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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Ecofin – Luc Frieden a défendu le système de la retenue à la source lors d’un Conseil "très difficile"
15-05-2012


Les ministres des Finances de l’UE, réunis le 15 mai 2012 sous présidence danoise, ont réussi à trouver un accord sur de futures règles de capitalisation des banques sur la base de l’esquisse de compromis qu’ils avaient trouvé, non sans peine, lors du conseil Écofin extraordinaire du 2 mai 2012. "Je suis très heureuse de pouvoir dire que tous les Etats membres appuient ce compromis", a déclaré la ministre danoise des Finances, Margrethe Vestager, à l'issue de la réunion. C'est une "mesure importante qui va permettre de mettre à jour la réglementation et la situation des banques pour éviter une répétition de la crise financière", a expliqué la ministre.

L’approche générale trouvée par les ministres à l’unanimité va permettre de commencer les négociations avec le Parlement européen sur ce dossier, avec l’espoir de parvenir à un accord en première lecture en juin 2012. Dans le cadre de ces négociations, "nous pourrons améliorer le compromis d'aujourd'hui et trouver un accord plus équilibré entre flexibilité et coordination", a estimé Michel Barnier, le commissaire en charge du Marché intérieur.

L’enjeu est de taille puisque les textes en questions, le paquet dit CRD IV, vont remplacer la législation européenne en vigueur sur les exigences de fonds propres des banques et y introduire les termes de l’accord Bâle 3 trouvé au sein du G20 en novembre 2010. L'accord de Bâle III, conclu par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, renforce les obligations des banques en matière de fonds propres, introduit un coussin de conservation des fonds propres obligatoire et un coussin de fonds propres contracyclique dont le taux est fixé par chaque État membre, et introduit de nouvelles exigences réglementaires en ce qui concerne la liquidité et le ratio de levier des banques.

Les propositions visent à modifier et remplacer les directives existantes en matière d'exigences de fonds propres et à les scinder en deux nouveaux instruments législatifs : un règlement sur les exigences prudentielles que doivent respecter les établissements et une directive concernant l'accès à l'activité de réception de dépôts.

Le règlement serait directement applicable pour prévenir les divergences de mise en œuvre  entre les États membres. Il fixe des exigences en matière de fonds propres et comporte des dispositions relatives à l'introduction d'une exigence de couverture des besoins de liquidité, à partir de 2013 selon des dispositions nationales, puis, à partir de 2015, selon un calibrage au niveau de l’UE. À plus long terme, il est prévu que la Commission livre un rapport d’ici 2016 et, si nécessaire, une proposition législative sur les exigences d’un financement stable.

Le projet de règlement prévoit aussi l'introduction d'un ratio de levier à compter du 1er janvier 2018, pour autant que le Conseil et le Parlement européen marquent leur accord sur la base d'un rapport qui sera présenté par la Commission en 2016.

Plus précisément, le projet de règlement exigerait que les banques et les entreprises d'investissement détiennent des fonds propres de base de catégorie 1 correspondant à 4,5 % des actifs pondérés en fonction du risque, au lieu des 2 % applicables en vertu des règles actuelles (4,5 % à partir de 2015, entre 4 et 4,5 % en 2014 et entre 3,5 et 4,5 % en 2013). L'exigence de fonds propres totale demeure fixée à 8 %. Le projet de règlement définit les instruments de fonds propres de base de catégorie 1 à l'aide de quatorze critères, déjà fixés dans l'accord de Bâle III et il donne mandat à l’autorité bancaire européenne (EBA) pour faire le suivi de la qualité des instruments mis en place par les institutions.

Le projet de règlement prévoit par ailleurs que les États membres pourront imposer, pour une période allant jusqu'à deux ans renouvelable, des exigences prudentielles plus strictes pour les établissements autorisés au niveau interne (en ce qui concerne par exemple le niveau des fonds propres, les exigences applicables aux grands risques et à la publication d'informations, ainsi que le niveau du tampon de maintien des fonds propres). Une décision de ce genre, prise par une autorité nationale, pourrait être rejetée si, suite à un avis négatif de l’EBA, du Comité européen de risque systémique ou de la commission, le Conseil vote contre à la majorité qualifiée. Les États membres pourront aussi augmenter la pondération des risques pour les biens résidentiels ou commerciaux, ainsi que les expositions internes au secteur financier au-delà des provisions prévues dans le règlement, et ce jusqu’à hauteur de 25 %. Quant à la Commission, elle aurait la possibilité d'imposer, pour un an, des exigences prudentielles plus strictes, au moyen d'actes délégués adressés à tous les États membres.

Le projet de directive instaure des exigences supplémentaires concernant un coussin de conservation des fonds propres de 2,5 %, constitué de fonds propres de base de catégorie 1 identique pour toutes les banques dans l'UE, ainsi qu'un coussin de fonds propres contracyclique spécifique à chaque établissement. Les États membres auraient la possibilité d'instaurer un coussin pour le risque systémique allant jusqu’à 3 % pour l’ensemble des expositions, et même 5 % pour les expositions domestiques ou hors-UE, et ce sans autorisation préalable de la Commission. Ils pourront aller au-delà sous réserve d’une autorisation préalable de la Commission qui prendra la forme d’un acte délégué. Si un État membre décide d’instaurer un coussin de plus de 3 % pour l’ensemble des expositions, il doit être mis en place de la même façon sur toutes les expositions situées dans l’UE.

