Le 30 avril 2012, Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe, était l’invité d’un débat organisé à Hambourg par le Spiegel et la Körber-Stiftung dans le cadre de la série "Der Montag an der Spitze". Il répondait aux questions de Georg Mascolo et Britta Sandberg.
L’actuel président de l’Eurogroupe, dont le mandat va arriver à son terme en juin 2012, a donné son "plein soutien" à Wolfgang Schäuble, actuel ministre des Finances allemand, pour lui succéder à ce poste. A ses yeux, il importe en effet que le président de l’Eurogroupe en sache beaucoup et soit capable d’écouter. "Il ne s’agit pas de découvrir ce qui se passe à Chypre pendant une réunion", a glissé par exemple Jean-Claude Juncker. Et selon lui, Wolfgang Schäuble a ces qualités : "Il sait de quoi il parle pour ce qui des affaires concernant l’euro". "Sur ce point, il serait un candidat idéal", a déclaré Jean-Claude Juncker en soulignant qu’il est "l’Européen à la table du gouvernement à Berlin".
Pour Jean-Claude Juncker, le pacte budgétaire doit être accompagné de mesures stimulant la croissance. Ce qui permettrait d’apporter "une réponse concluante à la crise". "C’est un vrai sujet, bien qu’il ne soit pas nouveau", estime en effet le président de l’Eurogroupe, qui compte sur des résultats concrets en la matière dans les prochains mois. Car réduire la dette ne peut se fait que par la consolidation budgétaire. La question qui se pose, c’est donc de savoir comment créer de la croissance tout en faisant des économies. "Il y a des moyens", affirme Jean-Claude Juncker qui a pointé l’existence de fonds structurels encore non utilisés. Jean-Claude Juncker a ajouté que la BEI pourrait, si elle bénéficiait d’une augmentation de son capital le portant de 10 à 60 milliards d’euros, grâce à l’effet de levier, mettre à disposition le triple de cet argent pour relancer l’économie des pays en crise de la zone euro. Pour le Premier ministre luxembourgeois, il n’y aurait là aucune contradiction avec la rigueur, et il insiste aussi sur la nécessité de mener des réformes structurelles, comme la libéralisation des secteurs protégés, pour créer de la croissance dans les pays en crise : tout n’est pas question d’argent. Jean-Claude Juncker ne perd pas de vue les écarts de productivité qui existent entre certains pays. "La politique économique aurait dû être mieux coordonnée", juge Jean-Claude Juncker. Et ce n’est pas là qu’une question de traités, mais surtout de volonté politique.
Pour ce qui est de savoir si l’UE n’est pas en train de devenir, avec la crise, une Union de transfert, Jean-Claude Juncker a indiqué qu’il n’était à ses yeux pas question que la reprise de dettes soit inscrite dans les traités européens. Le soutien financier des pays de la zone euro à leurs partenaires doit, selon lui "rester très compliqué". Mais à long terme. Jean-Claude Juncker continue de plaider pour l’introduction d’euro-obligations qui permettraient aux pays de mutualiser une partie de leur dette. Ce serait selon lui la conséquence logique du traité sur le pacte budgétaire. "Mais ce sera long, le temps n’est pas encore venu", a-t-il admis. Quant à l’Union de transfert, elle existe déjà aujourd’hui, ne serait-ce que par les fonds structurels ou la PAC par exemple.
"Nous avons besoin de plus d’Europe, sinon tout serait bien pire", a déclaré Jean-Claude Juncker. Mais il a aussi mis en garde contre "l’uniformisation", appelant à la sensibilité. "Nous vivons depuis si longtemps déjà dans cette maison européenne et pourtant nous nous rencontrons comme des voisins de paliers dans une grande ville", a déploré Jean-Claude Juncker, qui souhaiterait que les Européens se connaissent mieux les uns les autres. Mais il a aussi souligné que jamais autant de décisions n’avaient été prises en Europe que pendant cette crise. Avec le recul, augure Jean-Claude Juncker, les historiens constateront que les responsables politiques auront réagi "incroyablement vite et incroyablement intelligemment".