen "a ainsi salué les propositions de la Présidence tendant à renforcer la coopération pratique entre les administrations nationales, coopération indispensable à un bon déroulement des procédures administratives entre les États membres", dit le communiqué publié par le ministère de la Justice.

Réforme du règlement sur la compétence internationale des tribunaux

Les Vingt-Sept se sont par ailleurs penchés sur la réforme du règlement sur la compétence internationale des tribunaux et la reconnaissance des décisions de justice au sein de l’UE. L’Union envisage ainsi d'établir des normes communes qui permettraient aux entreprises comme aux consommateurs d’introduire des actions en justice auprès de leurs juridictions nationales contre des défendeurs établis dans des pays tiers. Le ministre de la Justice, François Biltgen a pour sa part plaidé en faveur d'"une harmonisation partielle de ces normes au niveau européen dans un certain nombre de domaines comme par exemple la responsabilité délictuelle" en cas d'accidents de la circulation.

Echanges de données des passagers de vols aériens

Le ministre de l'Intérieur et à la Grande Région, Jean-Marie Halsdorf, a de son côté pris part aux discussions sur le financement des systèmes de collecte et d'échanges de données personnelles des passagers aériens, dits systèmes PNR (pour Passenger Name Record). La forme que prendront ces systèmes controversés n'est pas encore fixée.

Dans le cadre du programme de Stockholm, la Commission avait émis le 2 février 2011 une proposition de directive sur l'usage et l'échange de ces données afin de détecter des infractions terroristes et des formes graves de criminalité. Plusieurs Etats membres avaient émis des réserves sur le plan financier. La Commission avait proposé de créer un fonds de sécurité intérieur dans le programme financier 2014-20.