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Economie, finances et monnaie
"La balle est dans le camp des Grecs", a lancé Luc Frieden lors d’un entretien diffusé sur Bloomberg TV
23-05-2012


Luc Frieden sur Bloomberg TV le 23 mai 2012. Source : www.bloomberg.comLe 23 mai 2012, à quelques heures à peine du sommet informel convoqué à Bruxelles par Herman Van Rompuy, le ministre des Finances luxembourgeois, Luc Frieden, s’est prêté au jeu d’une interview qu’il a accordée à la journaliste Maryam Nemazee dans les studios de Bloomberg TV.

Le conseil informel du 23 mai : "Il importe de rester sur la voie de la consolidation budgétaire, en ajoutant bien sûr des mesures de croissance"

Interrogé, en toute logique, sur ses attentes quant au sommet qui devait se tenir dans la soirée, Luc Frieden a réaffirmé son credo dans le débat animé sur la croissance qui est en cours : "il importe de rester sur la voie de la consolidation budgétaire, en ajoutant bien sûr des mesures de croissance, mais l’idée que l’on peut sortir de la consolidation budgétaire pourrait menacer la voie de la stabilité qui est importante pour la zone euro", prévient en effet le ministre. A ses yeux, des réunions comme celle qui devait se tenir le soir "sont très utiles, même s’il n’y a pas une solution unique qui va résoudre tous les problèmes du jour au lendemain".

Les revendications de François Hollande : "Je ne suis en faveur d’aucune politique en zigzag, dans laquelle on changerait la voie sur laquelle on est embarqué après chaque élection"

Pour ce qui est de François Hollande, qui allait participer là à son premier sommet européen, Luc Frieden a émis à l’attention du nouveau président français un conseil : écouter ses collègues et construire l’avenir de la zone euro sur la base de ce qui a déjà été fait. "Je ne suis en faveur d’aucune politique en zigzag, dans laquelle on changerait la voie sur laquelle on est embarqué après chaque élection", a précisé le ministre luxembourgeois. Pour ce qui est des revendications du président français, Luc Frieden estime que "tout dépend ce qu’il entend par pacte de croissance ». « Je crois que nous voulons tous de la croissance", a-t-il glissé, soulignant que la question était plutôt de savoir s’il s’agit de financer la croissance par de nouvelles dettes. Ce qu’il ne voit pas d’un bon œil.

Les euro-obligations : "Je crois que les eurobonds pourraient arriver, devraient probablement arriver à un moment où nous aurons une plus grande intégration budgétaire"

Au sujet des eurobonds, dont on pouvait s’attendre qu’ils soient au menu du dîner informel des chefs d’Etat et de gouvernement, Luc Frieden situe leur éventuelle introduction dans un avenir qui n’est pas immédiat. "Nous savions, dès le début de la zone monétaire, qu’il ne s’agissait pas d’une union parfaite dans la mesure où elle n’était pas dotée d’une autorité politique en mesure, par une politique budgétaire et une politique économique, de guider l’ensemble de la zone euro", a expliqué le ministre. "Nous avons beaucoup amélioré les choses", estime-t-il toutefois, augurant cependant que le chemin qui reste à parcourir est encore long. "Je crois que les eurobonds pourraient arriver, devraient probablement arriver à un moment où nous aurons une plus grande intégration budgétaire", en conclut-il. En bref, l’heure n’est pas venue.

Les euro-obligations pourraient ajouter de la stabilité, juge encore le ministre des Finances, mais ils ne devraient pas être utilisés pour permettre à des pays d’augmenter leur dette publique, met-il en garde. Ainsi, des euro-obligations pourraient être un pas dans la bonne direction, à condition, précise Luc Frieden, qu’ils s’agissent d’obligations de stabilité d’un montant limité.

La situation en Grèce : "la balle est dans le camp des Grecs"

Au sujet de la Grèce, Luc Frieden affirme que, si le programme d’ajustement ne conditionnait pas l’aide apportée à ce pays, les Grecs ne parviendraient sans doute jamais à retrouver le chemin de finances soutenables et d’une croissance durable. "Je crois que les Grecs doivent savoir qu’il n’y a pas de chemin facile pour sortir de la crise, que ce soit dans l’euro ou en dehors de l’euro", explique-t-il à la journaliste, indiquant sa préférence pour que la Grèce reste dans la zone euro dans la mesure où l’UE est plus qu’une monnaie, à savoir un projet politique.

Lorsque le ministre rappelle les bénéfices qu’en a tiré la Grèce avant la crise, et l’aide qu’elle reçoit maintenant afin qu’elle soit en mesure de se financer à nouveau elle-même sur les marchés, c’est pour mieux mettre en garde les Grecs : "ils doivent décider ce qu’ils veulent", estime en effet Luc Frieden. La balle est dans le camp des Grecs, considère-t-il en effet en appelant à la responsabilité tant les dirigeants politiques que le peuple.

Le ministre espère que les Grecs sauront trouver une majorité qui soutiendra le programme d’ajustement. Mais, même si ce n’était pas le cas, il estime que la situation est meilleure qu’il y a un an dans la mesure où le risque de contagion est moins grand. Avec la mise en place de l’EFSF et de l’ESM, "nous pouvons intervenir en Grèce et ailleurs si nécessaire", considère en effet Luc Frieden.

La recapitalisation des banques espagnoles : "Je suis d’avis que nous devrions permettre à des mécanismes européens, probablement via les gouvernements nationaux, de soutenir ces banques de manière coordonnée"

Pour ce qui est de l’Espagne, dont le système bancaire n’est pas sans difficultés ces temps-ci, Luc Frieden estime que les pays qui ont des problèmes de recapitalisation des banques devraient pouvoir bénéficier de fonds européens dans la mesure où l’enjeu est de créer de la stabilité et de la confiance. "Nous ne devons pas trop perdre de temps", juge Luc Frieden sur ce point, même s’il n’est pas sûr que le problème ne relève pas plus de la perception que l’on a de la situation des banques espagnoles que d’un problème réel. "Je suis d’avis", précise encore le ministre luxembourgeois, "que nous devrions permettre à des mécanismes européens, probablement via les gouvernements nationaux, à soutenir ces banques de manière coordonnée". "Aucun pays ne devrait avoir peur de demander parfois de l’aide si c’est nécessaire pour générer de la confiance", glisse le ministre, en soulignant que cela pourrait être le cas de l’Espagne, mais aussi d’autres pays.

L’avenir de l’euro : "Je crois que dans cinq ans je pourrai toujours payer en euro dans beaucoup de pays européens", mais il y aura "une plus forte intégration budgétaire européenne"

"Ce dont nous avons besoin, c’est de confiance, car la croissance est basée sur deux facteurs : des finances publiques stables et de la confiance", estime Luc Frieden pour qui le seul moyen de créer de la confiance est d’avoir une perspective pour l’avenir. "Je pense que l’euro survivra, parce qu’il s’agit d’un projet politique", assure le ministre luxembourgeois à la journaliste qui exprime ses doutes sur la question. "L’euro changera, certains pays devront faire des choix difficiles pour rester ou ne pas rester, mais, de façon générale", augure Luc Frieden avant d’être interrompu par la journaliste curieuse de savoir ses prévisions à cinq ans pour la zone euro. "Je crois que dans cinq ans je pourrai toujours payer en euro dans beaucoup de pays européens", lui répond Luc Frieden qui voit dans l’euro une monnaie stable connaissant une faible inflation. Mais il augure aussi une plus forte intégration budgétaire européenne dont la gouvernance économique marque un premier pas.