Le 2 mai 2012, la présidence danoise de l’UE a convoqué une réunion extraordinaire des ministres des Finances de l’UE dans l’objectif d’adopter une orientation générale sur la réforme des fonds propres réglementaires.
L’objectif de cette réforme est de renforcer la capacité du secteur bancaire européen à faire face à des crises financières. Au-delà de cet objectif, les banques doivent continuer à financer l’activité économique et à assurer la croissance. Par cette réforme, il s’agit en particulier de mettre en œuvre les accords de Bâle 3.
Une orientation générale de l’Ecofin doit permettre d’entamer les trilogues avec le Parlement européen.
Il a donc été question d’une part de la proposition de directive (CRD 4) régissant l'accès à l’activité d’établissement de crédit et d’autre part du règlement (CRR) définissant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement. La Commission avait mis sur la table des propositions le 20 juillet 2011.
Au terme de longues discussions, qui ne se sont achevées qu’au petit matin du 3 mai, la présidence danoise, qui a fait de ce dossier une de ses priorités, a dû se satisfaire "d’importants progrès" dans les débats, remettant au 15 mai, date du prochain Ecofin, l’espoir de finaliser l’accord des ministres des Finances sur ce dossier.
Margrethe Vestager, ministre danoise des Affaires économiques et de l’Intérieur, qui présidait la réunion, a ainsi souligné le grand pas fait en direction d’un accord sur les exigences de fonds propres pour les banques : les ministres sont mûrs pour un accord sur la base du texte de compromis mis sur la table par la présidence et si les discussions doivent se poursuivre, c’est essentiellement pour faire des vérifications techniques sur les derniers points qui restent à régler.
Au cours de la réunion, plusieurs ministres avaient insisté pour prolonger les discussions qui semblaient, en début de soirée, se trouver dans l’impasse. "Si nous ne parvenons pas à une décision ce soir, il y a danger que nous n'y parvenions pas du tout", avait notamment plaidé le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, jugeant que ce serait "désastreux". Finalement, Margrethe Vestager a pu se féliciter qu’une vingtaine de problèmes aient pu être réglés au cours de la journée.
La réglementation de Bâle 3 doit à terme contraindre les banques à mettre en réserve des fonds propres représentant 7 % du montant des prêts qu'elles accordent, contre 2 % jusqu'ici. Mais les discussions entre ministres des Finances ont longuement achoppé sur le degré de flexibilité laissé aux Etats : le Royaume-Uni, en particulier, réclamait des normes de capital plus sévères pour ne pas revivre les nombreux plans de renflouement des banques qu'il a dû réaliser après la crise financière de 2008. Le ministre britannique des Finances, George Osborne, a insisté sur la nécessité de trouver une solution qui convienne au Royaume-Uni, dont il a souligné qu'il constituait "de loin" le premier pays européen en termes de capitalisation bancaire. La Suède, mais aussi la Pologne et la République tchèque étaient sur la même ligne.
A l'inverse, la France, l'Italie ou l'Allemagne défendaient une harmonisation maximale des exigences de fonds propres des banques en Europe, pour éviter que les Etats ayant les fonds propres les plus élevés n'attirent les investisseurs au détriment de leurs voisins.
Une ligne défendue aussi par le Luxembourg. Le ministre des Finances luxembourgeois, Luc Frieden, a ainsi affiché au début des discussions son "plein soutien au compromis de la présidence danoise". "Ne sous-estimons pas l’importance politique de ce que nous faisons ici », a-t-il lancé à ses collègues en guise de prélude, car l’enjeu de ces discussions, c’était selon lui la stabilité du système financier, mais aussi la réponse à la crise de 2008. Luc Frieden appelle de ses vœux des règles européennes de haut niveau qui permettrait à l’UE d’apporter une réponse ayant une plus-value européenne par rapport aux standards internationaux.
Le ministre des Finances luxembourgeois a notamment pointé les différences de situation qu’il y a entre les pays où siègent les maisons mères des banques concernées et les pays qui accueillent leurs filiales. Comme le relève Marisandra Ozolins dans le Tageblatt daté du 3 mai 2012, 75 % des actifs bancaires sont, dans une douzaine d’Etats membres, aux mains de banques qui ont leur siège dans un autre pays. Un chiffre qui atteint 94 % au Luxembourg.
