Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont réunis le 23 mai 2012 pour un sommet informel convoqué par Herman Van Rompuy afin de préparer le Conseil européen du mois de juin. Il s’agissait de discuter de relancer la croissance en Europe au cours d’un dîner qui n’avait toutefois pas vocation à une quelconque prise de décision.
Herman Van Rompuy a rendu compte à la presse des discussions qui ont duré tard dans la soirée en commençant par souligner que le sujet des discussions, à savoir la croissance, n’avait rien de nouveau. "Notre travail en cours sur la croissance a été éclipsé par nos efforts vitaux pour assurer la stabilité financière de la zone euro, mais il n’en est pas pour autant moins important", a expliqué le président du Conseil européen. Il a souhaité clarifier les choses en précisant, comme l’a déjà fait Jean-Claude Juncker à plusieurs reprises, qu’il n’y a pas d’opposition entre la réduction des déficits et la croissance.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont discuté de leur stratégie de croissance qui reste basée sur la stratégie Europe 2020. Il s’agit, comme l’a résumé Herman Van Rompuy, de mobiliser les politiques de l’UE pour soutenir la croissance, d’augmenter les efforts pour financer l’économie par l’investissement et enfin de renforcer la création d’emplois.
Lorsqu’il parle de mobiliser les politiques de l’UE pour soutenir la croissance, Herman Van Rompuy entend la favoriser par le cadre législatif européen notamment. Il a donc insisté sur la nécessité d’avancer, au Parlement européen comme au Conseil, sur des dossiers comme le Single Market Act ou encore la directive sur l’efficacité énergétique. La question des brevets européens devrait être résolue d’ici la fin de la présidence danoise, a encore indiqué le président du Conseil européen qui a appelé les chefs d’Etat et de gouvernement à mettre en œuvre pleinement la législation existante, tout en invitant la Commission et le Conseil à poursuivre leurs efforts pour faire du commerce international un moteur de croissance, et ce notamment par le biais d’accords commerciaux.
Pour ce qui est des investissements, Herman Van Rompuy a mis en exergue la nécessité de faciliter l’accès des PME au crédit. Il a salué l’accord que viennent tout juste de trouver Conseil et Parlement sur les projects bonds.
Mais il a aussi annoncé que le Conseil des gouverneurs de la BEI allait se pencher d’ici juin sur l’idée d’une augmentation du capital de la banque en vue de financer des projets dans l’UE. Une hausse de capital que Jean-Claude Juncker avait récemment appelée de ses vœux et qu’il a commentée sur les ondes de 100,7 au lendemain du sommet. Les discussions du 23 mai 2012 ont servi, a-t-il expliqué, "à nous rapprocher de résultats tangibles lors du Conseil européen de fin juin", notamment en ce qui concerne un renforcement des moyens de la Banque européenne d’investissement via une augmentation de son capital à hauteur de 10 milliards d'euros ce qui permettra des investissements totaux de l’ordre de 60 milliards d'euros qui pourront atteindre, par effet de levier avec le secteur privé, 185 milliards d'euros.
La Commission fera le point en juin sur une reprogrammation des fonds structurels actuels afin de soutenir la croissance, l’emploi et la formation, a encore annoncé Herman Van Rompuy. Par ailleurs, "la nécessité de poursuivre le travail et les discussions au Conseil sur la taxe sur les transactions financières" a été évoquée, a rapporté le président du Conseil européen. Aux yeux de Jean-Claude Juncker, un compromis pour l’introduction d’une telle taxe, que ce soit au niveau mondial, européen ou de la seule zone euro n’est pas possible. "J’ai donc plaidé en faveur de l’idée d’une participation fiscale du secteur financier aux effets de la crise financière et économique, toutefois sans perdre de vue le danger de la délocalisation d’activité financières en dehors de l’Union européenne", a-t-il expliqué à l'issue du sommet.
Enfin, afin de favoriser la création d’emplois, l’idée est "d’investir dans les compétences et la formation". Il convient de "faire des réformes concrètes et de prendre des mesures pour soutenir la demande et la création d’emplois dans des secteurs clés de l’économie", a déclaré Herman Van Rompuy. Ainsi, une grande importance sera donnée aux plans nationaux pour l’emploi dans le cadre du suivi des recommandations sur les politiques économiques faites aux pays, et ce de façon à stimuler les synergies entre les instruments nationaux et européens, y compris les fonds structurels, pour lutter notamment contre le chômage des jeunes. "Cela pourrait être fait sur la base de garanties accordées à la jeunesse et de formations de qualité". Une référence à un dossier qui tient fortement à cœur au ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont naturellement eu une longue discussion sur la situation dans la zone euro, et ils ont, une fois de plus, réaffirmé leur engagement à maintenir sa stabilité financière et son intégrité. "Notre discussion a démontré qu’il nous faut porter l’Union économique et monétaire à une nouvelle étape", a conclu Herman Van Rompuy qui a fait état d’un "consensus sur la nécessité de renforcer l’union économique de façon à ce qu’elle corresponde à l’union monétaire".
