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Citoyenneté, jumelages, mémoire - Emploi et politique sociale - Opinion
Dans un contexte de forte immigration venant de l’UE, la Chambre de commerce évoque dans une étude un Luxembourg dont l’économie fait preuve d' "un rayonnement transfrontalier", où "la diversité règne" mais "l’intégration piétine"
20-04-2012


Avec son douzième bulletin économique "Actualité & tendances", publié au mois de mars 2012, la Chambre de Commerce livre un document de 180 pages qui analyse l'apport socio-économique des étrangers au Luxembourg  et propose des moyens d'améliorer une politique d'intégration jugée déficitaire. Son analyse et ses propositions secouent le consensus apparent  en proposant de nombreuses pistes qui permettraient de favoriser l'intégration des étrangers et la croissance économique en modifiant le régime linguistique dans les faits et en transformant les structures de participation politiques.

Le Luxembourg est l'Etat membre de l'Union européenne qui compte parmi sa population la plus grande part d'étrangers (43 % contre 6,2 % en moyenne dans l'Union européenne). La Chambre de commerce souligne d'ailleurs que la grande majorité des étrangers présents sur le territoire sont des ressortissants de l’UE. Et elle constate : "Cette immigration a davantage été portée par la libre circulation des travailleurs au sein du marché unique que par un volontarisme politique national particulièrement proactif." L’idée de la publication de la Chambre de commerce est de donner dans ce contexte à la politique des impulsions pour changer les choses et introduire de nouvelles pratiques. Elle s'intéresse aussi à l'apport des travailleurs frontaliers et au moyen de les faire participer davantage aux débats et prises de décision nationales. 

Pour la Chambre des Commerce, au Luxembourg "la diversité règne, l’intégration piétine"

Dans l'introduction de son document intitulé "Le rayonnement transfrontalier de l’économie luxembourgeoise : la diversité règne, l’intégration piétine", la Chambre de commerce pose d'emblée lecc-etude-integration décor en contredisant hardiment un slogan national. En effet, la fameuse revendication "Mir wëlle bleiwen wat mer sin" ("Nous voulons rester ce que nous sommes") y devient "Fir kënnen ze hale wat mer hunn kënne mer net bleiwe wat mer sinn" ("Pour garder ce que nous avons, nous ne pouvons pas rester ce que nous sommes"). La Chambre de commerce plaide en conséquence pour une "grande ouverture d’esprit" et la fin d'une mentalité " propice à l’inertie et à la défense myope d’acquis de tous genres".

Pour cause, ce serait ni plus ni moins que l'avenir du pays qui serait en jeu : "Un pays dépendant si fondamentalement de la prise de risque étrangère pour développer son activité entrepreneuriale, qui a besoin d’immigrés pour créer et occuper les postes de travail qu’il ne peut pas pourvoir avec ses propres ressources et qui est amené à exporter plus de 80 % de sa production en raison d’un marché intérieur trop exigu, ne peut pas continuer à s’approprier la fonction publique, à monopoliser le débat public et à mettre en œuvre une politique redistributive dont bénéficient, en premier lieu, surtout ses propres ressortissants. Le Luxembourg ne pourra pas s’attendre à ce qu’un tel modèle puisse fonctionner ad aeternam."

La Chambre de commerce voit dans cette mentalité une explication du manque d'audace "des législations et institutions en vigueur" pour ce qui est de "renforcer la cohésion sociale et la capacité d’intégration" et ainsi afin d'assurer que "l’apport socio-économique des étrangers trouve son juste contrepoids politique".

Elle recourt à l'histoire (auquel une large partie de la publication est consacrée) pour inscrire un tel changement dans une continuité pluriséculaire. "Depuis les balbutiements de l’industrialisation, la disponibilité d’une main-d’œuvre transfrontalière et l’attraction de capitaux et de savoir-faire étrangers sont largement à la base du succès économique et du niveau de vie élevé du Luxembourg." Laquelle allait de pair avec une "volonté permanente d’intégration politique et économique".

Du poids économique décisif des étrangers

"Le profil socio-économique du pays fait ressortir une importante contribution transfrontalière, sans laquelle l’économie serait dans l’incapacité de remplir ne serait-ce que ses fonctions de base. En l’absence d’une économie rayonnante bien au-delà de ses frontières, le Luxembourg n’aurait pas pu se doter d’un des systèmes redistributifs les plus généreux au monde, dont bénéficient en premier lieu les résidents."