Aussi, le compromis mis sur la table par la présidence danoise semblait-il offrir à Luc Frieden "un équilibre presque parfait", et la marge de manœuvre lui paraissait elle aussi réduite en tenant compte de cette exigence d’une réponse européenne.
Au final, le compromis trouvé permet aux Etats de pouvoir ajouter un "coussin" supplémentaire de fonds propres de 3 % en plus des 7 %, qui pourra même être porté à 5 % en ce qui concerne l'exposition des banques aux risques émanant de leur propre pays.
"J'aurais souhaité un meilleur équilibre entre coordination et flexibilité, mais nous avons une bonne base pour commencer les discussions" entre les Etats, la Commission et le Parlement européen sur la question, a réagi le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services financiers, Michel Barnier. Il a salué dans le texte de transposition des règles de Bâle 3, qui fait 600 pages, une "pièce majeure de l'agenda de régulation pour tirer les leçons de la crise financière".
A l’issue des discussions, Michel Barnier a fait le point sur les trois principes qu’il entendait voir respectés dans les négociations.
1) Tout accord doit être conforme avec les exigences de Bâle 3. Il s’agit là selon le commissaire d’un principe "essentiel" et d’une "ambition partagée par tous" que de faire en sorte que "l'accord final respectera fidèlement Bâle, tout en tenant compte de certaines spécificités du modèle bancaire européen". Il s’agissait en effet de tenir compte du fait que les règles de Bâle 3 seront appliquées aux 8300 banques européennes, et pas seulement aux plus grandes d’entre elles. Michel Barnier ne perd pas non plus de vue que Bâle fixe des exigences minimales pour une juridiction – ce que constitue l'Union dans ce domaine. Ainsi, dès lors que les règles européennes sont en conformité avec ces exigences, le choix du niveau de flexibilité à l'intérieur de cette juridiction, donc la flexibilité nationale au sein du marché intérieur, n'a rien à voir avec Bâle.
2) Tout accord doit garantir et approfondir le marché unique ("le single rulebook"). Sur ce point aussi, Michel Barnier se félicite des progrès accomplis. Ainsi, sur la définition du capital, le rôle de l'Autorité bancaire européenne, qui devra vérifier que le capital de meilleure qualité remplit bien les 14 exigences prescrites par Bâle, a été renforcé. "Cette définition plus harmonisée du capital assurera un vrai "level playing field" entre les banques tout en respectant la très grande variété des modèles bancaires européens", assure le commissaire.
Sur la question des flexibilités, s’il dit comprendre les demandes d'une certaine flexibilité au niveau national, Michel Barnier est clair : cette flexibilité ne peut aller sans encadrement et coordination européenne quand les conséquences pour d'autres Etats Membres et donc le marché unique dans son ensemble est si évidente.
C’est ce principe de flexibilité avec encadrement qui a été au cœur des débats, a relaté Michel Barnier : le niveau de ces flexibilités, le processus pour les utiliser, et la question des rapports entre les pays hôtes des établissements bancaires et les pays où la plupart des activités bancaires est exercée pour des établissements ayant leur siège dans un autre état d'Europe. Et dans ce contexte, a-t-il défendu, la Commission a le devoir et la responsabilité, en tant que gardienne des Traités et garante du Marché Intérieur, de prendre en compte les intérêts de l'ensemble de l'Union européenne.
3) Tout accord doit contribuer à la stabilité financière, la base sine qua non pour un retour à la croissance et l'emploi. "Sans une approche harmonisée, il y a un vrai risque que les marchés mettent les Etats Membres sous pression les uns après les autres ce qui aboutirait à des exigences de capital sans cesse plus élevées au détriment de la croissance et de l'emploi", a souligné Michel Barnier. Le commissaire, qui indique que les textes de compromis ont beaucoup évolué pendant la journée et la nuit du 2 mai, a exprimé deux réserves formelles au nom de la Commission. L'une concerne l'article 124.7.b où il s’agit de vérifier la compatibilité de la procédure de médiation choisie avec les procédures établies dans l'accord sur le paquet supervision. L'autre concerne l'article 443 où le rôle donné au Conseil ne respecte pas le rôle du Parlement Européen, co-législateurs à part entière.