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Alors que le scandale du LIBOR ébranle la confiance du public dans le secteur bancaire, la Commission européenne propose de lutter contre la manipulation des taux à l'échelle de l'UE
25-07-2012


Le récent scandale autour de l’indice de référence LIBOR a suscité de fortes inquiétudes à propos de fausses déclarations de banques sur l'estimation de leurs taux interbancaires. Toute manipulation ou tentative de manipulation d'indices de référence aussi essentiels est susceptible d'avoir de graves répercussions sur l'intégrité du marché et d'entraîner des pertes importantes pour les consommateurs et les investisseurs, ou des distorsions de l'économie réelle.

La Commission européenne est donc intervenue le 25 juillet 2012 pour s'attaquer à ce genre de manipulation de marché en adoptant des modifications de ses propositions initiales de règlement et de directive sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché ainsi que sur les sanctions pénales à leur appliquer, qui avaient été déposées le 20 octobre 2011

Les modifications adoptées le 25 juillet 2012 par la Commission européenne devraient interdire expressément la manipulation d'indices de référence, notamment du LIBOR et de l'EURIBOR, et ériger ce type de manipulation en infraction pénale.

Michel Barnier et Viviane Reding, le 25 juillet 2012 à Bruxelles, lors de leur conférence de presse conjointe sur les sanctions pénales à l'égard de ceux qui manipulent les marchés financiersLors d’une conférence de presse conjointe avec son collègue Michel Barnier, Viviane Reding, la vice-présidente de la Commission chargée de la justice, a déclaré  que "l'Union européenne doit intervenir pour mettre un terme aux activités criminelles dans le secteur bancaire".

Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services, a de son côté déclaré que "les enquêtes internationales en cours sur la manipulation du LIBOR ont mis en évidence un nouvel exemple, s'il en était besoin, d'agissements scandaleux de la part des banques" et qu’il a à s'assurer "que de tels actes soient entièrement proscrits par nos propositions législatives sur les abus de marché."

Contexte

Un indice de référence désigne tout indice commercial ou chiffre publié, obtenu par application d’une formule à la valeur d'un ou plusieurs actifs ou prix sous-jacents, y compris à des estimations de prix, de taux d'intérêt ou d'autres valeurs, ou à des données d'enquêtes, et par référence auquel est déterminé le montant à verser au titre d'un instrument financier. Les actifs ou prix sous-jacents servant à l'établissement des indices de référence peuvent correspondre à des taux d'intérêt ou à des matières premières, comme le pétrole, si ces derniers déterminent le montant à verser au titre d'un instrument financier, tel qu'un dérivé.

Avec sa nouvelle proposition, la Commission européenne réagit au récent scandale autour de l’indice de référence LIBOR, qui constitue est une série de taux de référence du marché monétaire de différentes devises et dont le nom a été formé par la contraction des mots anglais London interbank offered rate (en français : "taux interbancaire offert de Londres"). Seize banques européennes sont suspectées d’avoir manipulé entre 2005 et 2009 le LIBOR avec de fausses données, avec pour but de cacher les frais occasionnés par leur recapitalisation et d’augmenter leurs gains sur les marchés financiers. L’ampleur du scandale vient du fait que le LIBOR sert de référence pour des crédits qui vont à des entreprises et des particuliers ainsi que pour d’autres transactions financières et sert de référence à un volume d’affaires qui tourne autour de 360 milliards d’euros.   

Les propositions de la Commission

Dans ce contexte, la Commission a adopté deux propositions.

La première est une proposition modifiée apportant les modifications suivantes à la proposition de règlement sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, adoptée par la Commission le 20 octobre 2011:

  • modification du champ d'application de la proposition de règlement pour y inclure les indices de référence;
  • modification des définitions pour y inclure une définition des indices de référence, correspondant à une version étoffée de la définition utilisée dans la proposition de règlement concernant les marchés d'instruments financiers (MiFIR); les indices de référence sur taux d'intérêt et sur matières premières y sont inclus;
  • modification de la définition de l'infraction que constituent les manipulations de marché pour y inclure la manipulation et les tentatives de manipulation d'indices de référence; et
  • modification des considérants pour justifier l'inclusion des indices de référence au sein du champ d'application et de la définition de l'infraction que constituent les manipulations de marché.

La Commission a adopté parallèlement une proposition modifiée apportant les modifications suivantes à la proposition de directive relative aux sanctions pénales applicables aux opérations d'initiés et aux manipulations de marché:

  • modification des définitions pour y inclure une définition des indices de référence;
  • modification de la définition de l'infraction que constituent les manipulations de marché pour y inclure la manipulation des indices de référence; et
  • modification de la définition de l'infraction «incitation, complicité et tentative» pour y inclure ces agissements lorsqu'ils ont trait à la manipulation d'indices de référence.

La Commission ne propose pas à ce stade de fixer de minima concernant le type et le niveau des sanctions pénales, mais entend demander à chaque État membre de prévoir dans sa législation nationale que des sanctions pénales s'appliquent à la manipulation d'indices de référence.

Dans sa proposition initiale de directive, elle proposait de procéder, dans un délai de quatre ans après l’entrée en vigueur de la directive, à un réexamen, notamment de l'opportunité d’introduire des règles minimales relatives au type et au niveau des sanctions pénales.

Où en sont les propositions d’octobre 2011 ?

Les propositions du 25 juillet 2012 ne sont que des amendements aux propositions d’octobre 2011 qui n’en sont, elles, qu’au stade de la délibération.

Un  projet de rapport a été présenté par l’eurodéputée Arlene MacCarthy (S&D) sur les propositions de 2011 à la commission des Affaires économiques et monétaires et d’ores et déjà amendé.      

Dans ce projet de rapport, on peut lire : "La directive est la première de ce type dans le domaine des services financiers et il convient de veiller à ce qu'elle garantisse un cadre fort et solide permettant de lutter contre les abus de marché tout en laissant aux États membres le soin de déterminer les détails des sanctions et des peines. Les délits d'abus de marché sont complexes et les États membres doivent donc bénéficier de la flexibilité nécessaire pour appliquer leur propre éventail de sanctions et de peines, conformément à leur législation et à leurs dispositions nationales. Eu égard à l'importance de la lutte contre les abus de marchés et vu l'engagement de l'Union européenne pour la mise en place d'un régime de sanctions plus fort et plus solide, lesdites mesures devraient être mises en œuvre dans un délai de 12 mois et la Commission devrait faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur leur application dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la directive."

Dans sa présentation, Michel Barnier a clairement expliqué qu’il avait débattu avec le Parlement européen avant de faire ses propositions du 25 juillet 2012  et il a exprimé le souhait que ces textes "aboutissent avant la fin de cette année".  Il a ajouté : "On ne s'arrêtera pas là. Toutes les options sont sur la table, sauf le statu quo et l'autorégulation. Nous y travaillons, ainsi que la BCE." Cela pour annoncer que la Commission européenne fera à la rentrée une proposition législative sur une supervision bancaire intégrée et publique qui devrait mettre fin à une autorégulation du secteur qui s’est avérée être un échec.