La part d’étrangers dans la population atteint environ 43 %, une situation tout à fait unique alors que la moyenne de l’UE est  évaluée à 6,2%. A cela s'ajoute le fait que le Luxembourg dispose "du degré d’ouverture économique de loin le plus important de l’Union européenne". La Chambre de commerce souligne que cette ouverture lui a permis de croître plus rapidement que la moyenne européenne et que "la seule vigueur du marché national -même aidée par l’immigration soutenue - ne l’aurait permis".

Par ailleurs, 75 % des créateurs d’entreprises sont des ressortissants d’autres pays. Environ 3 salariés et créateurs d’entreprises sur 4 ne sont pas des Luxembourgeois. L'étranger, c'est aussi celui qui achète à l'étranger et celui qui investit à domicile. Ainsi, la part du commerce extérieur dans le PIB "emboîte le pas" à la consommation des ménages résidents tandis que les capitaux étrangers investis dans l’économie luxembourgeoise atteignent 2,8 fois la richesse économique produite sur son sol. "Le réservoir de la main-d’œuvre autochtone est largement épuisé", rappelle plus loin la Chambre de Commerce. Ainsi, entre 2004 et 2009, seulement 7 % des nouveaux emplois créés ont été occupés par des Luxembourgeois.

Elle n'oublie pas non plus de prendre en compte le pilier que constitue le travail frontalier. Le nombre d’emplois a doublé sur les 20 dernières années. Dans la même période, le travail frontalier a connu une progression de 450 %. En 2010, dans le monde du travail, sur 100 salariés, on comptait 29 Luxembourgeois, 27 résidents étrangers pour 44 frontaliers. La présence des frontaliers a en plus de son apport économique une influence directe sur l'Etat social. En effet, en 2010, ils ont assuré 43,5 % des contributions à l’assurance-pension.

Seuls le solde migratoire et le solde naturel positif des étrangers, plus jeunes, font que le Luxembourg ne subit pas de déclin démographique. Ainsi "la contribution étrangère est plus que jamais nécessaire pour pérenniser le modèle socio-économique luxembourgeois"

Trois domaines centraux pour agir

Faisant de cet apport des étrangers, immigrés et frontaliers à la richesse du pays, le point de départ de son développement, la publication concentre ensuite son analyse critique et ses propositions sur trois champs qu'elle considère comme les plus déterminants : le cadre légal relatif à la nationalité luxembourgeoise, la participation politique des ressortissants étrangers et la situation langagière. Le pays doit optimiser sa "capacité d’intégration" et faire en sorte que les étrangers se sentent "à l’aise" au Luxembourg en se montrant "ouvert" vis-à-vis des étrangers. Cette ouverture se traduirait par un cadre "cohérent et propice à cette fin".

Une vision moderne de la nation

Avant d'aborder la question de la nationalité, la Chambre de commerce énonce d'abord sa vision moderne de la nation, reposant sur la définition donnée par le professeur de Philosophie à l'université du Luxembourg, Lukas Sosoe. Ainsi, la nation se définit-elle comme une "association de personnes, unies par des liens contractuels, manifestant ainsi leur volonté de vivre sous les mêmes lois".

Ce sentiment d'appartenance forgé par la seule loi permet une inclusion très large. Elle "valorise la volonté des individus de vivre ensemble, dans un même pays, et de participer à un projet commun de société". Ainsi, l’ensemble des membres de la nation n'est pas censée être "des résidents de souche, descendants eux-mêmes d’autochtones", souligne encore le document. "Les ressortissants étrangers peuvent ainsi appartenir à la nation s’ils le souhaitent, puisqu’ils ont plébiscité le Luxembourg par leurs choix de résidence et qu'ils contribuent quotidiennement au développement social et économique."

La Chambre de commerce poursuit sa réflexion abstraite en affirmant que le modèle d'intégration le plus adaptée au Luxembourg, au vu de la grande diversité de la population immigrée,  est celui qu'on dénomme "salad bowl ", au sein duquel les différentes "communautés ethniques" ont "un caractère mutuellement complémentaire".

