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Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
Le gouvernement luxembourgeois ouvre la voie de la transposition de la directive AIFM
30-08-2012


Le 24 août 2012, le ministre des Finances, Luc Frieden, a déposé à la Chambre des députés le projet de loi 6471   portant transposition en droit luxembourgeois de la directive AIFM.

Un texte attendu au Grand-Duché, où est affichée depuis de longs mois la volonté d’être un pionnier dans la transposition d’une directive qui a fait l’objet de longues et difficiles négociations et qui pourrait offrir de "grandes opportunités".

Le dépôt de ce long texte n’est pas passé inaperçu des professionnels du secteur comme en témoigne le communiqué de l’ALFI qui salue "l’ambition du gouvernement luxembourgeois d’ouvrir la voie en étant parmi les tous premiers pays membres à transposer cette directive".

L’objet de la directive AIFM

La directive AIFM (2011/61/UE) a pour objectif de créer en Europe un cadre légal harmonisé régissant l'agrément et la surveillance des gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs. Cette directive vise à encadrer la gestion de véhicules d'investissement qui se qualifient comme des fonds d'investissement alternatifs au sens de ladite directive. D'une manière générale sont visés les organismes de placement collectif autres que les OPCVM qui sont actuellement réglementés par la directive UCITS (2009/65/CE). Le secteur des fonds d'investissement alternatifs, qui joue un rôle important dans le financement de l'économie européenne, regroupe des acteurs et des produits très différents, tels que les fonds de type private equity, les hedge funds ou encore les fonds immobiliers.

La directive pose un ensemble de règles qui portent plus particulièrement sur les conditions d'agrément des gestionnaires, les exigences organisationnelles, les exigences de fonds propres, les exigences en matière de gestion de liquidité et de risques, de délégation, de divulgation d'informations et de limitation de l'effet de levier. La directive contient par ailleurs des dispositions applicables aux dépositaires de fonds d'investissement alternatifs en précisant leur rôle et leurs responsabilités. La directive introduit également des règles visant à assurer une évaluation appropriée et indépendante des actifs des fonds d'investissement alternatifs. En contrepartie, les gestionnaires se voient offrir de nouvelles opportunités à travers un passeport européen qui leur permet de prester leurs services de gestion et de distribuer leurs fonds auprès d'investisseurs professionnels dans tous les États membres de l'UE. La directive introduit encore des règles spécifiques applicables aux gestionnaires et aux fonds d'investissement alternatifs établis en dehors de l'Union européenne. Ainsi, la directive prévoit le bénéfice du passeport européen pour les fonds établis en dehors de l'Union européenne, de même que la possibilité pour les gestionnaires établis en dehors de l'Union européenne d'être agréés suivant certaines conditions conformément à ladite directive.

Les dispositions de la directive 2011/61/UE devront être transposées par les États membres le 22 juillet 2013 au plus tard et devront être appliquées à partir de cette date, sous réserve des dispositions concernant les relations avec les pays tiers qui seront rendues applicables à la date qui figurera dans un acte délégué à prendre par la Commission, en principe en 2015. Le gouvernement luxembourgeois fait donc montre d’une célérité certaine en déposant ce projet de loi près d’un an avant la date de l’entrée en vigueur de la directive.

Qui sera concerné par la nouvelle loi ?

L’exposé des motifs du projet de loi portant transposition de la directive stipule que les nouvelles règles imposées aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs auront vocation à s'adresser principalement à des acteurs assurant la gestion de véhicules d'investissement qui sont actuellement déjà soumis à des réglementations spécifiques les concernant, en l'occurrence aux gestionnaires d'OPC relevant de la partie II de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif et aux gestionnaires de fonds d'investissement spécialisés régis par la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés. La gestion des SICAR régies par la loi du 15 juin 2004 relative à la société d'investissement en capital à risque relèvera également du champ d'application de la nouvelle réglementation. Sont également susceptibles d'être destinataires des nouvelles règles issues de la directive 2011/61/UE, les gestionnaires établis au Luxembourg qui assurent la gestion de tout autre véhicule d'investissement de droit luxembourgeois, actuellement non réglementé, ou d'un véhicule d'investissement de droit étranger se qualifiant comme fonds d'investissement alternatif au sens de ladite directive.

La nouvelle réglementation s'adressera tant aux gestionnaires externes désignés par le fonds d'investissement alternatif ou pour le compte de celui-ci qu'aux fonds d'investissement alternatifs dont la structure permet une gestion interne et pour lesquels l'organe de gestion interne n'a pas nommé un gestionnaire externe.

