Alors que les ministres des Finances de l’UE devaient se pencher le 13 mars 2012 sur la proposition de la Commission visant à introduire une taxe sur les transactions financières (TTF), un dossier qui ne manque pas de susciter le débat au Luxembourg, le Tageblatt s’est enquis auprès de l’Association luxembourgeoise de l’industrie des fonds (ALFI) de son point de vue sur ce dossier.
Le directeur de l’ALFI, Camille Thommes, a ainsi expliqué au journaliste Christian Muller que cette taxe "ne remplit pas son objectif". Si les politiques la présente en effet comme si elle ne devait concerner que les nantis, Camille Thommes estime au contraire que cette taxe, loin de ne toucher que les riches, frapperait "surtout les petits épargnants en fonds d’Etat, qui ont des plans de retraite ou des plans d’épargne". Camille Thommes se réfère à de nombreuses études qui, selon lui, confirmeraient ce problème. Il cite ainsi les calculs effectués dans le cadre d’une étude allemande selon lesquels une personne qui aurait investi 100 euros par mois dans un fonds d’investissement pour la retraite pendant 40 ans perdrait au bout du compte 14 000 euros, c’est-à-dire 10 % du total de son épargne.
Par ailleurs, argue le directeur de l’ALFI, la taxe sur les transactions financières désavantagerait le secteur des fonds d’investissements. Si un investisseur achète une action, il va payer la taxe au moment de l’achat, puis au moment de la vente. En revanche, s’il investit dans un fonds d’investissement, il va payer à l’achat, à la vente, mais aussi à chaque fois que le fonds fera une transaction, a en effet expliqué Camille Thommes au journaliste.
Le directeur de l’ALFI souligne aussi que les fonds sont soumis à des règles et doivent adapter régulièrement leur portefeuille. "Les fonds on été conçus pour faciliter la vie des petits investisseurs et pour les aider à disperser les risques", rappelle Camille Thommes qui craint que l’introduction de la TTF, en renchérissant l’investissement dans les fonds pour les personnes privées, les entreprises et les assurances-vie, ne désavantage les fonds par rapport à l’achat direct d’actions
"L’attractivité mondiale des fonds UCITS en souffrirait fortement", avance encore Camille Thommes qui met là le doigt sur un sujet sensible dans la mesure où les fonds UCITS sont considérés comme une success-story européenne et luxembourgeoise.
Argument bien connu de la place financière qu’est le Luxembourg, le Grand-Duché ne devrait participer, si la pression politique pour l’introduction d’une telle taxe devait se maintenir, qu’à condition qu’elle soit mondiale, estime Camille Thommes. La compétitivité de la place des fonds d’investissement serait sinon menacée, et ce d’autant plus que 40 % des fonds luxembourgeois sont vendus en dehors de l’UE. "Si vous avez votre siège à Singapour et que vous avez le choix entre l’achat d’un fonds luxembourgeois (avec taxe) et d’un fonds américain (sans taxe), pour lequel allez-vous vous décider ?", demande, pour résumer la situation, Camille Thommes.
Le directeur de l’ALFI souligne aussi que, contrairement à d’autres pays, comme l’Allemagne, la France ou l’Irlande, le secteur des fonds est déjà soumis à la taxe d’abonnement au Luxembourg, laquelle rapporte 600 millions d’euros par an. "Nous sommes fiers de pouvoir contribuer autant aux recettes fiscales", glisse ainsi Camille Thommes, en faisant le calcul que cela représente près de 10 % des recettes fiscales du Luxembourg.
La fédération européenne des fonds d'investissement, Efama, a calculé qu’une telle taxe coûterait 38 milliards d’euros aux fonds européens, le tiers de cette somme étant redevable par les fonds luxembourgeois selon ces calculs. Cette somme irait à l’Europe, imagine Camille Thommes qui voit comme conséquences de l’introduction de la TTF la fuite des fonds à l’étranger, la chute du nombre d’emplois dans le secteur (actuellement 13 000) et la diminution des recettes fiscales du Grand-Duché.