"Je ferai un rapport en juin, en coopération étroite avec le président de la Commission, celui de l'Eurogroupe et celui de la Banque centrale européenne, sur les principales étapes et sur une méthode de travail pour atteindre cet objectif", a annoncé Herman Van Rompuy. Le président du Conseil européen rapporte que les chefs d’Etat et de gouvernement ont pu exposer leurs vues, qui ne concordent pas toutes, sur des sujets comme les eurobonds, une supervision du secteur bancaire plus intégrée et un schéma commun de garantie des dépôts bancaires.
"C'est après la remise de ce rapport, donc après juin "que commenceront les travaux", a-t-il ensuite expliqué. "Nous allons étudier ce qu'il convient de faire dans le cadre des traités actuels, mais nous pouvons aussi envisager d'autres hypothèses". "Nous allons nous mettre d'accord sur les principaux éléments d'approfondissement de l'Union monétaire et les instruments pour y parvenir", a-t-il résumé.
L’attention des commentateurs s’est notamment concentrée sur la question des euro-obligations, que François Hollande, le nouveau président français, s’est félicité d’avoir inscrite à l’ordre du jour du Conseil européen de juin. "J'ai expliqué ma position allemande", a rapporté la chancelière Angela Merkel, et François Hollande "s'est exprimé comme il l'avait annoncé, mais ça a été une discussion très différenciée". "Il y a eu un débat varié au sujet des euro-obligations, mais très équilibré et avec différents points de vues", a-t-elle encore expliqué à l’issue de la réunion en précisant toutefois que "plusieurs participants" avaient exprimé des doutes sur l'efficacité de taux d'intérêts unifiés au niveau de la zone euro. Quant à François Hollande, il a indiqué avoir "une autre conception" que la chancelière allemande, qui "ne considère pas les eurobonds comme un élément de croissance mais comme une perspective lointaine d'intégration".
Jean-Claude Juncker, qui avait mis cette question sur la table il y a déjà de longs mois de cela, a rapporté pour sa part que ce sujet controversé avait été traité avec la passion qu’il suscite habituellement. "J’aimerais qu’on arrive à discuter objectivement de cette question", a-t-il toutefois confié sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg. "J’ai expliqué à mes homologues les raisons pour lesquelles j’ai proposé l’introduction d’eurobonds en décembre 2010", a rapporté le Premier ministre luxembourgeois en soulignant que "cela a récolté peu de soutien dans la partie germanophone de l’Union européenne, mais un certain enthousiasme dans la partie francophone". Pour Jean-Claude Juncker, l’Allemagne voit l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire comme une union budgétaire de la zone Euro et "si union budgétaire il y a", estime le Premier ministre, "on peut également se doter d’eurobonds qui n’auront pas comme conséquence une mutualisation totale de toutes les dettes publiques en Europe, mais un traitement différent de divers compartiments de la dette publique". Mais Jean-Claude Juncker ne part pas pour autant du principe qu’une décision pourra être prise rapidement.
Pour ce qui est de la situation en Grèce, une brève déclaration du président du Conseil européen relate que le sujet a été abordé en fin de réunion. "Nous voulons que la Grèce reste dans la zone euro tout en respectant ses engagements", a affirmé Herman Van Rompuy, se disant pleinement conscient des efforts importants qu'ont déjà consentis les citoyens grecs. Rappelant que la zone euro a fait preuve d'une solidarité considérable, près de 150 milliards d'euros ayant déjà été déboursés, avec la contribution du FMI, pour soutenir la Grèce depuis 2010, le président du Conseil européen, qui s’exprimait sur ce point au nom des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, a assuré qu’ils veilleraient à ce que les fonds et instruments structurels européens soient mobilisés pour mettre la Grèce sur la voie de la croissance et de la création d'emplois. "La poursuite des réformes essentielles visant à ramener la dette à un niveau supportable, à stimuler l'investissement privé et à renforcer les institutions constitue la meilleure garantie d'un avenir plus prospère dans la zone euro", a-t-il encore ajouté. Avant d’exprimer son espoir "qu'après les élections, c'est le choix que fera le nouveau gouvernement grec".
"Nous avons insisté sur le fait que le programme d’ajustement que nous avons négocié avec la Grèce devra être respecté dans sa substance par le futur gouvernement grec, quitte à revisiter certains détails du programme, comme par exemple le rythme de l’ajustement des objectifs budgétaires", a précisé sur ce point Jean-Claude Juncker.
L’attention des médias internationaux s’est focalisée sur des discussions qui auraient envisagé différents scénarios possibles pour la Grèce, sans exclure une éventuelle sortie de la zone euro. Jean-Claude Juncker a confirmé que les experts des 17 Etats membres de la zone euro analysaient les conséquences d’une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro. Mais les hypothèses de travail de l’Eurogroupe sont fondées sur un maintien de la Grèce dans la zone euro, a-t-il souligné. "Je n’ai pas chargé les gouvernements des pays membres de la zone euro de préparer des plans d’urgence nationaux", a-t-il déclaré devant la presse. Mais "naturellement nous devons nous préparer à tous les scénarios, car nous ne satisferions pas sinon à notre devoir", a-t-il expliqué en insistant bien sur le fait que "notre hypothèse de travail et notre volonté politique, c’est que la Grèce reste membre de la zone euro". Ce qui ne doit faire aucun doute, a-t-il assuré.