L’exposé des motifs précise que le projet de loi entend transposer la directive par un texte de loi spécifique qui aura pour objet d'introduire et de réglementer en droit luxembourgeois le statut de "gestionnaire de fonds d'investissement alternatifs", alors que le produit "fonds d'investissement alternatif" continuera d'être réglementé sur base des législations nationales existantes. Une approche qui est ligne avec celle retenue par le législateur européen, comme le soulignent les auteurs du projet de loi en faisant référence au considérant (10) de la directive.

Le projet de loi reprend fidèlement le texte et les formulations de la directive pour ce qui est des dispositions visant à réglementer le nouveau statut de "gestionnaire de fonds d'investissement alternatifs". Les règles introduites par le projet de loi s'appliqueront aux gestionnaires établis au Luxembourg, du moment qu'ils assurent la gestion de fonds d'investissement alternatifs tels que définis dans le projet de loi et sous réserve des exclusions et des dérogations qui y sont mentionnées, peu importe que ces fonds d'investissement alternatifs soient établis au Luxembourg, dans un autre État de l'Union européenne ou dans un pays tiers, et peu importe que ces fonds d'investissement alternatifs soient réglementés ou non.

Un projet de loi qui adapte les lois sectorielles réglementant les fonds d’investissement spécialisés afin de les mettre en conformité avec la nouvelle directive

Au-delà de la stricte transposition de la directive, le projet de loi prévoit également des modifications des lois sectorielles réglementant actuellement au Luxembourg des véhicules d'investissement qui se qualifient comme fonds d'investissement spécialisés, en l'occurrence la loi du 17 décembre 2010 pour les OPC relevant de la partie II de cette loi, la loi du 13 février 2007 pour les fonds d'investissement spécialisés et la loi du 15 juin 2004 pour les SICAR. Des modifications nécessaires pour assurer les interconnexions nécessaires entre ces lois et la nouvelle réglementation qui aura vocation à s'appliquer aux gestionnaires qui gèrent des fonds d'investissement alternatifs relevant de l'une de ces lois sectorielles.

Le projet de loi tient compte de certaines modifications à apporter aux lois du 17 décembre 2010, du 13 février 2007 et du 15 juin 2004 qui s'imposent au vu des zones d'interférence existant entre d'une part, les nouvelles règles "produit" introduites par la directive AIFM et d'autre part, les règles "produit" actuellement en vigueur applicables aux fonds d'investissement alternatifs (OPC, fonds d'investissement spécialisés, SICAR) réglementés par une des lois sectorielles en question. En effet, expliquent les auteurs du projet de loi dans l’exposé des motifs, la directive AIFM introduit, au-delà des exigences applicables aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, de nouvelles règles touchant au fonctionnement du "produit" fonds d'investissement alternatif géré par lesdits gestionnaires dans des domaines actuellement déjà couverts par les lois sectorielles réglementant les OPC, les fonds d'investissement spécialisés ou les SICAR. Ces nouvelles règles couvrent entre autres les domaines suivants : le régime applicable au dépositaire, la délégation des fonctions, l'évaluation des actifs ou les informations à fournir aux investisseurs.

Un projet de loi qui est l’occasion d’opérer un "toilettage" de la loi du 17 décembre 2010 sur les OPC

Le projet de loi est aussi l’occasion d’apporter des modifications à la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif qui ne sont pas liées à la transposition de la directive AIFM. Il s’agit notamment, précise l’exposé des motifs, de tenir compte de l'expérience acquise par la CSSF dans le cadre de sa mission de surveillance des organismes de placement collectif, en prévoyant par exemple la possibilité pour la CSSF de requérir la liquidation judiciaire d'une société de gestion. D’autres modifications entendent compléter la transposition de la directive UCITS en introduisant notamment une nouvelle disposition légale qui accordera aux associations représentant les intérêts des consommateurs et à la CSSF le droit d'intenter une action en cessation devant les tribunaux destinée à faire cesser une série d'actes contraires à la loi du 17 décembre 2010. Le projet de loi propose ensuite certains aménagements qui s'avèrent nécessaires aux fins de clarifier l'interprétation de certaines dispositions existantes de la loi. Le projet de loi procède enfin au toilettage de la loi du 17 décembre 2010 pour en améliorer la lisibilité et pour assurer l'utilisation d'une terminologie uniforme.

Adaptations de la législation rendues nécessaires par l’introduction du statut de "gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs"

La transposition de la directive nécessite d’autres modifications liées à la définition de gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs que va introduire la future loi en droit luxembourgeois.

