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Economie, finances et monnaie - Opinion
Jean-Claude Juncker considère qu'une sortie de la zone euro de la Grèce serait "maîtrisable" mais "pas désirable" pour autant
06-08-2012


wdrLe 6 août 2012, la WDR, chaîne de la télévision publique de Rhénanie-Palatinat, a diffusé une interview du Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, conduite par la journaliste Asli Sevindim, dans les rues de la ville de Luxembourg. Cet entretien, par moments intimiste, revient notamment sur les récentes disputes nées avec l'Allemagne suite aux mises en garde qu'il avait prononcées dans le débat sur le devenir de la Grèce dans la zone euro.

Il y aurait "des risques importants, avant tout pour les gens ordinaires en Grèce"

Jean-Claude Juncker y déclare qu'une sortie de la Grèce de la zone euro "serait, vue au jour d'aujourd'hui, maîtrisable". Mais, lui qui avait encore, le 30 juillet 2012, déclaré à la Süddeutsche Zeitung qu'un tel scénario ne faisait "pas partie de ses hypothèses de travail", a précisé dans la foulée qu'il ne considère toujours pas cette éventualité comme "un processus désirable" étant donné que "cela irait de pair avec des risques importants, avant tout pour les gens ordinaires en Grèce". Il a par ailleurs estimé qu'un tel scénario ne pourrait pas survenir "dans tous les cas avant la fin de l'automne et puis pas encore plus tard".

Ces propos sont intervenus après que la journaliste de la WDR a rappelé les propos controversés que le ministre allemand de l'Economie, Philip Rösler, avait tenu le 22 juillet 2012 sur le plateau de la chaîne allemande ARD. Celui qui est aussi vice-chancelier avait alors déclaré : "Je crois que, pour beaucoup de spécialistes, pour le FDP, également pour moi, une sortie de la Grèce de la zone euro a perdu depuis longtemps son caractère effrayant."

Dans l'interview accordée le 30 juillet 2012 à la Süddeutsche Zeitung, Jean-Claude Juncker avait répliqué, sans viser nommément Philip Rösler, que "ceux qui pensent résoudre les problèmes de la zone euro ainsi, en excluant ou en laissant tomber la Grèce, n'ont pas bien identifié les raisons de la crise". Il avait déploré que le scénario d'une sortie de la Grèce soit évoquée "juste pour servir son petit discours de politique intérieur mesquin".

Le 3 août 2012, Philip Rösler avait déclaré au journal "Ruhr Nachrichten" que "la conception de M. Juncker néglige le fait que les contribuables allemands s'engagent déjà fortement pour l'Europe". "Nous portons les risques les plus élevés", avait-il encore dit pour justifier ses déclarations.

"On peut dire : "ça m'est égal ce qui se passe avec les Grecs ordinaires, les petites gens" – et il y en a beaucoup en Grèce. Moi, ça ne m'est pas égal, ça ne m'est pas égal ce qui se passe avec des fermiers des montagnes grecques. C'est peut-être égal à Monsieur Rösler, à moi ça ne l'est pas", déclare Jean-Claude Juncker dans son interview à la WDR  alors qu'il se rendra à Athènes le 22 août 2012 pour s'entretenir avec le Premier ministre grec Antonis Samaras.

"Nous devons apprendre à nous aimer de nouveau"

De même, Jean-Claude Juncker constate que "les Allemands, beaucoup d'Allemands, mais aussi la presse allemande suprarégionale et la presse illustrée, parlent de la Grèce, comme si c'était un peuple qui n'était pas digne de respect. Ce n'est pas le cas. Les Grecs souffrent vraiment des conséquences de la crise et des mesures de crise qui doivent être prises." Ajoutant au tableau médiatique la présentation de la Chancelière allemande comme une héritière nazie dans les journaux à scandales grecs, Jean-Claude Juncker s'inquiète : "L'Histoire, que nous pensions avoir définitivement enterré, remonte très vite à la surface. L'intégration européenne reste une histoire extrêmement fragile. On doit agir délicatement avec les états d'âmes européens, et ne pas penser que l'Histoire serait de l'histoire ancienne. Non, l'Histoire est présente, et on doit agir les uns avec les autres très soigneusement. On doit aussi s'intéresser aux autres."

Or, si tout le monde est d'accord sur la nécessité de collaborer, "nous conduisons ce continent (…) sans rien savoir sur les conditions de vie des autres". "Je plaide vivement, pour que nous nous intéressions plus les uns aux autres. Jadis, on appelait cela, l'amour entre nations. Nous devons apprendre à nous aimer de nouveau", a encore déclaré le président de l'Eurogroupe.

Ce nouvel élan serait rendu indispensable par le déclin économique et démographique de l'Europe, au sens continental : "Le seul mot d'ordre et la seule solution pour les trente prochaines années consisteront à ce qu'en tant qu'Européens nous serrions davantage les rangs." Dans cette optique, l'euro serait le moyen qui permet de rivaliser avec les régions du monde entraînés dans une dynamique plus favorable. "Les Européens sont des nains, qui, quand on les pose sur une échelle, ne deviennent pas des géants pour autant. Nous devons montrer du géant aux yeux du monde, et c'est l'euro."

"En Europe, nous gagnons ensemble et perdons ensemble"

Cette solidarité serait entravée par le comportement qu'il juge "prépubertaire" de certains ministres européens qui veulent présenter dans leurs pays des décisions européennes comme leur victoire. "On sépare les participants des conseils en un groupe de gagnants et un groupe de perdants, et cela n'a absolument rien à voir avec le déroulement réel de la réunion. (…) Nous nous efforçons ensemble et collectivement, et la plupart du temps solidairement aussi, à trouver des solutions. Mais celui qui, pour des raisons de politique intérieure, sent la besoin irrépressible de se présenter comme vainqueur de la séance, doit pouvoir vivre avec le regard de ceux qui étaient là."

Juncker appelle ainsi à l'unité : "Celui qui fait comme si, dans la crise de l'euro, il s'agissait que les uns, parce qu'ils étaient particulièrement vertueux, auraient pris les autres au dépourvu, et les autres, qui seraient moins vertueux auraient perdu la discussion, fait en fait la description d'un ordre dispersé qui tel quel ne colle pas à la réalité. En Europe, nous gagnons ensemble et perdons ensemble."