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Economie, finances et monnaie
L’annonce de Moody’s plaçant le Luxembourg, toujours noté d’un triple A, sous perspective négative suscite quelques commentaires, mais pas de franche surprise
25-07-2012


La décision de l’agence de notation Moody’s de revoir à "négative" la perspective du Luxembourg tout en maintenant son triple A n’a pas manqué de susciter réactions et commentaires au Grand-Duché.

Entretemps, l'agence de notation financière Moody's a abaissé le 25 juillet 2012 de "stable" à "négative" la perspective de l’EFSF, une réévaluation qui "suit les récents changements de perspectives opérés par Moody's sur les notes d'Etats de la zone euro qui sont des garants de l’EFSF", ainsi que l’a expliqué l’agence dans un communiqué.

"Il existe beaucoup d'incertitudes dans la zone euro et ce n'est pas une nouvelle", commente Luc Frieden

Luc Frieden, le ministre des Finances luxembourgeois, estime ainsi qu’il n’y a "pas de grande nouvelle dans cette analyse de Moody's car elle confirme que quatre Etats conservent le triple A dont le Luxembourg, sans cacher que le pays connaît des difficultés : elle dit qu'il existe beaucoup d'incertitudes dans la zone euro et ce n'est pas une nouvelle". En bref, résume Luc Frieden dans un entretien publié dans le Quotidien daté du 25 juillet 2012, "Moody's confirme finalement que nous ne sommes pas dans une situation stable". Le ministre a encore confié à la journaliste Geneviève Montaigu que "ce qui frappe, c'est que Moody's n'a pas dit cela il y a trois mois, sans qu'il y ait eu de changements importants dans la situation entre-temps". Pourtant, souligne le ministre, "beaucoup de mesures prises sont en train d'être transposées et le dossier espagnol est en cours d'examen".

Pour le ministre, "nous ne sommes pas menacés" et les spéculations sur une sortie de la Grèce de la zone euro "conduisent à ce genre d'analyse de la part des agences de notation donc de Moody’s". "Les agences de notation regardent le court terme, alors que les mesures amèneront la stabilité à long terme", commente Luc Frieden

L’annonce de Moody’s conforte l’ADR dans ses pronostics et propositions

Dans les rangs de l’opposition, l’ADR a réagi le 24 juillet 2012 par voie de communiqué, se sentant "conforté dans ses pronostics et propositions" par l’évaluation de Moody’s. L’ADR voit dans cette annonce "un pas de plus dans la crise dans laquelle le Luxembourg risque de tomber dans la spirale négative de l’euro". Or, pour les représentants de l’ADR, le Premier ministre Jean-Claude Juncker "a sa part de responsabilité dans cette crise" dans la mesure où il a contribué, dès le début, à la décision de faire entrer la Grèce dans la zone euro sur la base de chiffres et de statistiques falsifiés, mais aussi parce qu’il a "contribué, voire en partie proposé, aux décisions qui font plonger l’Europe toujours plus profondément dans la crise de mois en mois, voire de jour en jour".

L’ADR saisit l’occasion pour demander la sortie de la Grèce de l’euro, mais ce avec des mesures d’accompagnement. Le parti en profite aussi pour exprimer ses critiques à l’égard des décisions portant sur l’évolution des finances publiques. Sans oublier de réitérer sa revendication de voir Jean-Claude Juncker s’engager à plein temps en tant que Premier ministre.

"Cela ne me surprend pas vraiment", dit Carlo Thelen, pour qui le Luxembourg est arrivé "à un point de non-retour"

La journaliste Christiane Kleer s’est elle intéressée, pour le Quotidien, à la façon dont Carlo Thelen, chef économiste à la Chambre de Commerce, a reçu la nouvelle. "Cela ne me surprend pas vraiment", lui a-t-il confié. De son point de vue, en effet, le déséquilibre budgétaire du Grand-Duché ne peut pas durer, et il a répété à plusieurs reprises que des réformes structurelles sont nécessaires afin de pérenniser la stabilité financière du pays. "Mais l'occasion pour résoudre ces problèmes structurels en douceur a été ratée. Avant la crise, l'excellente conjoncture a quelque peu masqué de nombreux problèmes structurels", a expliqué Carlo Thelen.

S’il n’est pas surpris, l’économiste n’en est pas moins inquiet, car la mise en garde de Moody’s sonne à ses oreilles comme "une menace réelle pour le triple A luxembourgeois". "Nous sommes au milieu d'un cercle vicieux", estime-il, pointant à la fois la hausse de la dette publique luxembourgeoise, mais aussi la stagnation des recettes budgétaires. Pour lui, une violation des critères de Maastricht n’est plus impensable. Il ne perd pas de vue non plus les pensions qu’il faudra payer dans les années à venir et il calcule que le Luxembourg compte "parmi les pays les plus endettés au monde".

Si le Luxembourg devait perdre son triple A, Carlo Thelen craint que le Grand-Duché ne perde sa stabilité économique et sociale, il imagine que "les investisseurs bouderaient sans doute le pays". Sans compter que les taux de prêt deviendraient beaucoup moins intéressants, ce qui mettrait encore plus de pression sur les finances publiques.

En bref, pour l’économiste en chef de la Chambre de Commerce, le Luxembourg est arrivé à un "point de non-retour". Il invite donc le gouvernement luxembourgeois à "développer enfin une vision, basée sur la une bonne gouvernance budgétaire, une radiographie de toutes les dépenses et sur une stratégie de renforcement de nos recettes fiscales". "Idéalement, un pays se gère comme une entreprise. L'efficience et la performance doivent être les mots d'ordres de l'Etat. Tout doit être fait pour garantir sa survie, même si, des fois, il faut repenser son fonctionnement", conclut Carlo Thelen dans les colonnes du Quotidien.