La marche européenne des sans-papiers organisée par une "Coalition internationale des sans papiers", qui regroupe différents collectifs de migrants et sans-papiers, de France - d'où vient l'initiative- , de Belgique, des Pays-Bas, d'Allemagne, de Suisse et d'Italie est passée le 6 et le 7 juin 2012 au Luxembourg, où ses participants étaient les hôtes du parti Déi Lénk et hébergés au chalet de la fédération catholique des Lëtzeburger Guiden a Scouten.
La marche est partie le 2 juin de Bruxelles et se rend par étapes – des étapes emblématiques pour l’UE tout comme les étapes Maastricht, Luxembourg, Schengen - à Strasbourg, siège du Parlement européen, où elle veut arriver le 2 juillet. Ä Strasbourg, les 120 participants ont l’intention de remettre au Parlement européen leurs revendications et leurs propositions sur le droit de libre circulation des sans-papiers dans l’UE.
Leur site résume ainsi leurs revendications :
Lors d’une conférence de presse qui a par moments viré au meeting au Casino Syndical à Bonnevoie, les marcheurs ont exposé leurs positions.
Anzoumane Sissoko, le porte-parole de la "Coalition internationale des sans-papiers et des migrants", a évoqué le sens de l’action des 120 à 130 personnes, de 25 nationalités différentes, avec une majorité d’Africains de l’Ouest, et vivant dans plusieurs pays de l’UE et de l’espace Schengen – France-Belgique., Allemagne, Italie, Suisse – où ils sont en situation irrégulière. Pour lui, les 50 dernières années de politique d’immigration européenne sont un échec. Il a avancé le chiffre (non vérifiable, ndlr) de 50 milliards d’euros que les pays européens dépenseraient pour expulser les sans-papiers. Un gaspillage pour lui et ses camarades, qui demandent pour eux le même droit de circuler sur le continent européen que les Européens ont selon eux pour circuler sur le continent africain.
Koundénécoun Diallo, qui s’est dit délégué du "Ministère de la régularisation de tous les sans-papiers" a de son côté déclaré : "Nous sommes en Europe, parce que nous avons des problèmes chez nous. Nos grands-parents ont combattu en Europe. Nous sommes des Européens. L’Europe nous appartient à tous, mais on nous traite de manière différente. Nous venons ici pour travailler, pour nos familles." Si la marche se dirige par étapes vers le Parlement européen, "c’est parce qu’il a voté la 'directive de la honte'", c’est-à-dire la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. (voir notre dossier thématique) Koundénécoun Diallo s’est dit opposé à ce que les Etats membres de l’UE puissent chacun pour soi traiter les immigrants selon leurs règles. Prônant une "Europe des immigrés" plutôt qu’une "Europe des capitaux", il a demandé à ce que "les barrières cassent" en Europe et que "le Parlement européen nous donne notre place en Europe".
Vafi Bamba, délégué d’une coordination des sans papiers de Paris, a de son côté insisté sur le fait que "l’Europe s’invente à travers sa diversité". Le but de la marche est la suppression des frontières et des discriminations. Il a protesté contre le fait que l’on ait désormais tendance en Europe à rendre coupable l’immigré de tout ce qui ne va pas et d’oublier "son apport positif à l’Occident". Le partage des richesses dans le monde est selon lui injuste, les habitants des pays d’Afrique sont surexploités, les matières premières acquises à trop bon marché par l’Europe. Il y aurait moins d’immigration s’il y avait moins d’injustices. Bref, l’immigration ne va pas cesser tant que l’Europe ne change pas de politique en Afrique.
Un jeune Haïtien a ensuite pris la parole, chauffant la salle avec son slogan "De l’air, de l’air, ouvrez les frontières !", à la manière d’un "prédicateur", comme l’a dit par après le député socialiste Marc Angel, venu apporter son soutien à la marche, mais pas à tous les propos tenus. L’orateur de Haïti a dénoncé une politique européenne négrophobe, islamophobe et xénophobe, qui devrait revenir à ses valeurs authentiques d’avant le traité de Maastricht, quand l’Europe était selon lui "encore une terre d’accueil". La politique actuelle de l’Europe et de ses dirigeants qu’il a vilipendés nommément un à un crée par contre pour lui la crise en cours. La conférence de presse s’est alors transformée en meeting, avec l’assistance qui scandait "Non ! Non !", alors que l’orateur concluait : "De quel droit vous mangez, et nous non ?"
Lors de la discussion, Anzoumane Sissoko a précisé le type de libre circulation que lui et ses camarades veulent obtenir : pouvoir bouger en Europe à la recherche d’un travail, et ne pas être confiné par le fait d’être sans-papier à rester dans un seul pays, comme l’exigent en théorie les règles actuelles, une sorte de "fluidité" contre le "blocage" qui condamne à l’inactivité.