Ainsi par exemple, l’actuel statut PSF "gestionnaire d’OPC non coordonné", régi par la loi du 5 avril 1993 relatif au secteur financier, va être abrogé dans la mesure où la gestion de ces véhicules d’investissement devrait à l’avenir être confiée à des professionnels ayant le statut de gestionnaire de fonds d’investissement. Un nouveau statut, celui de "dépositaire professionnel d'actifs autres que des instruments financiers", devrait en revanche être introduit dans cette même loi. La directive AIFM donne en effet aux États membres la possibilité de permettre que la garde des actifs d'un fonds d'investissement alternatif tombant dans le champ d'application de l'article 21, paragraphe (3), dernier alinéa,  de la directive, soit confiée à un dépositaire autre qu'un établissement de crédit, une entreprise d'investissement ou une autre entité agréée en vertu de la directive UCITS. Ces dispositions de la directive en matière de dépositaire reflètent la volonté d'adapter le régime du dépositaire aux spécificités des modèles économiques et à la nature des actifs des fonds d'investissement alternatifs. "Il semble judicieux pour le Luxembourg de lever cette option, dans la mesure où le Luxembourg entend se positionner comme un acteur de référence dans le domaine des fonds d'investissement alternatifs, domaine dans lequel le Luxembourg a déjà atteint une certaine notoriété notamment via les fonds d'investissement spécialisés et les sociétés d'investissement en capital à risque", expliquent les auteurs du projet de loi dans l’exposé des motifs.

Une innovation qui répond aux attentes de l’industrie des fonds : l’introduction au Luxembourg de sociétés en commandite spéciale sans personnalité juridique

Aspect de ce projet de loi très remarqué par les professionnels du secteur financier, il va apporter aussi des changements à la législation sur les sociétés en commandite, d'une part en modernisant le régime des sociétés en commandite simple et d'autre part en introduisant comme nouveauté au Luxembourg la société en commandite spéciale sans personnalité juridique.

"En offrant aux promoteurs de fonds alternatifs une juridiction unique pour la localisation tant de leurs fonds que de leurs structures de détention des investissements, le Luxembourg peut accroître sa compétitivité par rapport à d'autres juridictions de l’UE", arguent les auteurs du projet de loi. En ajoutant une commandite modernisée dans son offre de structures, le Luxembourg se situera avantageusement par rapport à d'autres juridictions de l'Union européenne qui essaient de se positionner pour attirer les fonds d'investissement qui viendront "on-shore" suite à la transposition de la directive AIFM, annoncent-ils encore, en précisant que l'industrie des fonds d'investissement considère la commandite comme la structure la plus à même de répondre aux attentes du marché.

Enfin, le projet de loi aura aussi des incidences sur différentes lois fiscales, ce qui aussi été remarqué par les professionnels du secteur.

L’ambition du gouvernement d’ouvrir la voie de la transposition est saluée par l’ALFI

L’Association luxembourgeoise des Fonds d’investissement (ALFI) a réagi le 29 août 2012 au dépôt de ce projet de loi. "A l’ALFI, nous sommes persuadés que l’AIFMD représente une opportunité unique pour l’Europe de créer une marque mondiale sur le marché de l’investissement alternatif, à l’instar d’UCITS", explique Camille Thommes, directeur général de l’association, dans un communiqué diffusé le 29 août 2012. "L’ALFI salue l’ambition du gouvernement luxembourgeois d’ouvrir la voie en étant parmi les tous premiers pays membres à transposer cette directive", poursuit-il, assurant que "cela renforcera la capacité du centre financier luxembourgeois, déjà reconnu dans le domaine de la gestion alternative, à poursuivre le développement des activités de type hedge, immobilier ou ALFIde private equity".  

Deux éléments du projet de loi ont retenu tout particulièrement l’attention des professionnels de la gestion alternative. "La création de la société en commandite spéciale, complétant l’offre de produits de fonds avec une organisation partenariale à la fois flexible et sûre, devrait convenir particulièrement aux investisseurs habitués à cette structure inspirée du modèle de partnership anglo-saxon", commente l’ALFI, se faisant l’écho du long plaidoyer pour cette solution glissé dans l’exposé des motifs par l’auteur du projet de loi. "D’autre part, le projet de loi clarifie le régime fiscal de l’intéressement aux plus-values", salue encore l’ALFI.

"La directive AIFMD permet la mise en œuvre d’un passeport européen pour les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs qui souhaitent proposer leurs services à l’ensemble du marché européen. Etant donnée la position du Luxembourg en tant que leader européen de la distribution transfrontalière, AIFMD devrait nous renforcer comme domicile de prédilection pour les fonds et sociétés de gestion du secteur alternatif", conclut Camille Thommes.