Europaforum attire toutefois l'attention à cet endroit que jusqu’à aujourd’hui, le terme de "communauté ethnique" n’a jamais été introduit dans le débat sociétal luxembourgeois, la loi ne reconnaissant que des nationalités (qui peuvent inclure des personnes d’origine ethnique différente, tout en étant basées sur le fait que la notion d’origine ethnique est indifférente à la notion de nationalité, et sur l’idée que les confondre serait contraire à la loi et très problématique du point de vue sociétal). D'ailleurs, le terme de "communauté" n’a jamais été utilisé de manière formelle, systémique ou légale sur le territoire luxembourgeois, sauf dans le domaine religieux.  

Un étranger a le même droit d'appartenir à la nation luxembourgeoise qu'un Luxembourgeois de souche

En conséquence, la Chambre de commerce est d'avis qu'un étranger a le même droit d'appartenir à la nation luxembourgeoise qu’un Luxembourgeois de souche et ce, même s'il ne maîtrise pas les trois langues officiellement reconnues.Selon une enquête, 56 % des étrangers désirent adopter la nationalité luxembourgeoise. La Chambre en déduit un "potentiel naturalisable" de plus de 120 000 personnes. Le cas échéant, le "stock de nationaux" pourrait d'augmenter d'un taux proche de 40 % par rapport à la situation actuelle.

La Chambre de commerce concède que la loi sur la double nationalité a permis la venue dans la communauté de 8 000 personnes en deux ans. Mais elle défend un retour au délai de résidence de 5 ans – et non plus 7 ans – qui avait cours avant l'entrée en vigueur de la loi sur la double nationalité.

Abattre les barrières linguistiques

Remettre la langue luxembourgeoise à sa place

La langue luxembourgeoise doit "coexister" avec les langues principales, à savoir le français et l’allemand, et "non pas les supplanter", estime la Chambre de commerce. Et cela serait d'autant plus vrai que le Luxembourg se caractérise aussi par une immigration limitée dans le temps pour laquelle l’apprentissage de trois langues ne se conçoit guère.

Ainsi il est recommandé de "ne pas grossir outre mesure l’importance du luxembourgeois dans les sphères politique et administrative si le pays veut atteindre un surplus de cohésion sociale et d’intégration des ressortissants étrangers et des frontaliers".

Pour un régime linguistique en phase avec le pragmatisme des entreprises et pour un renforcement du statut des langues française et allemande au quotidien

La Chambre de commerce plaide pour une "meilleure prise en compte des réalités du secteur marchand, qui constitue la fondation du modèle social, également dans les sphères politique, administrative et dans la fonction publique". Une personne souhaitant immigrer doit d’abord s’approprier la principale langue pratiquée dans son entreprise d’accueil, qui est rarement le luxembourgeois, fait-elle savoir. En effet, le luxembourgeois (utilisé dans 80 % des entreprises) n'y est que la quatrième langue, devancé qu'il est par le français (utilisé dans 99,6 % des entreprises), l’anglais (88 %), l’allemand (83 %) et le luxembourgeois (80 %). "En aucun cas, la seule maîtrise du luxembourgeois ne suffit pour s’intégrer sur le marché du travail", ajoute-t-elle encore pour mieux en revendiquer une "exigence d’un niveau de maîtrise moindre du luxembourgeois dans le chef notamment du candidat à la naturalisation".

Une des conséquences, et qui a trait aussi à la participation politique, consiste à accroître "sensiblement" l’emploi des langues française et allemande dans la communication orale, notamment pour les campagnes électorales et les médias audiovisuels.Or, 66,9 % des étrangers font part de leur intérêt par rapport à la politique luxembourgeoise (dont 80 % des ressortissants allemands et plus de 70 % des ressortissants français).

La Chambre de commerce note que la situation linguistique du pays a peu changé depuis la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues qui définit une langue nationale, le luxembourgeois, au-delà de ce qui était requis par la Constitution. En effet, la population a augmenté de  40 % (+ 145 700 unités) faisant passer la part d’étrangers de 27 % à 43 % de la population. En conséquence, alors qu'en 1985, 70 % des salariés résidents étaient luxembourgeois, ils n'étaient plus que 52 % en 2008. Le taux de salariés ayant la nationalité luxembourgeoise a suivi une même tendance en passant de 59 % en 1985 à 29 % en 2008.

