Lors d’une interview donnée à RTL dans la matinée du 7 mai 2012, le Premier ministre et actuel président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker a commenté la situation en Grèce au lendemain des élections. Lors de ces élections, les deux grands partis conservateur Nia Demokratia (18,85 %, 108 sièges, dont 50 comme bonus parce premier parti) et socialiste PASOK (13,2 %, 41 sièges), qui s’étaient engagés sur le programme de réforme et de réduction de la dette souveraine de la Grèce, n’ont pas obtenu, à deux sièges près, la majorité absolue de plus de 150 sièges nécessaire pour former un gouvernement de coalition. Les partis qui ont enregistré les plus gros gains sont les partis d’extrême-gauche (16, 8 % et 52 sièges pour le parti de gauche radical Syriza, 8,5 % et 26 sièges pour le parti communiste) et un parti néo-nazi qui entre avec 21 députés (6,7 %) au Parlement. La participation aux élections a été de 65 % seulement, alors que le vote est obligatoire. Cette évolution suscite des inquiétudes dans l’UE.
Jean-Claude Juncker a déclaré tout de suite après les premiers résultats du scrutin qu’il n’aimait pas "que nous nous retrouvions maintenant en Grèce dans une situation où nous ne disposons pas ipso facto d’un gouvernement après des élections parce que les deux grands partis ne disposent pas d’une majorité suffisante." Il a reconnu "ne pas être surpris" que "le peuple grec rejette massivement la politique d’austérité" et les deux partis qui l’ont conduite après avoir mené le pays dans "une situation des plus déplorables". Mais le Premier ministre "ne voit pas d’alternative à la consolidation", car une dette publique de 160 % et des déficits budgétaires qui ne peuvent pas être financés ne sont pas envisageables. "Un pays comme la Grèce doit payer des impôts. Les Grecs doivent payer des impôts. Ils n’aiment pas cela, mais c’est ainsi", a-t-il conclu sur ce point.
Jean-Claude Juncker n’est pas surpris non plus que les partis extrémistes soient sortis renforcés du scrutin. Mais, met-il en garde, "personne en Europe ne devrait se réjouir que des fascistes entrent dans le parlement grec, parce qu’ils ne veulent pas faire des économies, que des partis d’extrême-gauche entrent dans le Parlement, parce qu’ils ne veulent pas faire des économies". "Si plus personne ne veut faire des économies et tout le monde veut avoir de la croissance économique aux frais des autres, au lieu d’y arriver par ses propres efforts, où allons-nous ?", s’interroge Jean-Claude Juncker. "Allons-nous vers l’Europe des communistes de gauche et des fascistes. Salut les dégâts! (en français dans le texte, ndlr)"
Le Luxemburger Wort daté du 8 mai 2012 rapporte d’autres propos du Premier ministre. Jean-Claude Juncker ne nie pas que les citoyens souffrent des mesures d’économie qui ont dû être prises. L’UE devra donc tenir compte du désespoir des Grecs et développer, après le paquet de mesures de consolidation, une stratégie de croissance. Reste qu’il est indispensable pour lui que la Grèce se dote le plus rapidement possible d’un gouvernement stable. "Si des partis arrivent au pouvoir qui refusent d’appliquer le paquet de mesures de consolidation, nous avons un grand problème", est-il cité. Dans ce cas, la Grèce ne pourra plus compter sur la solidarité des autres Etats membres.
L’ADR s’est exprimé sur les élections grecques dans un communiqué diffusé le soir du 7 mai. Le parti de droite se dit lui aussi "profondément préoccupé" par le renforcement des partis extrémistes et les difficultés à former une majorité gouvernementale en Grèce. Mais il accuse surtout Jean-Claude Juncker d’avoir contribué dans sa fonction de président de l’Eurogroupe à la situation actuelle. Pour l’ADR, c’est une politique d’austérité "excessive" qui a conduit à l’appauvrissement et à la déstabilisation politique de ce pays. Ceci dit, l’ADR ne nie pas la nécessité d’une consolidation économique de la Grèce. L’ADR rappelle sa recette pour une solution à la crise grecque exposée lors d’une conférence de presse tenue le 17 juin 2011 : permettre à la Grèce de se retirer de la zone euro, de respirer et de refonder son économie.
L’ADR exprime aussi l’espoir que "le Premier ministre luxembourgeois analysera dorénavant la situation en Grèce avec plus de réalisme" et renoncera comme d’autres représentants politiques "à cette mentalité coloniale supranationale et européenne" et cessera de "dénigrer le peuple grec » et de « ne pas respecter pleinement la souveraineté de la Grèce". Enfin, annonce le communiqué, l’ADR "ne votera plus en faveur d’aucun traité ou d’autres mesures qui limiteront la souveraineté d’autres Etats membres". "Et si de tels traités devaient concerner le Luxembourg, ils ne pourraient être ratifiés que par voie de référendum", conclut le parti de droite par une mise en garde très nette.
Autre son de cloche. Pour Déi Lénk, "les résultats des élections législatives grecques constituent un (...) message politique fort qui discrédite les partis de gouvernement traditionnels qui ont fait s’engouffrer la Grèce de plus en plus. Le peuple grec a lui aussi (comme les Français, ndlr) dit non aux politiques d’austérité et au dictat de la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne). Déi Lénk salue le résultat de Syriza, le "front de gauche" grec, qui est désormais la deuxième force politique du pays."
La Grèce doit disposer d’un gouvernement d’ici le 15 mai. Si cela devait s’avérer impossible, le président de la République hellénique devra convoquer tous les présidents des partis qui siègent au parlement à une dernière consultation. Si cette consultation devait aboutir à un échec, le parlement nouvellement élu serait dissous et de nouvelles élections devraient avoir lieu endéans 30 jours. Le pays serait dirigé pendant ce temps-là par un gouvernement de transition.
Une autre échéance est liée aux pourparlers que la troïka des bailleurs de fonds de la Grèce, à savoir l’UE, la BCE et le FMI, voudrait entamer début juin au plus tard avec le gouvernement grec sur d’autres mesures pour stabiliser l’économie. La Grèce aura d’ici là besoin d’une nouvelle tranche d’aide de 30 milliards d’euros pour payer les salaires et les pensions des fonctionnaires et pour stabiliser le secteur bancaire après la décote de la dette. Sans gouvernement capable de fonctionner, les bailleurs de fonds ne verseront pas les sommes prévues et la Grèce risque la faillite fin juin 2012.