Les propositions du paquet CRD IV renforcent également les exigences en matière de surveillance et de gouvernance, prévoient l'application de sanctions par les autorités de surveillance en cas de violation des règles de l'UE et cherchent à réduire la dépendance des établissements de crédit à l'égard des notations de crédit produites par des entités extérieures en encourageant des approches fondées sur les notations internes ou des modèles internes.

L’Autriche et le Luxembourg ont bloqué le projet de mandat avec lequel la Commission souhaite négocier avec les pays tiers dans le cadre de la directive sur la fiscalité de l’épargne

Mais, au-delà de ce compromis important, le Conseil Écofin avait aussi à l’ordre du jour le mandat que la Commission européenne souhaite obtenir pour négocier avec les pays tiers dans le cadre de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Un sujet important pour le Luxembourg, au point que le ministre des Finances, Luc Frieden, a tenu à faire le point sur ce dossier devant la presse luxembourgeoise dès son retour de Bruxelles. Ce fut un Conseil Écofin "très difficile", a-t-il confié à son retour à Luxembourg.Luc Frieden, lors de sa conférence de presse à Luxembourg, le 15 mai 2012, après le Conseil ECOFIN

L’Autriche et le Luxembourg ont en effet bloqué le mandat proposé par la Commission, comme l’a déploré assez vertement le commissaire en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta. Il est "foncièrement injuste de protéger ainsi ses acquis nationaux", a-t-il commenté à l’issue de la réunion en soulignant que la Commission ne demande à ce stade qu’un mandat de négociation. "Un tel mandat nous donnerait la possibilité de renforcer nos instruments communs contre la fraude fiscale" et "permettrait de dégager de nouvelles sources de recettes pour les Etats", a-t-il expliqué, se disant "frustré" par ce blocage.

Mais ce n’est pas tout à fait ainsi que Luc Frieden voit les choses. Le problème tient, selon lui, dans la formulation du projet de mandat qui stipule que les "évolutions internationales" dans le domaine de la fiscalité doivent être prises en compte dans les négociations. "Nous craignons que le mandat ne soit utilisé comme une voie détournée pour introduire l’échange automatique d’informations", a expliqué Luc Frieden pour défendre sa position et celle de son homologue autrichienne. Et ce n’est pas la première fois au cours de ces dernières années que ces deux délégations opposent ce même refus à la Commission. Car si celle-ci devait ancrer dans des accords multilatéraux avec la Suisse, le Liechtenstein, Saint Marin, l’Andorre et Monaco les standards de l’OCDE, le Luxembourg et l’Autriche devraient, en vertu de la directive sur la fiscalité de l’épargne, passer à l’échange automatique d’information.

La lutte contre l’évasion fiscale est un objectif partagé par le Luxembourg, a affirmé le ministre Luc Frieden, qui a tenu toutefois à rappeler la complexité d’un débat qui ne saurait être réduit à une simple définition d’une position "pour ou contre" le secret bancaire, comme l’a suggéré la Commission européenne dans ses remarques introductives. Aux yeux du ministre luxembourgeois, garantir une protection des données aux clients des banques ne peut être considéré comme synonyme de non-transparence dans le cadre de la coopération internationale.

Comme l’a rappelé Luc Frieden, de nombreux pays européens appliquent aujourd’hui un système basé sur une retenue à la source. Au Luxembourg, le système est basé sur un double mécanisme – échange d’informations sur demande et retenue à la source – qui garantit une imposition effective et une transmission des impôts dus par les non-résidents à leur pays d’origine ainsi qu’une transmission d’informations dans des cas clairement définis et sur demande. Le ministre des Finances a ainsi souligné que le fait de ne pas introduire l’échange automatique ne revenait pas à se refuser à une imposition équitable de tous les assujettis, même non-résidents.

En désaccord avec les déclarations du commissaire Semeta, selon lequel la tendance internationale semble tendre vers l’échange automatique d’informations, Luc Frieden a constaté au contraire que l’on est loin d’avancer dans ce sens. En témoignent le fait que ni le G 20 ni l’OCDE n’ont choisi ce système. Les développements internationaux à ce sujet contiennent par ailleurs, depuis la conclusion des accords bilatéraux conclus par l’Allemagne et le Royaume-Uni avec la Suisse, un élément nouveau, à savoir la reconnaissance par deux pays de l’Union européenne du principe de la retenue à la source face à un pays tiers.

Mais la question qui se pose, selon Luc Frieden, c’est de savoir quel est le système le plus efficace, un sujet que les ministres n’ont pas abordé en Conseil, déplore-t-il. Il a pour sa part défendu l’efficacité du modèle de la retenue à la source, insistant sur le fait qu’il n’est plus possible de ne prendre en compte qu’un seul modèle pour assurer la lutte contre l’évasion fiscale.

Luc Frieden a rapporté s’être montré ouvert à l’idée d’un compromis, en proposant de limiter le projet de mandat à un élargissement du champ d’application de la directive sur la fiscalité de l’épargne, afin d’augmenter davantage l’efficacité du système actuel. Mais, devant "l’absence de débat et d’esprit d’ouverture" qui lui ont fait face, il a en fin de compte refusé son accord au mandat.