Dans la fonction publique

La question de la barrière linguistique se pose notamment pour ce qui est de l'accès à la fonction publique laquelle est au goût de la Chambre de commerce bien trop fermée aux non Luxembourgeois. "L'internationalisation de l'économie n'a que peu changé la vie quotidienne de nombreux indigènes." Et ces derniers auraient préféré, "peut-être inconsciemment" est-il précisé, opter pour la sécurité à travers une occupation dans le secteur public.  Elle rappelle que fin mars 2008, plus de 40 % des travailleurs luxembourgeois étaient occupés dans le secteur public. En 2008, 87,3 % des salariés dans la fonction publique  avaient la nationalité luxembourgeoise alors qu’au même moment, l’économie comptait 71 % d’étrangers.

Ainsi, souligne-t-elle d'abord la contradiction qui réside dans le fait que les critères linguistiques soient "plus exigeants pour une entrée dans la fonction publique que pour l'accession à la nationalité". Elle considère au contraire que le candidat à la fonction publique ne devrait pas passer de nouvelle épreuve linguistique en luxembourgeois s'il a déjà satisfait aux critères exigés pour l'obtention de la nationalité. Ainsi, "le niveau requis doit s’apprécier, avant tout, à l’aune de la compréhension de la langue parlée et, dans une moindre mesure seulement, de son emploi."

Pour une fonction publique moderne et décloisonnée

La loi du 17 mai 1999 a certes aboli la condition de nationalité, dans les secteurs de  la recherche, de l’enseignement, de la santé, des transports, des postes et télécommunications et de la distribution de l’eau, du gaz et de l’électricité. Mais elle n'a pas occasionné d'"embauche significative" de fonctionnaires de nationalité étrangère pour autant. La quote-part d’étrangers n'a connu qu'"une hausse timide", un passage de 7 % en 1995 à 13 % en 2009.

La Chambre de commerce demande sans le formuler ainsi au Luxembourg de se mettre en ligne avec son histoire et ses aspirations européennes. Car en matière d'accès à la fonction publique, c'est une jurisprudence qui a mis en mouvement le législateur. "L’élément déclencheur de la jurisprudence à l’encontre du Luxembourg est simplement le fait que le pays ne respecte pas les libertés fondamentales sous-jacentes à la construction européenne, un acquis qu’il avait lui-même initié, porté et aidé à construire depuis le début de l’intégration européenne."

Les exceptions à la connaissance des trois langues sont trop peu nombreuses. Il faudrait  généraliser la procédure de dispense d’une des trois langues à "l’ensemble des postes administratifs ou de back-office, ainsi qu’aux postes à prédominance manuelle" dont l'activité serait "sans interaction notable avec le public". Dans les administrations des contributions directes, de l’enregistrement, des douanes et accises, du cadastre et de la topographie, par exemple, où règne ncore le règne sans partage des nationaux.

La Chambre de commerce est également d'avis qu'il faudrait d'autre part que davantage de Luxembourgeois soient actifs dans le secteur privé.  Ils se rapprocheraient ainsi du processus économique. Or, la concurrence de la fonction publique par rapport au secteur dit "exposé", et notamment de rémunération, empêche de nombreuses entreprises faisant face à la concurrence internationale de recruter des autochtones dont elles auraient pourtant aussi besoin.

"L’installation d’une société à deux vitesses risque de prendre de l’ampleur si la fonction publique ne réussit pas à intégrer davantage les étrangers et si, à l’inverse, le secteur privé ne peut plus attirer les autochtones qui seraient, de ce fait, de plus en plus éloignés du processus économique, tout en dominant le processus démocratique et redistributif."

La cohésion visée passe donc aussi par une diminution graduelle des différentiels salariaux et par un rapprochement progressif entre le statut de fonctionnaire et celui de salarié, en vue d’une vraie égalité de traitement à travers une généralisation du statut unique. Le fonctionnariat reste très largement un "bastion" pour les autochtones, au grand dam de la cohésion et de la mixité sociales. "L’électorat et la société de souche ont vieilli et deviennent de moins en moins représentatifs des réalités socio-économiques du pays".

Pour une modernisation de la démocratie

Ce dernier point a posé un "problème de représentativité des organes politiques et de la fonction publique  vis-à-vis des forces vives de l’économie à la base de la richesse du pays". Finalement, ce sont deux groupes " à l’écart de la nouvelle donne économique et linguistique" qui "influencent les choix politiques de manière significative, voire de façon disproportionnée" : les non-actifs (51 % des électeurs en 2009) et les salariés de la fonction publique (environ 20 % des électeurs).

