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Transports
Temps de vol des pilotes : l'Association luxembourgeoise des pilotes de ligne et le syndicat LCGB mettent en garde contre l'épuisement actuel et futur des pilotes de ligne
03-08-2012


Distribution de tracts au Findel"Méfiez-vous : votre sécurité est menacée!" Telle est la mise en garde que les passagers de l'aéroport du Findel ont reçu des mains des syndicalistes du LCGB et de l'Association luxembourgeoise des pilotes de ligne (ALPL), le vendredi 3 août 2012. Les deux organisations ont opéré une distribution de tracts afin de prévenir les passagers que la sécurité sur les vols aériens pourrait connaître une dégradation sensible au cours de l'année 2013.

C'est en effet cette année-là, à l'issue d'un processus législatif qui aura duré sept années, qu'une nouvelle règlementation sur les limitations des temps de vol des pilotes doit entrer en vigueur et imposer des standards uniformisés aux compagnies européennes. En 2006, le conseil des ministres du transport avait donné un mandat législatif à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) et à la Commission européenne pour travailler sur des nouvelles règlementations qui s'appuieraient sur des recommandations médicales et scientifiques. De nouvelles propositions étaient rendues nécessaires par le développement continu du transport aérien, et les défis d'organisation et de sécurité que pose ce nouvel essor. En 2010, 750 millions de passagers ont transité dans les plus de 450 aéroports que compte l'Union européenne. Et ce chiffre devrait quasiment doubler d'ici 2020.

Après avoir présenté fin 2010 une première mouture de sa proposition, qui suscita 50 000 commentaires, inquiets pour la plupart, l'EASA a présenté début 2012 le projet modifié dans un sens qui ne satisfait toujours pas les syndicats.

"La plupart des normes de cette nouvelle règlementation ne servent que les intérêts commerciaux du lobby des compagnies aériennes", ont ainsi fait savoir l'ALPL et le LCGB sur les tracts distribués au Findel. Les pilotes de ligne déplorent que les avis médicaux et scientifiques n'aient pas été davantage pris en compte. Alors que "des études démontrent que le risque d'accident s'accroît déjà de façon dramatique au-delà de 12 heures de travail", la nouvelle règlementation rend possible qu'un pilote assure l'atterrissage d'un avion après un service de garde de dix-huit heures et une période de vingt-et-une heures de service de garde sans avoir fermé l'œil.

Le 14 mai 2012, les syndicats européens de pilotes et de personnel aérien, ECA et ETF,  avaient déjà organisé une manifestation devant les locaux de l'EASA le 14 mai 2012. Parallèlement, ils ont lancé un site internet spécialement dédié à leur combat, baptisé "Dead Tired".

Plus d'un pilote sur deux dit s'être déjà assoupi dans le cockpit

Dans un communiqué de presse conjoint, les deux syndicats, LCGB et ALPL réclament la refonte de la réglementation proposée par l'Agence européenne de la sécurité aérienne afin qu'elle tienne désormais compte des connaissances scientifiques, mais aussi que le principe de précaution prévale, pour garantir la sécurité de l'équipage, des voyageurs et des personnes qui vivent sous les couloirs aériens. Cette réglementation doit présenter "des mesures destinées à éviter les accidents et non limiter les coûts pour les compagnies aériennes", disent les syndicats dans un langage acerbe. Certes, l'EASA a bien fait commander des expertises scientifiques, mais elle en aurait tout bonnement ignoré trois. Les deux syndicats sont de ce fait d'avis que les propositions de l'EASA négligent les termes du mandat que le Conseil européen lui avait confié.

Ainsi, par exemple, pour les vols de nuit, la science réclame un temps maximal de vol de dix heures, tandis que l'UE, à travers le projet de l'EASA, en propose onze. "Les décideurs de l'UE sont ils plus savants que les experts médicaux et scientifiques ?", interrogent les deux syndicats.

Un tel revirement serait d'autant plus indispensable que la situation actuelle serait déjà périlleuse. Ainsi, mettent-ils en avant les résultats d'un sondage qui révèle que, déjà actuellement, 50 à 54 % des pilotes interrogés ont indiqué s'être déjà assoupis dans le cockpit. De surcroît,  dans 15 à 20 % des accidents aériens attribués à une erreur humaine (80 % du total des accidents), la fatigue des pilotes a constitué un facteur favorable. En 2010, 160 passagers d'Air India et en 2009, 52 clients de la Colgan Air, ont même péri dans des accidents à l'origine desquels "l'épuisement a joué un rôle décisif".

Des normes nationales mises en danger

Le communiqué de presse cite encore le rapport de la commission parlementaire britannique des transports qui, le 30 mai 2012, demandait la révision du projet, sans quoi "la sécurité serait en danger". Les élus britanniques se sont montrés d'autant plus circonspects que, lorsque la réglementation européenne entrera en vigueur, les Agences nationales d'aviation civile ne pourront pas appliquer de normes plus élevées.

"Nous partageons l'inquiétude que les nouvelles règles définissent un standard, qui permet un niveau plus élevé d'épuisement, qui en cas d'une observance insuffisante, pourrait très bien mener à une situation dans laquelle le risque d'accidents augmente", ont-ils déclaré avant de réclamer que "les scientifiques soient amenés à jouer un rôle plus central lors des futurs travaux de l'EASA".

Dans le cas du Luxembourg, les nouvelles règlementations assoupliraient les normes actuellement en vigueur quant à la durée de vol de nuit. Le LCGB et l'ALPL rappellent que le ministre danois des Transports, avait, en mars 2012, alors que son pays assurait la présidence de l'Union européenne, reconnu que le thème de la fatigue des pilotes était un "thème sérieux" et que le développement des transports aériens allait représenter dans les prochaines années "un défi pour ce qui des règles des temps de vol".

"Il est décisif d'assurer la sécurité des vols. La présidence danoise fera pression pour que les règlements reposent sur les résultats de la recherche scientifique et sur les recommandations des experts", avait-il encore dit en amont du Conseil Transports du 22 mars 2012 qui s'était concentré sur un autre point chaud dans le secteur de l'aviation : la libéralisation des services au sol.