Et la Chambre de commerce veut d'autant plus corriger ce déficit démocratique qu'il aurait des conséquences sur les choix économiques. Ce déficit ne serait "pas profitable" à la vie économique dans la mesure où il entraînerait "des choix collectifs qui ne tiennent pas suffisamment compte des préoccupations et des exigences d’une économie ouverte soumise à la concurrence internationale".

Les nationaux s'identifient insuffisamment aux problèmes socio-économiques du pays, et cela va selon la Chambre de commerce jusqu'"au déni des risques et dangers" auxquels fait face le Luxembourg. La loi sur la nationalité, même avec un délai de résidence ramené à cinq années, ne saurait répondre à elle seule au problème de représentativité des organes politiques et de la fonction publique  vis-à-vis des forces vives de l’économie à la base de la richesse du pays. Elle n'est qu'une "réponse partielle".

Au niveau national

La Chambre de commerce considère donc que le droit de vote actif aux élections législatives  devrait être accordé aux résidents étrangers après un délai de résidence de 5 ans.Elle propose en amont la mise sur pied d'un outil pour évaluer l'éventuel déphasage entre le vote des nationaux et celui des résidents étrangers par la création d'un droit de vote virtuel qui permettrait, par voie d’enquête représentative et lors des élections législatives, d’en savoir plus.

Au niveau communal

La commune étant le premier vecteur d’intégration, il y aurait lieu de donner la possibilité réelle à tout citoyen de concourir à la démocratie locale. La Chambre de commerce plaide pour leur inscription automatique sur les listes électorales, ou, dans le cas contraire, une extension des délais d’inscriptions. Si la loi sur la nationalité n'impose pas le trilinguisme pour obtenir la nationalité, le cadre des langues au niveau du conseil échevinal et du conseil communal devrait lui aussi faire l'objet d'une modification.

Pour les frontaliers

La Chambre de commerce n'oublie pas non plus la participation démocratique des non-résidents afin de "réduire leur ségrégation sur le marché du travail". Parmi les pistes qu'elle voudrait voir explorer figure l'idée de créer un Commissariat aux frontaliers sur le modèle de celui consacré aux étrangers. S'en suivrait "l’encouragement de la structuration des frontaliers en association ou groupement susceptible d’être l’interlocuteur privilégié du Commissariat aux Frontaliers". Et enfin, de manière plus abstraite, elle prône "la mise en place d’un dialogue constructif et une participation effective" des frontaliers à la société luxembourgeoise.

Le risque d'un éclatement du modèle luxembourgeois

Afin que ses revendications audacieuses soient bien comprises, la Chambre de commerce évoque ni plus ni moins le déclin que pourrait à terme subir le Grand-Duché si un tel virage n'était pas entrepris. "Le Grand-Duché devra faire preuve d’une grande ouverture d’esprit et optimiser en permanence sa capacité d’intégration des étrangers, s’il veut continuer à prospérer. La mentalité propice à l’inertie - le rallongement récent des délais de naturalisation, l’ouverture de la fonction publique au compte-gouttes, la situation langagière figée et déphasée avec les réalités du pays, la faible représentativité politique du corps électoral - doit être brisée. Le Luxembourg peut choisir entre ouverture et fermeture. S’il opte pour l’ouverture, il doit se réformer. Si, par contre, il opte pour la fermeture, il sonnera le glas du "modèle luxembourgeois", même s’il peut alors continuer à remettre les réformes aux calendes grecques tout en prenant le risque de finir, tôt ou tard, là où mène l'inertie, c'est à dire, au déclin."

Face à l'enjeu des niches économiques

Cette augmentation des capacités d'intégration permettraient d'attirer de nouveaux étrangers dont le Luxembourg a besoin, notamment dans le développement de niches économiques. Alors que près de 30 % des recettes de l'Etat seraient volatiles, l'attractivité du pays pour les étrangers serait décisif pour que le Luxembourg puisse bâtir les niches qu'il s'est choisies, accompagnées justement d'un "cadre légal et fiscal proactif", dans la biomédecine, les technologies environnementales, la gestion de la propriété intellectuelle, la logistique, ou encore l’activité des quartiers généraux de sociétés multinationales. Ces activités, exposées à une forte concurrence internationale, faisant l'objet d'une demande transfrontalière, requièrent une main-d’œuvre qualifiée qui existe en nombre insuffisant au Grand-Duché, juge en effet la Chambre de commerce.